Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2020 (Québec-Amérique)
Genre : Enquête
Personnage principal : André Surprenant, SPVM
Le sergent-détective André Surprenant du SPVM (Service de Police de la Ville de Montréal) a commencé sa carrière de policier aux Iles-de-la-Madeleine (La Lune rouge; On finit toujours par payer); puis, il a été transféré à Québec et de Québec à Montréal (Le mauvais côté des choses; Les clefs du silence). Alors qu’il s’apprête justement à prendre ses vacances aux Iles avec sa famille, le gérant d’une boutique de prêt sur gages à Verdun est abattu d’une balle dans la tête. Le partenaire de Surprenant à l’escouade des crimes majeurs lui demande de se rendre sur les lieux du crime: la victime, Jeannot Boudreau, est née aux Iles-de-la-Madeleine; comme Surprenant comptait s’y rendre demain, il pourrait en profiter pour tâter le terrain, particulièrement à Havre-Aubert d’où vient Boudreau.
Peu d’indices à Montréal. Aux Iles, un personnage ressort du lot : le riche Claude Goyette, qui a fait son argent dans l’immobilier, était propriétaire d’Argent POP, la boutique dont Boudreau était le gérant, et qu’il a laissé à sa première épouse Martine Boudreau, petite cousine de Jeannot, au moment du divorce en 1998. On récupère d’ailleurs une photo où les trois ont l’air de bien s’entendre devant Le Goéland, superbe bateau de Goyette avec lequel il envisageait de faire le tour du monde avec Mercedes, une jeune dominicaine qu’il a épousée il y a une dizaine d’années. Il s’avère que Goyette est le petit cousin de Surprenant, ce qui pourrait faciliter le travail. Sauf que Goyette reçoit deux balles dans la poitrine.
Dans l’enquête sur ce crime, Surprenant doit travailler, comme consultant, avec un agent qu’il a déjà formé et qui flirtait avec Geneviève, la femme actuelle de Surprenant : Mathieu Barsalou; avec aussi Jeff Boutin qui vient de Québec (SQ) et qui cherche à tout contrôler. Un message codé dans un carnet de Goyette oriente Surprenant et le plongeur Guillaume Cormier au large de l’ile d’Entrée. À 30 mètres de la surface, retenu par une ancre, le cadavre d’un homme d’une cinquantaine d’années, abattu d’une balle, est retrouvé. Il aurait été tué avant Boudreau. Un complice de Goyette ?
Et la mort de Jean-Paul Masson, qui avait embarqué un véhicule de 5 mètres sur le traversier le jour même où Goyette était revenu avec son Goéland, a-t-elle un rapport avec toute cette histoire ? Surprenant continue d’interroger tout le monde, imagine une hypothèse, organise une rencontre entre personnes suspectes, mène le jeu et, chanceux, obtient des aveux.
C’est un polar d’enquête classique, minutieux et même fastidieux, sans grand rebondissement, auprès d’un nombre quasi illimité de personnages. Surprenant lui-même passe ses vacances aux Iles avec sa deuxième femme, Geneviève, et les deux enfants qu’elle a eus d’un premier mariage, William et Olivier. Jeannot Boudreau a une fille, Isabelle, et est le petit cousin de Martine Boudreau, première épouse de Goyette, avec qui elle a eu Sébastien et Jessica. C’est la patronne de Jeannot et elle fréquente le douteux Vincent Liggio, probablement lié à la mafia de Rizzuto (en prison au Colorado) ou à celle de Salvatore Montagna, qui cherche à prendre le contrôle de la vente de drogue au Québec. Claude Goyette a épousé en secondes noces Mercedes Fromm, dont le premier mari, Oscar, a été assassiné en République dominicaine en 1997, et qui a une fille, Lola. Pour ne rien dire de tous les habitants de Havre-Aubert qui ont leur opinion sur la mort de Goyette.
Pour éviter la monotonie d’une suite d’interrogatoires, le récit est entrecoupé des relations entre Surprenant et Geneviève, du rapport difficile entre Surprenant et le gars de Québec, Jeff Boutin, et d’une partie de la vie des habitants de Havre-Aubert. La situation se complique davantage, et on ne sait plus si les assassinats sont d’origine familiale ou plutôt liés aux guerres de gangs, y compris celle de la République dominicaine. Les comportements de Goyette, comme quand on lui tire dessus, sont difficiles à interpréter et on n’en sait pas assez sur ceux de Boudreau. Et Martine qui est arrivée aux Iles juste avant que Goyette accoste, que vient-elle faire là-dedans ?
Pas facile pour Surprenant de jeter un peu de lumière sur cet embrouillamini, d’autant moins qu’il travaille à peu près seul. Pas étonnant qu’il réponde à un adjoint que, avant les aveux obtenus, il n’en était encore lui-même qu’au stade des hypothèses.
Extrait :
Ce qui était certain, c’était que depuis quelques semaines Claude Goyette avait changé.
– En quoi ? demanda Surprenant.
Martine agita la main, haussa les épaules.
– C’est malaisé à dire. Il était bougonneux, pas aimable, même avec Mercedes. Quelque chose le rongeait.
– Quoi ?
– God knows ! C’est juste une impression. Je ne veux pas raconter n’importe quoi.
– Et votre gendre, là-dedans ?
– Phil Ferrero, mon gendre ? Ça fait pas trois mois qu’il sort avec Jessica !
– De quoi vous a-t-il parlé l’autre soir à la marina ?
– Bonne Sainte-Anne ! Il faisait comme tout le monde, il voulait savoir ce qui était arrivé à Jeannot à Montréal.
– Mettons. J’ai une autre question. Jeannot Boudreau et sa fille Isabelle. Pourquoi lui envoyait-il de l’argent tous les mois ?
– Informez-vous. Vous saurez assez vite qu’elle est à la veille de perdre sa maison. Encore beau qu’elle ait toujours la garde de ses enfants.
– Son chum, Bertrand Loyer, ne l’aide pas ?
Martine Boudreau écarquilla les yeux.
– Ce plogueil-là ?1 Il tuerait sa mère pour les assurances !
– Lui et Isabelle auraient pu avoir l’idée de venger Jeannot ?
– Vous comprenez rien en toute. Le Bertrand aurait jamais osé lever le petit doigt sur Claude. Isabelle encore moins (…)
– On m’a dit que Lola trouvait votre fils Sébastien un peu trop collant.
Martine Boudreau se leva d’un trait, comme si on venait de brancher sa chaise sur le 220.
– La petite vipère ! J’ai du respect, malgré tout, pour Mercedes. Essayer d’élever Lola, cette agace-pissette, ce poison ambulant, je voudrais pas être à sa place ! Lola déteste mes enfants autant qu’elle me déteste autant qu’elle déteste tout le monde sauf sa mère ! Il s’est rien passé entre Sébastien et elle ! Que je lui mette pas la patte dessus, la petite godême !2
1 Crapaud de mer.
2 Godême, expression utilisée surtout aux Iles, qui vient probablement de God Damned, qu’on pourrait traduire, selon le contexte, par maudite.
Niveau de satisfaction :
(3,7 / 5)