Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2001
Date de publication française : 2005 (Payot & Rivages) – 2013 (Rivages/Noir)
Genres : Polar social, polar humoristique, satire
Personnage principal : Marlon Conrad, gouverneur de Floride
Marlon Conrad, 38 ans, riche, bel homme, est vice-gouverneur de Floride en attendant, le moment venu, de devenir gouverneur. Il le devient malgré lui quand le titulaire du poste se tue dans un accident de chasse. Mais les élections approchent, il faut assurer sa réélection, ce qui ne devrait pas poser de problèmes : son père ancien ministre de la justice et actuel président du parti républicain de Floride et ses amis lobbyistes s’en occupent. Marlon lui n’était pas pressé de devenir gouverneur, son poste de vice-gouverneur ne l’obligeait à aucun service et lui laissait tout le temps de s’occuper des ses hobbies, entre autres les jeux sur ordinateur. La voie de Marlon est toute tracée : il est destiné depuis toujours à devenir gouverneur de Floride et à épouser Babs, la fille d’un puissant lobbyiste, ami de son père, ce qui devrait favoriser toutes sortes d’alliances économico-politiques. Mais Marlon n’est pas plus pressé d’épouser Babs que de devenir gouverneur. Il faut dire qu’il a des circonstances atténuantes Marlon. Babs est ventriloque et passionnée de marionnettes et un soir que Marlon s’apprêtait à embrasser Babs là où ça brûlait, il eut la surprise d’entendre le sexe de sa compagne lui souhaiter bonsoir avec la voix de Woody, le cow-boy de Toy Story. Ça l’a traumatisé Marlon ! Depuis avec Babs, il ne peut plus. Avec les autres ça va. Cependant sous la pression de son entourage, il se dévoue, les affaires sont les affaires. Il entre mollement en campagne. Et puis voilà qu’un détail va faire dérailler la belle machine électorale : Marlon a oublié de faire son service militaire. L’opinion ne va pas aimer, surtout au moment où les Républicains reprochent aux Démocrates d’avoir évité le Vietnam. Pour retourner la situation, on va enrôler Marlon dans la réserve de l’armée pendant deux semaines. Là encore les choses ne se passent pas comme prévu, au lieu d’être tranquillement dorloté dans un coin peinard, Marlon est envoyé dans les Balkans, au Kosovo… où on le perd de vue. Pendant ce temps Marlon se retrouve dans une vraie guerre. La petite troupe dont il fait partie est prise dans une embuscade. Il risque sa vie et des compagnons d’arme vont mourir. Des renforts américains vont le tirer d’une position difficile et le rapatrier. Il revient au pays en héros national, à la grande satisfaction des affairistes à qui la situation avait échappé mais qui trouvent que c’est finalement un bon coup médiatique. Mais voilà, l’homme qui revient de la guerre est profondément changé. Dans un premier temps, il va visiter, incognito, les familles de ses compagnons d’arme qui ont été tués au combat. Puis, dans un camping-car, baptisé Orange Crush à cause de sa décoration extérieure, il va se lancer dans un périple à travers le pays pour rencontrer les gens, les modestes, les humbles, les opprimés et il va les écouter. Il décide de représenter ces gens. Il devient incontrôlable. Les politiques et les médias courent après lui pour essayer de reprendre le contrôle.
Tim Dorsey n’y va pas avec le dos de la cuillère dans sa charge contre les hommes politiques et les milieux des affaires ! Il les présente comme assoiffés d’argent, combinards, grossiers et incultes : certains pensent que le cunnilingus est une sorte d’accident du travail ! Les médias en prennent aussi pour leur compte. Peu importe que les émissions soient débiles ou dégradantes pourvu qu’il y ait du spectacle et de l’audience. Seuls les gens simples et courageux trouvent grâce aux yeux de l’auteur : ses compagnons du Kosovo et leur famille sont décrits avec compassion et humanité.
Dans la première partie du livre, Dorsey s’en tient à une critique sociale féroce mais assez fine du milieu politico-financier. Ensuite le trait s’épaissit, le récit tourne à la caricature pour finir dans la grosse farce. Dorsey s’en donne alors à cœur joie lorsqu’il décrit de façon burlesque le cirque politico-médiatique. Pour ma part j’ai regretté que l’auteur tombe dans la bouffonnerie. Je le trouvais plus mordant quand il se limitait à la critique acerbe. Mais on rit beaucoup quand même.
Le style est percutant, l’humour, caustique et ravageur, est permanent. Les personnages sont assez déjantés et ridicules dans leur quête de l’argent et du pouvoir. Les personnages secondaires sont nombreux. On a parfois du mal à discerner leur place exacte dans cette histoire.
Orange Crush est un roman satirique dans lequel l’auteur se livre à un joyeux jeu de massacre en tournant en ridicule les ambitions des politiques, la rapacité des milieux d’affaires et la médiocrité des médias. Aucun respect pour les prétendus élites ! Assez jubilatoire !
Extrait :
Le libre-échange, c’est à peu près aussi désirable que d’attraper la coqueluche, pour les capitalistes. Leur logique, c’est de former des conglomérats, d’assurer l’homogénéisation, la concentration verticale et de conforter leur domination jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de concurrence du tout. Les règles? Mais ils s’en contrefoutent, des règles ! Ils seraient prêts à truquer le jeu, à cracher sur la balle, à soudoyer les arbitres, à construire des terrains en pente et à tirer les cheerleaders pour que la liberté d’entreprendre s’en prenne un bon coup dans les couilles.
– Musique ! s’écria Marlon.
– J’ai ! fit Pimento en se mettant aussitôt à chercher un poste sur l’autoradio.
– Mais vous êtes tous défoncés, ou quoi ?
You say you want a révolution, well you know, we ail want to change the world…
The Beatles – Revolution
Quelle belle chronique fleuve. Si là on est pas accroché, on ne le sera jamais.
C’est incroyable le nombre d’auteurs que je découvre grâce à vos chroniques aux uns et aux autres. Ce sont les nouvelles librairies du 21ème siècle à l’ère numérique !
Félicitations Ray 🙂
Merci Marc. Tes compliments me vont droit au cœur. Si nos chroniques permettent à quelques-uns de découvrir des auteurs et de donner envie de les lire nous avons atteint notre modeste but.
Surprenants les talents de ventriloque utilisés dans un tel moment ! Marlon ne s’en est pas remis. Mes chroniques sont là pour donner envie de lire, plus rarement pour dissuader de lire tel ou tel bouquin.
Merci, Fabe, pour ton commentaire.
Le coup de la ventriloque … ça j’ai retenu 😉
Mais encore … un livre à lire car ta chronique m’en a donné l’envie.
Merci à toi.