Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2012 (Ombres noires)
Genres : Techno-polar, thriller
Personnages principaux : Vincent Auger commandant de police – Laure Dahan Cobaye d’expériences de biogénétique.
Début janvier 2008, dans le village ardéchois de Thines, une violente explosion détruit une partie du village et fait 87 morts. On ne connaît pas l’origine de la déflagration, les cadavres portent des traces de mutation génétique et parmi les décombres on retrouve du matériel électronique de pointe. Le commandant Vincent Auger, de la police criminelle de Lyon, est envoyé sur place pour enquêter. Une jeune femme de 29 ans semble être rescapée du cataclysme mais elle ne se laisse pas approcher, elle fuit tout contact. C’est un cobaye ayant subi des expériences qui ont entraîné des modifications corporelles. Elle recherche sa fille qu’elle n’a pas connue pour la soustraire aux expériences que mène son père. Son nom est Laure Dahan. Elle est obsédée par deux choses : retrouver sa fille et tuer son père qui lui a infligé ses expériences génétiques. Le commandant Auger, aidé du lieutenant Girard, remonte patiemment la piste des créateurs du laboratoire de recherche qui se sont enfuis juste après l’explosion, jusqu’au moment ou cette affaire lui est retirée pour être classée « Secret défense ». Cela ne l’arrêtera pas, il va continuer son enquête de façon officieuse. Laure Dahan, elle aussi, continue de chercher sa fille et son père, semant les morts sur son passage.
Dans ce roman Marin Ledun reprend le thème du savant fou et de l’apprenti sorcier en l’adaptant à notre époque, en utilisant les découvertes en nanotechnologie et biogénétique. On n’a plus simplement affaire à un chercheur solitaire qui mène des expériences personnelles du fond de son laboratoire clandestin. Là, il s’agit de multinationales qui ont des antennes dans plusieurs pays et des investisseurs riches qui financent leur travaux. Les gouvernements et les armées aussi sont impliqués. Leurs rôles sont obscurs et leurs motivations pas très nettes si ce n’est de pas être dépassés par la concurrence internationale.
Aujourd’hui on ne supporte plus le modèle du héros d’il y a quelques années : regard enjôleur, sourire irrésistible, séducteur, content de lui … Le héros doit être maintenant plus proche de nous, avec ses défauts et ses fragilités. C’est le cas de l’enquêteur Vincent Auger. Son problème c’est sa femme qui est dépressive depuis qu’elle sait qu’elle ne peut plus avoir d’enfant. Il doit lui téléphoner tous les jours pour la rassurer et écouter ses lamentations pendant plusieurs minutes. En dehors de ce souci qui le mine, c’est un homme intelligent et opiniâtre qui fait avancer son enquête jusqu’au point où il devient trop gênant pour des personnes puissantes qui magouillent des projets secrets. Laure Dahan, elle, n’a plus rien à perdre : elle se sait condamnée par le virus que son père lui a inoculé et elle n’a plus que deux objectifs : retrouver sa fille et tuer son père. Rien d’autre que la mort ne saurait l’arrêter.
Marin Ledun signe ici un roman intéressant et inquiétant dans lequel il met en évidence les dangers des dernières découvertes en biotechnologie et leur utilisation à des fins purement mercantiles, hors de toute contrainte légale et éthique, illustrant parfaitement la formule de Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». C’est d’autant plus effrayant que ce qui est décrit ne parait pas si éloigné d’une possible réalité. Après l’excellent polar social Les visages écrasés, Marin Ledun nous livre Dans le ventre des mères, un techno-thriller entre réalité et science-fiction, qui sait allier action et réflexion.
Dans le ventre des mères traite du même sujet que L’année du rat de Régis Descott : les manipulations génétiques, les expériences sur les humains et les chimères de contrôle de l’évolution de l’homme et de pouvoir quasi divin. Ces deux auteurs de polar dénoncent l’utilisation des nouvelles technologies et leurs dérives possibles mieux que quiconque. Ils nous alertent sur les dangers d’une utilisation incontrôlée des récentes découvertes. Ces deux chroniques qui ont en commun le même thème sont publiées à la suite sur notre blog.
Extrait :Ne parlez pas de logique et ouvrez les yeux, bon sang ! La moitié de la population de cette planète crève de faim et de soif, les peuples démocratiques dont vous croyez défendre les principes exploitent cette misère pour s’engraisser, et ce qu’ils ne détruisent pas, ils le volent. Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ? Pourquoi ne pas pousser cette logique jusqu’à son extrême ? Peter Dahan l’a très bien compris, et c’est pour ça qu’il bénéficiait de tant d’appuis en haut lieu. Je peux vous assurer qu’ils avaient tous parfaitement compris les bénéfices à retirer de ses expériences.