Le parme convient à Laviolette – Pierre Magnan

Par Raymond Pédoussaut ou Michel Dufour

Date de publication originale : 2000 (Denoël, Folio policier)
Genre : Enquête
Personnage principal :
Commissaire Laviolette

J’avais beaucoup aimé Le secret des Andrônes (1979).

Quand Magnan a écrit Le parme convient à Laviolette (2000), il devait penser que c’était son dernier Laviolette1. Le commissaire et l’écrivain approchent alors de leur quatre-vingtième année. La vie n’a pas épargné Laviolette et il se remet très difficilement de la perte d’un amour qui a duré quatorze ans, ce qui n’est pas rien quand ça nous arrive à 60 ans. Et quand ça arrive à un grand solitaire silencieux, qui n’a jamais voulu trop s’attacher, surtout intéressé à lui-même et un peu à son jeune ami le juge Chabrand, qui vit maintenant en Guyane depuis quinze ans. Retiré seul dans sa tanière de Piégut, Laviolette ne se préoccupe plus que de sa douleur dans laquelle il se morfond : « Elle ne l’avait pas laissé tomber. Elle l’avait déposé le long de la vie que désormais il regardait passer ».

Se produisent dans sa région des meurtres étranges : dans le col des Garcinets, un tueur de cochons dérape à bicyclette et s’embroche sur son fusil à affûter les couteaux; un an plus tard, à Puimoisson, un autre tueur de cochons est attaqué par un essaim d’abeilles, piqué à mort. Ces deux morts pourraient passer pour des accidents, si quelqu’un n’avait pas épinglé sur leur vêtement une sorte de message, le nom du mort suivi d’un autre nom.

Or, le juge Chabrand est revenu de Guyane; il apprend la situation misérable de son vieil ami, le commissaire. Après le premier meurtre, il entreprend de distraire Laviolette en lui racontant, mine de rien, l’étrange mystère du meurtre sur lequel bute toute la police du coin. Asticoté par l’étrangeté de l’affaire et par le défi à son habileté, surtout après le deuxième meurtre, Laviolette surmonte momentanément sa passivité, se déplace lentement, n’est pas impressionné par un fusil que l’on braque sur lui : son désir de mourir le rend sinon invulnérable, du moins capable de braver la mort sans broncher. Il finira par comprendre le motif de ces assassinats et identifier leur auteur, mais la déprime reviendra et aura raison de lui.

Pas très drôle ce Laviolette ! On dirait que Magnan ne l’aime plus et qu’il veut en finir avec lui. Ça n’empêche pas de superbes descriptions des paysages de Haute Provence dans un langage recherché. Ici aussi, la présence de Giono se fait sentir. Magnan en profite aussi pour revenir sur d’anciennes enquêtes de Laviolette, d’anciens personnages, avec une nostalgie certaine. Mais, contrastant cruellement avec les soleils de Provence, l’univers de Laviolette est teinté d’un gris-bleu qui tire vers le noir. Oui, le parme convient à Laviolette.

1 En fait, dix ans plus tard, il écrira Élégie pour Laviolette (2010), qui est vraiment le dernier.

Extrait :
« Tu as eu le meilleur de moi-même et pour le reste c’est mon jardin secret ». Cette phrase qu’elle n’avait prononcée qu’une seule fois était inoubliable à Laviolette. Elle le faisait rentrer sous terre, elle l’accablait d’humilité, elle le forçait à l’attitude qu’il détestait le plus, celle qu’il n’aurait jamais cru un jour devoir subir : la pitié pour soi-même.
Soudain, au coin de la rue des Lices, il crut entendre le pas alerte de Lemda descendant des remparts et qui peut-être allait surgir de la pénombre. Il se rua vers la voiture, claqua la porte, enfonça son chapeau et demeura coi tout tremblant. Le pas se rapprochait. Une silhouette se détacha sous le réverbère dans la nuit qui s’affirmait. Ce n’était pas Lemda. Il en éprouva autant de déception que de soulagement.

Piégut

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

 

 

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