Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2006 (Thunderstruck)
Date de publication française : 2014 (Le cherche midi)
Genres : Historique, scientifique, policier
Personnages principaux : Guglielmo Marconi, inventeur – Harvey Crippen, médecin.
Londres début du 20ème siècle. Un jeune homme de 22 ans, d’origine italienne, est fasciné depuis son plus jeune âge par l’électricité. Il a l’intuition qu’on peut transmettre sur de longues distances des messages en utilisant les ondes invisibles de Hertz. Malgré le scepticisme de la communauté scientifique de l’époque, le jeune Marconi fait des essais et des démonstrations publiques de transmissions sans fil, augmentant par paliers successifs la distance. Il finit par mettre au point un système fiable de télégraphie sans fil (TSF). Ce système sera d’abord utilisé par la marine pour rompre l’isolement des équipages pendant les longues traversées.
Au même moment, le docteur Crippen vit un mariage mouvementé avec Cora qui rêve de faire carrière dans le music-hall. Elle prend comme nom de scène Belle Elmore et fait subir à son mari des humiliations en s’affichant avec d’autres hommes et le menaçant souvent de le quitter. Le docteur Crippen est un homme doux et gentil qui encaisse sans broncher les outrages de son épouse et paie toutes ses dépenses rubis sur l’ongle. Les choses vont continuer ainsi jusqu’à ce que Crippen rencontre la jeune Ethel Le Neve dont il va tomber amoureux.
Erik Larson nous raconte en parallèle les vies de Marconi et du docteur Crippen, avec une alternance des chapitres consacrés à l’un et à l’autre. Pendant les trois quarts du roman les aventures de ces deux personnages sont indépendantes les unes des autres, aucun lien ne les rattache. C’est dans la dernière partie du livre que se fait la connexion. C’est par la science que les destins de ces deux personnages se trouvent associés. Le docteur Crippen est soupçonné d’assassinat de sa femme, il s’enfuit, en compagnie de sa maîtresse et embarque sur un bateau, le Montrose, en direction du Québec. Un inspecteur de Scotland Yard, nommé Dew, se lance à leur poursuite en embarquant dans un bâteau plus rapide qui doit arriver au Québec un jour avant celui des fuyards. Et le monde entier, fasciné, va assister à cette poursuite par l’intermédiaire de la nouvelle technologie, la TSF mise au point par Marconi : les bateaux sont maintenant capables de communiquer avec la terre et aussi entre-eux. A l’insu des fugitifs, le public connaît leurs faits et gestes, retransmis en direct depuis la cabine Marconi qui équipe le bateau Montrose. À l’arrivée, des correspondants de presse de toutes les villes d’Amérique du Nord sont là, avec sacs de voyage, blocs de sténo et appareils photos. C’est le début du grand show médiatique que nous connaissons si bien aujourd’hui.
Outre le récit des histoires convergentes d’un inventeur et d’un assassin, l’auteur nous décrit de façon précise et documentée la mise au point de la télégraphie sans fil par Marconi. Il met en évidence de façon saisissante l’acharnement, les difficultés d’un l’inventeur qui, bien que n’ayant pas les connaissances théoriques des grands scientifiques, est à l’origine d’une révolution technique qui a ouvert une nouvelle ère pour les communications. Invention dont fit les frais un des plus célèbres criminels d’Angleterre dont la personnalité intrigue beaucoup : un homme si doux, aimable et courtois pouvait-il avoir dépecé et désossé sa femme ?
Un roman historique bien documenté, construit astucieusement, intéressant en permanence malgré quelques digressions pas toujours utiles dont l’auteur lui-même se moque dans la note aux lecteurs qui introduit le roman.
Extrait :
Pour les lecteurs du monde entier, ce récit tenait de la magie. Ils savaient quels livres lisaient les fugitifs. Ils connaissaient leurs moments de méditation et n’ignoraient pas combien ils avaient apprécié le concert donné sur le bateau. Ils s’imaginaient Crippen en train de rire aux plaisanteries du capitaine et les gestes gracieux d’Ethel Le Neve pour prendre un fruit sur un plateau. Le Times de Londres commentait : « II y avait quelque chose de totalement fascinant, d’étrange presque, dans l’idée de ces deux passagers traversant l’Atlantique, persuadés que personne ne savait qui ils étaient ni où ils allaient, alors que chaque détail de leur vie était exposé aux quatre coins de la planète. » Depuis le moment de leur départ, poursuivait l’article, ils ont été « encerclés par les ondes de la télégraphie sans fil plus sûrement que ne les auraient enfermés les murs d’une prison. »