Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2013 (le cherche midi)
Genres : Thriller, roman noir
Personnages principaux : L’Inconnu, dangereux criminel qui s’en prend aux riches – Chance Doyen ex-officier de police et sa fille nommée Mademoiselle Chance.
Aux mariages de deux couples d’enfants de notables, où sont présentes quelques personnalités parmi les plus riches de France, officie un étrange photographe. En fait l’homme n’est pas vraiment photographe, il s’est substitué au photographe officiel pour pouvoir approcher les mariés. Par cette ruse l’homme réussit à enlever Aurore Dragan la toute nouvelle épouse de Chance Doyen. Drôle de prénom « Chance », dû à des parents qui ont voulu saluer le bonheur d’avoir un enfant alors que la médecine leur avait garanti qu’ils n’en auraient aucun. Les familles Dragan, Doyen et Lapierre (7ème fortune de France) sont unies par des liens historiques et de classe sociale. Elles représentent le gratin de la société : Les Dragan sont dans la politique, Les Doyen dans l’état-major de la police et les Lapierre dans l’industrie. Ce jour-là ces familles mariaient leurs enfants entre eux, mais la fête est gâchée par l’enlèvement d’une des mariées qui était enceinte. Étant donné la notoriété des familles et leurs relations, nul ne doute que le ravisseur sera capturé rapidement. Mais malgré un déploiement impressionnant de forces de police, neuf mois plus tard Aurore et son kidnappeur n’ont toujours pas été retrouvés. Aucune piste. Aucune demande de rançon. Puis enfin un indice qui mène dans un village abandonné, au centre de la France. Là, Chance et les policiers finissent par trouver, au fond d’une cave, Aurore dans le coma, en mort cérébrale et sur le point d’accoucher. Avec la complicité d’un vieux paysan du coin, ils capturent aussi l’homme qui a enlevé la mariée. Impossible de découvrir son identité. De façon originale on le surnomme alors l’Inconnu. Quelques jours après les médecins extirpent un petit bébé, une fille, du ventre de la mère inconsciente. En raison des mauvais traitements infligés à la mère le bébé est fragile, son cœur s’arrête de battre par intermittences. Seul son père, Chance, sait apporter l’apaisement à sa fille. Il ne peut pas se séparer de son enfant sinon le bébé mourrait. Malgré le pronostic des médecins qui ne lui accordaient que peu de chance de survivre, la petite fille grandit. Son père lui donne le même prénom que lui, c’est maintenant Mademoiselle Chance. Pendant les neuf ans qui suivent le père et la fille Chance vont vivre dans une maison isolée de la Bretagne en haut d’une falaise. La mère Aurore est toujours dans le coma. L’Inconnu est en prison. Puis l’Inconnu réussit à s’échapper et les enfants des invités aux mariages commencent à tomber. Un premier est assassiné de façon horrible, d’autres vont suivre. Les médias à sensation vont répercuter qu’un inconnu s’en prend aux ultra-riches. Le peuple indigné par le comportement de son élite, fait du nouvel ennemi public une sorte de héros vengeur, la revanche sociale est en route. Des tee-shirts à son effigie fleurissent. C’est la France d’en bas contre celle d’en haut. L’Inconnu demeure insaisissable mais en recoupant tous les éléments de l’enquête, Chance réussit à savoir que l’Inconnu a suivi une formation militaire spéciale, sous le pseudo de Jean Valjean, qui en a fait une machine de guerre redoutable. La traque s’intensifie. Chance et les policiers vont devoir remonter le temps pour découvrir l’identité du tueur. Il y aura des surprises.
Ce bouquin est un roman dense et foisonnant. À côté de l’intrigue policière, il aborde plusieurs autres thèmes, entre autres :
– Les ultra-riches et leurs privilèges. Le ressentiment de ceux « d’en bas » devant les frasques de ceux qui ne savent pas ce qu’ils dépensent est tel qu’ils font d’un criminel une sorte d’ange exterminateur qui rétablit un peu de justice en leur infligeant une punition méritée.
– La société mercantile : ce monde où tout se vend et où tout peut s’acheter, plus rien n’a de valeur autre que l’argent.
– L’ambition politique et les alliances qui se font et défont au gré des opportunismes.
– L’omniprésence des communicants dans la politique.
– Le cynisme et la toute puissance de la finance.
– L’humiliation des gens modestes …
C’est donc un livre qui, à travers une intrigue policière, nous décrit notre monde de façon passionnante et critique. Si l’on n’est pas trop à cheval sur la vraisemblance, on acceptera quelques exagérations romanesques comme la maturité exceptionnelle d’une fillette de neuf ans où les qualités militaires extraordinaires de l’Inconnu.
Les personnages sont consistants. Les personnages principaux (l’Inconnu, Chance, sa fille) bien sûr mais aussi tout un ensemble de personnages secondaires (les deux grand-pères, l’oncle) sont finement décrits et leur motivations bien exposées.
Ne pas se fier à la couverture et au titre Mademoiselle Chance, ils évoquent plutôt un roman sentimental avec cette silhouette évanescente de jeune fille sur fond blanc alors que c’est un thriller et un roman noir, dur, violent et implacable. Le suspense est croissant et bien maintenu jusqu’à une fin étonnante.
Mademoiselle Chance est un excellent polar et un roman magistral qui sort des sentiers battus.
Extrait :
Le portrait du tueur s’étale à la une des grands quotidiens. La photo la plus utilisée est celle de son entrée à la prison de la Santé : un visage sur lequel on lit une détermination d’en découdre. Les articles relatifs à l’enquête remplissent des pages qui n’attendaient que ça. Ce sera le feuilleton de l’été. Celui qui passionnera soixante millions de Français se payant des vacances de plus en plus discount. Cette histoire sera leur vengeance sur ceux qui ne savent pas l’argent qu’ils dépensent. Un quotidien titrera : « L’été pourri des milliardaires». Ce sera la meilleure vente. Dans tous les journaux fleurissent de nombreux textes sur les ennemis historiques de la République. Des dossiers confus et opportunistes, mettant dans un même sac l’affaire Calas, Pierrot le Fou, Stavisky, Carlos, Mesrine, Action directe ou Khaled Kelkal. Tous sont présentés comme les ancêtres de celui que la France entière appelle l’Inconnu. Le nouvel ennemi public.
La mélodie est malmenée, pourtant, jamais la chanson de Dave, Vanina, n’aura eu interprétation si passionnée.
– Loin de toi je me demande. Pourquoi ma vie ressemble… A une terre brûlée. Mais quand l’amour prend ses distances. Un seul être vous manque. Et tout est dépeuplé. Vanina, ah, ah, ah, ah, ah…
Dave – Vanina
Cher Raymond Pedoussaut,
Je suis l’auteur de Mademoiselle Chance sur lequel vous aviez écris dans votre Blog , un article qui m’avait beaucoup honoré, ce dont je vous remercie.
Mon premier long-métrage cinéma, Cruel, grand prix du dernier festival de Cognac, sort en salles le 1er février. Je souhaitais vous en informer, curieux , si vous le voyez, d’avoir votre sentîment.
Bien à vous,
Eric Cherrière
Je vous remercie de penser à moi après cette chronique qui date de plus de trois ans. Je vous félicite pour votre Grand prix 2016 au festival de Cognac. Effectivement je suis intéressé par ce film et je guetterai sa sortie au mois de février pour le voir et je ne manquerai pas de vous donner mon ressenti.