Le pays des oubliés – Michael Farris Smith

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2018 (The Fighter)
Date de publication française : 2019 – Sonatine
Traduction : Fabrice Pointeau
Genre : Roman noir
Personnage principal : Jack Boucher, combattant à mains nues

Un garçon de 2 ans est déposé à la porte du bric-à-brac de l’Armée du Salut avec pour tout vêtement une couche informe. Il passera ensuite par une succession de familles d’accueil pour arriver, à l’âge de 12 ans, chez Maryann qui deviendra sa mère d’adoption. Ce garçon c’est Jack Boucher. À 17 ans il gagne ses premiers gains dans un combat à mains nues. Ces combats deviennent sa passion et sa source principale de revenus. Le jeu est pour lui l’autre ressource, très aléatoire. À plus de 40 ans, le corps déglingué, souffrant de violents maux de tête, il voudrait sortir sa mère adoptive de la pension où elle croupit et sauver la maison de Maryann, mise en vente. Mais il a surtout des dettes, le genre de dettes qu’il vaut mieux rembourser si on veut rester en vie. Alors il va s’engager dans un ultime combat risqué.

Comme dans son roman précédent, Nulle part sur terre, Farris Smith met en scène des personnages qui sont des perdants, des solitaires, des exclus. Jack Boucher a bien mal commencé la vie : bébé abandonné comme un vulgaire produit hors d’usage, il trouvera l’affection chez sa mère adoptive Maryann qui est elle-même une femme solitaire ayant renoncé au grand amour, peut être pour s’occuper de lui. Annette, la tatouée, est une belle fille qui expose son corps comme une œuvre d’art pour gagner sa vie. Elle n’a jamais connu son père, ne s’en plaint pas, mais elle éprouve quand même un manque. Il y a aussi Baron, patron d’une troupe illégale de forains, constituée d’anciens taulards et de types cherchant à échapper à la justice. Tous ces personnages ont en commun d’être dans la galère, de lutter pour survivre. Il y a chez eux une sorte de fatalisme qui leur fait accepter leur situation sans se plaindre, sans le moindre apitoiement, mais avec un esprit de combat, de lutte pour survivre avec leurs moyens.

Le cadre est en accord les personnages : miteux, voire misérable. C’est celui des villages, des bourgades de l’Amérique profonde dans le delta du Mississipi. C’est la grisaille qui domine, même si le soleil brille. La violence est omniprésente : les combats clandestins, les paris et les dettes qui enrichissent un gang dirigé par une matrone sans pitié.

La belle écriture de l’auteur est à la fois lyrique et désenchantée. Il y a quelque chose de poétique et désespéré dans cette prose. Quelques beaux passages pleins d’émotions montrent, que malgré les ténèbres, l’espoir subsiste.

Le pays des oubliés est dans la même lignée que le précédent roman de l’auteur, le beau Nulle part sur terre, peut être pas tout à fait au même niveau. Un peu moins abouti, mais un bon roman noir quand même.

Extrait :
Relève-toi. Putain, relève-toi. Tu mets un genou à terre ce soir et t’es mort. Relève-toi parce que c’est la dernière fois que tu seras dans cet endroit que t’as jamais mérité de toute manière. Tout ce que t’as fait, c’est prouver à tous qu’ils avaient raison. T’as prouvé que t’étais un putain de problème, depuis toujours, et t’as prouvé que tu la ruinerais si elle te léguait tout. T’as fait tout ce que tout le monde attendait de toi alors maintenant relève-toi. Tu surprendras plus jamais personne et ils se foutront de toi et personne n’a rien à branler de tes maux de tête, mais tu ferais mieux de pas mettre un genou à terre parce que le type qui se battra contre toi t’écrabouillera dans la terre et la foule l’acclamera pendant que ton sang coulera. Tu ferais mieux de pas crever avant elle. Tu peux pas récupérer la maison et tu peux pas rembourser Big Momma et tu reverras jamais Maryann si tu mets un putain de genou à terre. Tout ce qui te reste à donner c’est ta putain de vie à la con pour encore un jour ou une semaine ou pour le temps qui lui reste, alors tu ferais mieux de pas mourir. Maintenant, putain, relève-toi.


Niveau de satisfaction :
4.1 out of 5 stars (4,1 / 5)

 

 

Ce contenu a été publié dans Américain, Remarquable, Roman noir, avec comme mot(s)-clé(s) , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.