Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2018 (Héliotrope Noir)
Genre : Roman noir
Personnage principal : Patrick Tardif, malfrat
J’avais bien aimé Excellence Poulet, paru en 2015 : une intrigue classique dans un coin sombre de Montréal, surtout la nuit, racontée dans une écriture très personnelle propre au souffle de celui qui parle plutôt que conforme aux règles habituelles de la ponctuation. En prime, une maîtrise du parler joual des petites gens et truands de toute espèce. Ce dernier trait est encore plus évident dans La Danse de l’ours, qui met en scène, trois truands assez minables, coincés entre la mafia italienne, les Hell’s Angels et la famille Sicard : Patrick, un québécois bien tranquille, Dave, un colosse d’origine indienne (Magoua, qui signifie ours en algonquin), et Blanche, une belle fille violente et incohérente.
L’action se passe à Louiseville à la veille du Festival de la Galette. Blanche travaille comme serveuse au Flamingo, bar louche que gère la famille Sicard. D’origine magouaise elle aussi, elle s’entend bien avec Dave et aurait sorti un temps avec Patrick, il y a deux ans. Blanche et Dave persuadent Patrick de les aider à braquer le Flamingo durant le Festival de la Galette. Mais est-ce là le véritable objectif ? Les relations entre Dave et les Hell’s sont pour le moins ambigües, de même que celles entre Patrick et les Italiens. Entre les trois, la tension monte et finit par éclater quand on s’imagine, après le braquage, que tout est terminé. C’est aussi à ce moment-là que se révélera le sens véritable de cette aventure, même si la finale nous laisse sur un doute.
L’histoire elle-même peut sembler banale, mais l’intérêt tient à la façon dont elle est racontée, particulièrement aux façons de s’exprimer des trois principaux personnages. Si Michel Tremblay avait fait parler des truands, il me semble que ça ressemblerait un peu à ça. Comme dit Lessard : « Le jeu dans le langage, c’est mon étincelle, plus que l’intrigue elle-même. Je serais un très mauvais auteur de roman historique ou de polar ». Ça n’empêche pas Patrick, quand il raconte son histoire, d’utiliser trois subjonctifs imparfaits en un paragraphe (p.111). De fait, l’intrigue est moins développée que dans Excellence Poulet. Les personnages m’ont paru plutôt stéréotypés. Mais c’est justement cela le défi de Lessard : nous séduire moins par les descriptions psychologiques, les intrigues mystérieuses ou les subtilités policières que par la façon dont tout cela est raconté.
Extrait :
J’avais passé la soirée du vendredi à boire en jouant à Metroid et m’étais endormi sur le sofa quand, vers quatre heures du matin, un claquement de porte me réveilla en sursaut. Je crus que c’était Dave, je ne saurais dire pourquoi, sans doute avais-je trop pensé à lui et à ses histoires depuis cinq jours. Dans tous les cas, qu’on entrât comme ça chez moi, en pleine nuit, m’apparut de mauvais augure (…) J’entendis : Patrick ! la voix de Blanche, Patrick, es-tu là ? puis bang ! et le choc mou de qui s’effondre. Tabarnak de câlisse ! pestait-elle quand je la rejoignis dans la cuisine, elle peinait à se relever, empêtrée dans une chaise, plus ou moins étendue sous la table (comment elle s’y était prise pour se retrouver là, dans cette position, demeure obscur).
Niveau de satisfaction :
(3,5 / 5)