Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2021
(A Darker Reality)
Date de publication française : 2022 (10/18)
Traduction : Florence Bertrand
Genres : Espionnage, enquête
Personnage principal : Elena Standish, MI6 (et photographe)
C’est le troisième roman de la série « Elena Standish ». J’ai déjà commenté Dans l’œil du cyclone (9 janvier 2022) et Dans les bras de l’ennemi (4 mars 2022). On est évidemment loin de Thomas Pitt et de William Monk, mais cette série plus récente de la famille Standish a aussi son charme : nous sommes aux alentours de 1934 (Elena a 29 ans) et nous sommes témoins des répercussions de la montée du fascisme en Allemagne aussi bien qu’en Angleterre et aux États-Unis. Le contexte historique a toujours été important pour Perry. Et la tension qui a opposé ceux qui proclamaient « Plus jamais la guerre ! » et ceux qui ne pouvaient pas tolérer les abus impitoyables du fascisme a marqué nos parents et nos grands-parents même ici au Canada et au Québec.
Elena et ses parents ont franchi l’Atlantique et se retrouvent à Washington pour fêter le 60e anniversaire de mariage des parents de Katherine, la mère d’Elena. Katherine revoit avec plaisir ses parents (Dorothy et Wyatt Baylor), la superbe maison de son enfance et de son adolescence, et la ville de Washington à peine reconnaissable. Son père a fait fortune dans l’industrie lourde, est devenu sénateur et conseiller du Président Roosevelt, d’ailleurs invité à la fête grandiose des grands-parents d’Elena.
Tout le gratin de la capitale est réuni et trinque à répétition, les toilettes les plus extravagantes sont photographiées par Elena (officiellement photographe mais, officieusement, agente du MI6… en vacances…), et les Baylor passent d’un invité à l’autre avec un bon mot pour chacun. Soudain, la fête est interrompue : la jolie Lila Worth vient d’être écrasée à mort dans le stationnement. Il semble que ce soit un meurtre. L’automobile impliquée est celle de Wyatt. Le capitaine Miller interroge les invités. Wyatt est arrêté. Ses amis soupçonnent une cabale politique ou une rivalité financière. Mais pourquoi avoir tué Lila Worth ? Le crime passionnel est peu probable. À cause des services de sécurité du Président, il semble bien qu’aucun intrus n’ait pu s’introduire dans le stationnement. Le meurtrier paraît donc être un des invités.
Toujours fonceuse, Elena est déterminée à laver l’honneur de sa famille. Elle reçoit l’aide de James Allenby, qui prétend être du MI6, et lui révèle que Lila était aussi une espionne, enquêtant sur une fuite d’informations, des États-Unis vers l’Allemagne, à propos de recherches sur le nucléaire et la fabrication d’une bombe. Peut-elle se fier à Allenby ? Et s’il s’agit vraiment d’une problématique internationale, a-t-elle les moyens de s’impliquer là-dedans ? Lila Worth était beaucoup plus expérimentée et ça ne l’a pas empêchée de se faire tuer !
L’action est suffisamment lente pour que Perry ait le temps de bien camper ses personnages et de décrire les façons de vivre (et de se vêtir) des habitants de cette époque. Elena avait vu en direct la montée du fascisme en Allemagne (cf. Dans les bras de l’ennemi); dans ce cas-ci, Perry nous montre avec précision l’effet Hitler aux États-Unis. Les causes possibles de l’assassinat de Lila sont bien exposées et la solution du problème manifeste une certaine subtilité. Et tout cela est tellement bien écrit.
Extrait :
(Wyatt)
– Tu ne sais pas comment c’était avant que toutes ces autres cultures nous envahissent et veuillent tout changer.
Il se tut soudain, les yeux rivés sur son visage.
– Vous voulez dire prendre à ceux qui travaillent dur pour donner aux paresseux ?
L’utilisation de ces mots donnait l’impression que c’était raisonnable. Pour sa part, elle aurait plutôt dit : prendre à ceux qui ont plus qu’ils n’ont besoin pour aider ceux qui sont âgés, malades, ou simplement perdus, pauvres et affamés, mais elle ne pouvait se permettre de se quereller avec lui.
– Cela te paraît dur ?
Qu’avait-il décelé dans son regard, ou dans son expression ? Elle ne devait jamais lui donner l’impression de lui mentir.
– Non, mentit-elle. Certains seront assistés toute leur vie, si on est assez naïf pour les laisser faire.
– Bien, ma fille. Exactement ! Tout homme mérite paiement pour son labeur, mais rien n’est dû à ceux qui refusent de travailler (…) La race blanche est différente ! Les Noirs, les juifs, et même certains Italiens et Espagnols ne possèdent aucun contrôle d’eux-mêmes. Et ils se reproduisent comme des lapins et s’attendent à ce que nous…
Il s’interrompit et la dévisagea avec intensité.
Elle dut se faire violence pour maîtriser son émotion et l’empêcher de percer dans son regard. Elle leva les yeux vers lui
– … les sauvions de la noyade ?
Il soupira.
Précisément. Quand ils nous auront submergés, il sera trop tard. Nous ne faisons que nous battre pour protéger les nôtres.
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)