Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2014 (La pena máxima)
Date de publication française : 2016 chez Métailié
Genres : Enquête, Roman noir
Personnage principal : Félix Chacaltana Saldívar, assistant-archiviste à Lima
Félix Chacaltana Saldívar est un jeune homme d’une vingtaine d’années. Son métier est assistant-archiviste au ministère de la justice à Lima. C’est un employé zélé qui met un point d’honneur à archiver chaque document au bon endroit. Mais voilà qu’un jour il retrouve sur son bureau un formulaire de plainte pour irrégularité administrative migratoire mineure incorrectement rempli qu’il ne peut classer. Cela le perturbe beaucoup. Autre sujet d’inquiétude son ami Joaquín a disparu. Il ne réapparaîtra que sous forme de cadavre, une balle entre les deux yeux. Le père de Joaquín demande à Félix d’enquêter pour savoir qui a tué son fils et pourquoi. En plein milieu de la liesse populaire qui accompagne la coupe du monde de football de 1978 qui se déroule en Argentine, Félix Chacaltana va découvrir les activités cachées de son ami et remonter ainsi jusqu’aux pratiques en cours dans les pays d’Amérique latine sous dictature militaire pour éliminer les subversifs. Il va comprendre ce qu’est l’opération Condor.
L’intrigue, relativement complexe mais bien élaborée, se déroule sur fond de reportage sportif concernant la coupe du monde de foot de 1978. Tout le pays, se passionne pour cet événement d’autant plus que l’équipe du Pérou débute bien, par une victoire sur l’Écosse. Mais le foot n’intéresse pas Félix Chacaltana. Lui, n’a d’intérêt que pour le classement des archives et pour sa fiancée Cecilia. Il est beaucoup plus compétent sur les archives que sur la manière de s’y prendre avec la jeune fille. Les conseils de son ami Joaquín lui auraient été bien utiles. Mais Joaquín est mort de façon bien surprenante. Félix n’est pas sot mais il est d’une naïveté confondante. Ce Candide sera toutefois capable de faire aboutir une enquête aussi délicate que dangereuse.
Le roman débute comme une gentille comédie : l’auteur s’attarde à nous décrire un Félix naïf et coincé, à la fois ridicule et touchant. Puis lorsque l’enquête avance, l’atmosphère évolue vers la gravité. Félix découvre alors les méthodes des dictatures militaires pour éliminer et assassiner les subversifs, c’est à dire tous les opposants. Notre ingénu est alors déniaisé par l’horreur de cette révélation. Rappelons que l’opération Condor était une campagne, menée conjointement par les dictatures militaires des pays d’Amérique latine (Chili, Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay et Uruguay) au milieu des années 1970, qui avait pour objectif d’éliminer les adversaires politiques. Les enlèvements, tortures et assassinats étaient les méthodes utilisées dans cette guerre anti-subversion. Le Pérou ne faisait pas partie de cette alliance, mais l’auteur affirme qu’il a aussi collaboré à ce terrorisme d’état. La coupe du monde de football de 1978 a été remporté par l’Argentine sur son territoire, pendant ce temps à quelques mètres de là, on torturait dans l’École Supérieure de Mécanique de la Marine. Le Mundial était réussi, la junte militaire pouvait pavoiser. Sur ce blog vous trouverez deux autres livres qui traitent d’un sujet semblable : Sur nos cadavres, ils dansent le tango de Maurice Gouiran et Mapuche de Caryl Férey.
À première vue, cela peut paraître délicat de mélanger le rose de la comédie avec le noir des techniques de terreur mais cet étrange amalgame donne une parfaite réussite dans La peine capitale.
Extrait :
– La mission de Condor est de collaborer dans la lutte contre la subversion. Les terroristes se déplacent constamment pour échapper aux autorités. De l’Argentine au Chili. Du Chili au Pérou. Du Pérou à la Bolivie. L’opération Condor est un filet sans échappatoire.
Ils prirent l’autoroute qui menait au Morro Solar et commencèrent à monter vers le sommet de la montagne. Au moins ils étaient sortis du tunnel. Chacaltana se cramponnait à son siège, mais il avait une sensation de vertige.
– C’est pour ça que des agents argentins opéraient à Lima ? Et qu’ils envoyaient les détenus péruviens en Argentine ?
– Nous avons tous besoin de calme, Félix. Les Argentins ont le Mondial de football et nous les élections. Nous nous aidons mutuellement.
Ma note : (4,3 / 5)