Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2014 (The Caxton Private Lending Library & Book Depository)
Date de publication française : 2014 (Ombres Noires)
Genres : fantastique, conte philosophique
Personnage principal : M. Berger passionné de littérature
Prix : Prix Edgar Allan Poe 2014
M. Berger est un modeste employé municipal, passionné de lecture. Son passe-temps favori est de s’asseoir pour lire, près de la voie ferrée, à proximité de la gare de Glossom. Un jour il assiste au suicide d’une jeune femme portant un sac rouge qui se jette sous le train. M. Berger court à l’endroit de l’accident, se préparant à découvrir un amas sanglant, mais il ne trouve rien. Pas la moindre trace de sang. Le conducteur de la locomotive n’a rien vu et les policiers appelés pensent qu’il a été victime d’une hallucination. Cependant la scène de la femme au sac rouge qui se jette sous un train l’obsède, il lui semble que ce n’est pas la première fois qu’il assiste à cette scène. Il finit par se souvenir qu’il a lu une scène identique dans Anna Karénine de Tolstoï. Quelques mois plus tard, près de la voie ferrée, il reconnaît la femme au sac rouge qui se précipite de nouveau vers le train. Cette fois M. Berger empêche le geste fatal. La femme s’enfuit et se réfugie dans une étrange bibliothèque.
Dans ce court roman ou grosse nouvelle (140 pages) John Connoly mène une réflexion sur les livres et le destin des personnages littéraires. Il y a des moments où le lecteur aimerait que le destin d’un personnage soit différent de celui que lui a fixé l’auteur. Supposons qu’il puisse le changer, que deviendrait le roman ? Rien de bon, si l’on en croit la fin de cette histoire.
Connoly a reçu, pour ce livre, le prix Edgar Allan Poe, décerné par l’association Mystery Writers of America, qui regroupe des auteurs de romans policiers américains, il récompense les meilleures œuvres policières de l’année. Ce livre a plu aux auteurs américains, il parle d’eux, de leur métier, de leurs créations. C’est quand même un peu se regarder le nombril. Malgré ce prix, ce roman n’est pas vraiment un roman policier, il n’a pas les ingrédients habituels du genre. Selon Connoly, ce n’est pas non plus une histoire fantastique. D’après lui c’est une histoire sur les livres et les lecteurs. Les livres sont des objets changeants : chaque lecteur apporte son expérience personnelle et lit un livre d’une certaine manière, différente de celle d’un autre lecteur. Bien qu’il soit classé comme étant un polar, pour moi ce serait plutôt un conte philosophique.
Le style est soigné, l’imagination débordante. Ce roman se lit facilement, rapidement et avec plaisir, surtout quand on exerce un métier en rapport avec les livres.
Extrait :
M. Gedeon examina le livre. Certes, il était le bibliothécaire et le gardien du contenu de la Bibliothèque privée Caxton/Prêt & Dépôt De Livres, mais il était aussi responsable de leurs personnages. Il avait des devoirs envers eux et envers les livres. Les uns avaient-ils la priorité sur les autres ? Il repensa aux paroles de M. Berger : si Tolstoï avait su que, par la force de son talent littéraire, son héroïne serait condamnée à se définir éternellement par son suicide, n’aurait-il pas eu envie d’adoucir sa prose afin de lui accorder une certaine sérénité ?