Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2007 (Uwikłanie)
Date de publication française : 2013 (Mirobole)
Genre : Enquête
Personnage principal : Theodore Szacki, procureur à Varsovie
Lors d’un séminaire de thérapie collective, appelée Constellation familiale, un des participants est retrouvé mort, une broche à rôtir figée dans l’œil. L’affaire est confiée au procureur Theodore Szacki. Le suicide en s’enfonçant une broche à rôtir dans l’œil étant exclu, Szacki se retrouve avec un meurtre sur les bras. Il n’est pas ravi, lui qui dès le matin se sent en proie à une grosse fatigue. Mais son sens du devoir prenant le dessus, il va se lancer dans une enquête longue et minutieuse. Aidé par le commissaire de police Oleg Kuzniecov, il va s’intéresser plus particulièrement au thérapeute qui dirigeait les séances et aux trois autres patients, outre le mort.
Il faut préciser que le rôle de procureur tel qu’il est défini dans ce roman s’apparente à celui du juge d’instruction en France : sa mission est de faire « tout acte utile à la manifestation de la vérité ». C’est donc lui qui mène l’enquête.
Un cadavre, quatre suspects. À priori l’intrigue est simple. Mais tout le roman n’est pas voué à l’enquête. Il y a de nombreuses digressions concernant la personnalité du procureur : son mal être, son mariage qui s’enlise, son insatisfaction chronique. Des retours sur des affaires marquantes du passé aussi. Donc c’est plutôt une tranche de vie du procureur Théodore Szacki qui nous est décrite que simplement une recherche d’un meurtrier.
Le procureur Szacki est un homme intelligent mais qui semble accablé par l’ennui que ce soit dans travail ou dans son couple. Après quatorze ans de vie en commun avec la même femme, il a envie d’un peu de nouveauté. Comme il a un physique agréable et que c’est un fieffé menteur, il se met à draguer une journaliste, tel un adolescent attardé, avec des hésitations, maladroitement, sans trop savoir ce qu’il veut à part ne pas se faire pincer par son épouse.
L’enquête menée par Szacki s’attarde longuement, un peu trop, sur la Constellation familiale. C’est sensé être une puissante méthode basée sur la mise au jour de l’inconscient familial par le biais de jeu de rôles et de psychodrames. Elle aurait le pouvoir de résoudre les conflits souterrains et recréer l’harmonie dans la famille. Pour cela les participants jouent le rôle des membres d’une famille. Serait-il possible qu’un des acteurs se soit tellement imprégné de son rôle qu’il commette un meurtre ? Tout ça est détaillé et le procureur Szacki va même jusqu’à organiser sa propre séance de Constellation familiale. Elle fera avancer les choses, on s’en doute. Mais à mon avis c’est trop long et assez rébarbatif. Autre reproche : dans ses investigations, Szacki va s’approcher d’une organisation mafieuse, des reconvertis des anciens Services de la Sûreté. Il se fait même braquer. On se dit que l’enquête va prendre une autre tournure, que l’action va s’accélérer. Pas du tout : Szacki en revient à la Constellation familiale dès le lendemain, comme si rien de s’était passé.
Ce livre me laisse une impression mitigée. Le personnage principal est intéressant, atypique par sa fragilité et sa frustration, mais le rythme est trop lent et l’enquête piétine beaucoup autour de la thérapie de la Constellation familiale. Finalement le plus intéressant n’est pas le côté polar mais le côté sociétal. C’est ce qu’il nous apprend de la Pologne post communiste avec ses lourdeurs administratives, sa nécessité de transiger pour satisfaire le besoin de bonnes statistiques de la hiérarchie, le danger que représentent les anciens membres des services de la sûreté reconvertis en organisation mafieuse.
Coup de chapeau quand même à Mirobole Éditions qui nous permet de découvrir des auteurs inconnus en France, venant de pays peu représentés dans le polar et dans la littérature en général : Turquie, Pologne, Danemark … Ça nous change un peu des traditionnels polars francophones, anglophones, scandinaves, omniprésents dans les rayons de librairie. Le catalogue s’étoffe nous proposant de nouvelles découvertes bien reconnaissables aux couvertures décalées et bizarres. Bravo !
Extrait :
Il était fatigué par cette affaire, fatigué par son travail, fatigué par une maîtresse à laquelle en réalité il ne tenait pas. Il manquait toujours quelque chose dans sa vie, mais quoi ?
Il me manque la Justice, pensa-t-il, et cette idée l’effraya. Elle avait résonné comme si quelqu’un d’extérieur l’avait prononcée à haute voix. Il regarda tout autour de lui, mais les retraités du quartier Zoliborz tenaient sagement leur place dans la queue et observaient, avec une concentration muette, les comptoirs réfrigérés remplis de pâtisseries et les étagères recouvertes de gâteaux. La Justice, c’est-à-dire quoi, concrètement ? Il espérait que la voix lui réponde.
Il demeura dans la voiture encore un instant pour écouter jusqu’au bout la chanson Original of the Species du tout nouvel album de U2. Un morceau fabuleux, un disque sensationnel, ces messieurs de Dublin étaient enfin revenus à leurs racines rock.
U2 – Original of the Species
Je l’ai terminé, et je comprends ce que tu veux dire : je ne m’attendais pas vraiment à cette fin que j’ai trouvée un peu tirée par les cheveux (cette histoire de « conspiration » familiale…). Mais j’ai bien aimé, dans l’ensemble, certes pas tant pour l’intrigue que pour tout le contexte autour, et le personnage du procureur
J’attends ta chronique. Je vais aller voir ce que tu en penses et nos éventuelles différences dans le ressenti.
Je suis justement en train de le lire… j’en suis à la moitié environ, et ne ressens pas pour l’instant de lassitude ou d’agacement devant l’insistance du procureur à creuser du côté de cette étrange thérapie…
Va jusqu’à la fin et tu me diras si voir Szacki revenir tranquillement à sa Constellation familiale après avoir rencontré les anciens du Service de la sûreté reconvertis en nouveaux mafieux, ne t’agace pas un petit peu. Pour moi, ça a été le cas. Miloszewski m’a semblé un peu trop absorbé par cette thérapie au détriment de l’enquête et de l’action.