Par Michel Dufour
Date de publication originale :
2017 (Two Kinds of Truth)
Date de publication française :
2019 (Calmann-Lévy)
Traduction (américain) : Robert Pépin
Genres : Enquête, thriller
Personnage principal : Harry Bosch, police de San Fernando
J’avais lu des Connelly qui ne m’avaient pas convaincu. Celui-ci m’a fait comprendre le succès qu’il connaît. Thème populaire de ce temps-ci : un policier d’expérience est accusé d’avoir falsifié des preuves pour arriver à faire condamner un suspect. La série télévisée norvégienne Wisting, d’après le roman de Jorn Lier Horst (Les chiens de chasse, Gallimard 2018), traite du même sujet avec moins de précision, et Le Couteau de Jo Nesbo (Gallimard 2019) place aussi l’inspecteur Harry Hole dans une position compromettante.
Le roman de Connelly est de loin le plus complet. Même si les problèmes juridiques de Harry Bosch colorent l’ensemble du roman, cette thématique est encadrée de plusieurs autres : Bosch, retraité et presque bénévole pour la police de San Fernando, doit s’occuper d’un double assassinat dans une pharmacie de la ville, ce qui l’entraîne dans une mission d’infiltration solitaire dans un gang international de trafiquants de médicaments et de trafic d’êtres humains. Il aimerait bien savoir aussi ce qui est arrivé à Esmeralda Tavares, une jeune mère qui était disparue en laissant derrière elle un bébé endormi dans son berceau.
Tous ces thèmes sont traités scrupuleusement et avec une précision chirurgicale. Connelly apparaît comme un miniaturiste du thriller policier. Il parvient à faire comprendre un peu les relations entre les différentes forces de police américaines, dont on sait qu’elles sont nombreuses et ont parfois des difficultés à communiquer. Les personnages sont nombreux mais décrits avec quelques traits essentiels, ce qui fait qu’on n’a pas trop de mal à les reconnaître. Et le personnage principal, Harry Bosch, que je trouvais démoralisant et suicidaire quand il était plus jeune, supporte maintenant ses 65 ans avec bonne humeur et sa relation avec sa fille Maddie s’est nettement améliorée.
Donc, c’est certain qu’Harry évolue dans un monde injuste et violent. La vie et les aventures de Bosch nous livrent une vision sans complaisance de la réalité en nous invitant, cependant, moins à nous apitoyer qu’à mener notre barque avec prudence et confiance. Le lecteur n’est pas trop éprouvé psychologiquement parce qu’il est pratiquement en position d’étudiant et en apprend beaucoup sur le monde dans lequel il vit. C’est ainsi qu’on doit comprendre le mot du Président Clinton qui affirmait que les romans de Connelly lui avaient beaucoup appris sur le fonctionnement de la justice aux États-Unis.
Extrait :
Bosch entra par la porte de saut et gagna le fond de l’appareil, aussi loin de la porte qu’il le pouvait. Il s’assit sur le banc le long de la cloison arrière et se retourna. Ivan et Igor montèrent tous les deux à bord et s’installèrent chacun d’un côté à l’avant. Bosch eut l’impression qu’ils gardaient la sortie.
Il se savait en danger (…). Il comprit que si Ivan et Igor étaient effectivement les tueurs qui avaient éliminé les pharmaciens de San Fernando, c’étaient eux aussi qui en avaient donné l’ordre (…).
L’avion roula sur la piste et prit de la vitesse, du vent se mettant à souffler dans la carlingue. Les Russes n’avaient pas fermé la porte de saut (…).
L’appareil décolla et monta abruptement, et Bosch fut projeté contre la paroi du fond. Presque aussitôt, l’avion vira à gauche sans cesser de monter. Puis, il se remit à l’horizontale, direction ouest.
Bosch comprit qu’il allait se retrouver au-dessus de la mer de Salton.
Niveau de satisfaction :
(4,4 / 5)