Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2012 (La Tengo Éditions)
– 2013 (J’ai Lu)
Genre : roman noir
Personnage principal : Tony, jeune boxeur
Prix : Prix SNCF du polar 2013
Tony habite Auber (Aubervilliers commune de la banlieue nord-est de Paris, en Seine-Saint-Denis). Tout n’est pas rose pour lui : il n’a jamais connu son père, un gitan de passage, sa mère se livre à la prostitution et consomme de la drogue. Tony est un peu trop grand et un peu trop maigre, il prend souvent des trempes à l’école par les autres jeunes déjà aguerris à la vie dans la cité. Jusqu’au jour où son oncle le pousse dans une salle de boxe. Là c’est la révélation : il a des dons pour ce sport. Très rapidement il devient un excellent boxeur qui remporte brillamment son premier combat professionnel. Il est remarqué par Miguel, un caïd local, qui lui propose son aide : « Si jamais t’as besoin de quoi que ce soit, viens me voir ». Un soir, rentrant chez lui, Tony tombe sur un type en train de tabasser sa mère. Tony lui démonte la mâchoire. Le gars s’en va, penaud, content d’être encore en vie. Mais c’est un rancunier qui revient, en l’absence de Tony, battre sa mère et l’envoyer à l’hôpital. Pour la venger et retrouver le gars qui est protégé par sa bande, Tony a besoin d’aide. Il repense à la proposition du caïd Miguel qui, après quelques hésitations, ne voulant pas mettre en péril le business, accepte quand même de s’occuper de l’agresseur. Mais Tony devient redevable, rien n’est gratuit dans ce milieu. Il va donc payer sa dette en participant à une expédition punitive puis à une livraison de drogue. Il est intégré dans la famille mafieuse de Miguel tout en continuant à boxer. Mais nouveau coup dur : son oncle, l’homme qui a entretenu financièrement sa mère et lui, est assassiné. Tony va chercher le coupable. Tout va basculer.
L’intrigue est assez classique mais le style, parfaitement adapté au sujet, donne une vision très réaliste du monde des cités et des tours de cette banlieue de Paris. De même lorsque l’auteur parle de la boxe, les sensations, l’ambiance du gymnase, sont parfaitement rendues par le texte. L’écriture est simple, directe et efficace et percutante. Pas une once de gras, comme la morphologie du boxeur Tony. Ce petit livre (180 pages en poche) se lit vite et facilement, mais il est dense, sans temps mort. Pour seulement 5,60 euros (en version livre de poche) il est bien plus édifiant sur le monde des cités qu’un rapport ministériel d’un expert grassement rétribué, n’ayant jamais mis les pieds entre les tours. Les sources d’économies dont on nous rebat les oreilles sont aussi là ! Par le style, par le sujet, ce livre rappelle quelques maîtres du roman noir américain, en particulier David Goodis, dont une phrase tirée de Retour à la vie introduit le livre. Pour un auteur de 25 ans, c’est prometteur ! Un très bon et justifié prix du polar SNCF.
Extrait :
La boxe m’a fait tenir, c’est ce qui m’a empêché de me faire démolir ici. Mais ça ne m’a pas seulement empêché d’éviter les trempes. Tu sais, avant la salle, je n’aurais jamais cru qu’il y avait autre chose que les larmes de ma mère et la vie en haut d’une tour. Putain ce n’était pas le paradis, juste un vieux gymnase qui sent la sueur. Mais c’était chez moi. La première fois que j’ai ressenti de la fierté, c’était là-bas. J’avais la trique. Il ne pouvait rien m’arriver. Et cette découverte, je la lui dois. Maintenant qu’il est mort, c’est différent. Je ressens l’envie de boxer, la seule envie, mais je ne ressens plus la motivation. Je continuerai à boxer.
« La boxe m’a fait tenir, c’est ce qui m’a empêché de me faire démolir ici. Mais ça ne m’a pas seulement empêché d’éviter les trempes. Tu sais, avant la salle, je n’aurais jamais cru qu’il y avait autre chose que les larmes de ma mère et la vie en haut d’une tour. Putain ce n’était pas le paradis, juste un vieux gymnase qui sent la sueur. Mais c’était chez moi. La première fois que j’ai ressenti de la fierté, c’était là-bas. J’avais la trique. Il ne pouvait rien m’arriver. Et cette découverte, je la lui dois. Maintenant qu’il est mort, c’est différent. Je ressens l’envie de boxer, la seule envie, mais je ne ressens plus la motivation. Je continuerai à boxer.
Vous appelez cela un style remarquable ?!!! MDR
Vous n’avez pas fait des études de lettres vous !!!
Le passage que vous citez est entre guillemets (qu’il conviendrait, pour un lettré comme vous, d’ouvrir sans oublier de refermer), c’est un boxeur qui s’exprime. Effectivement il n’a pas dû faire des études de lettres, il parle avec ses mots et sa culture. Je viens de relire ma chronique, je n’ai jamais écrit que le style était remarquable, j’ai indiqué : « …le style, parfaitement adapté au sujet…L’écriture est simple, directe et efficace et percutante. » Le style qui convient pour raconter l’histoire d’un jeune des cités passionné de boxe.
Un style remarquable pour ce jeune écrivain ! j’attends avec impatience la parution du troisième volet de cette trilogie!
Après Paris la nuit on attendait déjà le deuxième livre de l’auteur. Maintenant c’est le troisième car la qualité des romans se maintient. On ne sera pas déçu par le troisième volet de la trilogie, je pense.
Je ne lis que du bien de ce roman, de son auteur aussi d’ailleurs. Je crains pourtant que le style ne me plaise pas, je n’apprécie guère le genre oral percutant. Aubervilliers, la boxe ne m’attirent pas précisément non plus…
Sandrine, n’aurais-tu pas l’esprit de contradiction très développé ? A moins que nous goûts ne soient très différents ? Dans ma chronique sur Black coffee, je dis que ce bouquin n’est pas terrible, dans ton commentaire tu dis que tu vas le lire. Là je dis que Balancé dans les cordes est un bon polar et tu me laisses entendre que tu ne le liras pas ! 🙂 . Bon, je précise que Balancé dans les cordes est avant tout un roman noir qui parle de boxe et de banlieue mais c’est pas un roman sur la boxe et la banlieue. C’est une tragédie moderne dont le cadre est Aubervilliers. Heureux quand même de ton commentaire 😉