Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2013 (Albin Michel)
Genres : Enquête, polar ethnologique
Personnage principal : Yeruldelgger commissaire de police à Oulan-Bator (capitale de la Mongolie)
Dans la steppe, des nomades ont découvert le corps d’une petite fille enterrée avec son tricycle. Simultanément éclate une autre affaire : dans une usine chinoise, on a retrouvé les corps de trois cadres chinois, exécutés et émasculés, et deux prostituées pendues en possession des attributs virils manquant aux hommes assassinés. Yeruldelgger, commissaire de police à Oulan-Bator, est en charge de ces deux affaires qui n’ont apparemment aucun lien entre elles. Ce n’est pas facile pour lui : les Chinois, arrogants, bénéficient d’appuis auprès des responsables politiques et de la hiérarchie policière. Ils veulent le tenir à l’écart des évènements qui se sont déroulés dans leur usine. Sa grande fille, qui lui voue une haine tenace, est compromise avec un membre d’un groupuscule de nazillons qui serait impliqué dans la mort de la petite fille au tricycle. Ses enquêtes vont le conduire vers son beau père, un homme riche et puissant. Un passé douloureux va ressurgir et compliquer encore plus ses investigations.
Dans ce livre, à côté de réelles qualités, on trouve de notables défauts. Il est intéressant par son cadre original pour un polar : la Mongolie. On sent que l’auteur aime ce pays, il sait le décrire et nous faire aimer ses traditions. Le personnage principal, le commissaire Yeruldelgger, est attachant. Il respecte les traditions mongoles et les fait respecter. C’est un homme qui traine un passé douloureux : sa fille a été enlevée et assassinée pour faire pression et lui faire lâcher une enquête. En plus de sa douleur, il a été l’objet de l’opprobre général en étant accusé d’avoir sacrifié sa fille pour faire aboutir une enquête. C’est un héros du genre hardboiled, comme le qualifieraient les Américains, un dur à cuire, qui ne s’en laisse pas compter. Il ne craint pas d’affronter les puissants et n’hésite pas à braquer son révolver sur la tête de son chef qu’il méprise.
Concernant les défauts que je trouve à ce livre, les plus importants sont des invraisemblances criardes et un certain mélange des genres que je juge malheureux. Comment admettre qu’un gamin des rues, vivant dans les canalisations des égouts de la ville se révèle être un sauveur et un petit chef capable de donner des ordres à une bande de motards nazillons très excités par l’alcool ? Ce super Gavroche est aussi un détective hors pair, plus futé que les professionnels. À un moment donné le polar bascule dans le surnaturel : un vieux nomade, un chamane, arrive pour apporter de bonnes nouvelles parce qu’il a été appelé mentalement par l’esprit de l’amie de Yeruldelgger qui, elle, n’en savait rien. Ce type est aussi capable de lire dans les pensées et il prescrit des remèdes ancestraux à base de graisse d’ours et de toiles d’araignées. À un autre moment, nous tombons dans le genre Arts Martiaux avec un vieux moine combattant, totalement insaisissable. Les moines du Sixième Shaolin, sont des combattants invulnérables, des surhommes, qui se transforment en gardes du corps, très sécurisants. On ne peut s’empêcher de penser aux films à la mode au début des années 2000 (Tigres et dragons ou Le secret des poignards volants). Il a quand même de la chance Yeruldelgger d’avoir des amis comme ces moines. En plus de le protéger et de le sortir de situations difficiles, ils lui fournissent toutes les solutions à ses enquêtes dans une séance collective d’interprétation des rêves. Pas besoin d’une enquête méticuleuse, il suffit d’exploiter ses rêves ! C’est quand même tomber dans la facilité, d’utiliser ce genre de procédé. Et dernier point négatif pour moi : l’histoire ne se finit pas vraiment. La conclusion laisse la porte ouverte à une suite qui ne manquera pas de venir. Espérons que l’auteur voudra bien s’en tenir à deux livres, qu’il n’étalera pas l’histoire sur de nombreux volumes, comme dans les romans feuilletons.
J’ai lu que l’auteur a essayé de faire un « vrai roman » et pas « seulement » un polar. Effectivement son roman n’a pas la rigueur et la sobriété d’un bon polar. Par contre, je doute qu’il soit supérieur à bien des polars qui sont aussi des vrais romans. Nous l’avons vu dernièrement le polar peut mener un auteur jusqu’au prix Goncourt, à condition d’en sortir, ajouteront certains. Je rappelle que Pierre Lemaitre a obtenu le prix Goncourt 2013 et qu’auparavant il a écrit sept excellents polars, dont cinq sont chroniqués sur ce blog.
Je suis peut être trop sévère pour ce premier roman d’un auteur qui me parait sympathique. Ce livre a la chance d’avoir reçu un accueil favorable avec beaucoup d’éloges. Mais, à mon humble avis, ce n’est pas le livre formidable décrit par un certain nombre de chroniqueurs peu exigeants. C’est un polar, (ou vrai roman ?) intéressant mais qui ne me paraît pas encore être à la hauteur de ce qui se fait de mieux dans le genre. C’est un début encourageant, ce qui n’est déjà pas si mal.
Extrait :
Mickey n’eut pas le temps de finir sa phrase. Yeruldelgger se jeta sur lui et le plaqua contre le mur, la main accrochée au revers de son veston d’alpaga et son avant-bras en étranglement. De l’autre main il sortit son arme et força le canon contre la joue de son supérieur.
– Ne prononce plus jamais le nom de ma petite fille devant moi, tu m’entends ? Plus jamais ! Et arrête de me faire chier dans mes enquêtes. C’est clair, ça aussi ?
Je trouve cela très intéressant et instructif de voir des avis différents. J’ai rajouté ce livre à ma liste dès que j’aurai l’occasion de le trouver, car j’aime bien les premiers romans même s’il y a quelques maladresses.
Bonjour Carole,
Effectivement les avis sont partagés mais pas de façon égale : ceux qui font l’éloge de ce livre sont plus nombreux que ceux qui font des réserves sur sa qualité. Je fais partie de ceux qui le trouvent tout juste moyen. Nous n’avons pas tous les mêmes goûts ni la même exigence.
Merci pour ton commentaire.
Je n’ai pas réussi à aller au bout, et il est très très rare que je ne finisse pas un livre, même en diagonale. Je ne nie pas en effet que le commissaire et d’autres personnages sont attachants, mais le style ne m’a pas plu du tout. J’avais l’impression de lire une contrefaçon du « Dernier Lapon » d’Olivier Truc. La Mongolie était très intéressante, je ne dis pas, mais pourquoi faire coller un style occidental et beaucoup de clichés comme les moines? Bref, une grande déception pour ma part, et vous me rassurez un peu car je me demandais si cela ne venait pas de moi 🙂
Merci pour ce billet, et très bonne journée à vous,
Mary
Merci Mary pour ce commentaire. Effectivement nous ne sommes pas nombreux à émettre des réserves sur la qualité de ce roman. Il est souvent encensé par bon nombre de chroniqueurs peu exigeants.
Cette analyse, cet avis est intéressant.
Serais-je très emballée, moyennement ou pas du tout ?
Il n’y a qu’ une façon de le savoir. Le lire !
À la manière d’un book-club, sur ce titre, nous pourrons connaître l’avis de chacun.
Effectivement si tu as déjà ce livre, le meilleur moyen de se faire une idée c’est de le lire, surtout lorsqu’il y a des avis contradictoires comme c’est le cas ici. Pour ceux qui ne l’ont pas, les blogueurs peuvent donner une idée de la qualité du bouquin, mais alors c’est au lecteur (du blog) de choisir à qui il fera confiance, chaque blog a sa propre tonalité.
Salut Cannibal,
Ce n’est pas vraiment étonnant que ma chronique soit différente que celle d’Yvan. Je pense que c’est le cas de toutes les chroniques que nous avons en commun. Je ne sais pas si l’un pardonne et l’autre pas, mais de mon côté j’essaie de m’attacher à faire des différences entre les romans que je trouve bons et ceux qui le sont moins. Je ne pense pas être particulièrement sévère, il y a sur le blog beaucoup de romans bien notés. Je ne demande rien aux auteurs, ni interviews, ni envoi de livres gratuits, ce qui ne laisse une totale liberté pour exprimer mon ressenti. Merci pour ton commentaire.
Hello,
Il est sur ma table, juste après « docteur slip » et ta chronique est différente de celle d’Yvan… un qui s’attache à des choses que l’autre pardonne ? Va savoir, mais de toute façon, je me ferai mon p’tit n’avis 😉