Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2011 (Claire DeWitt and the City of the Dead)
Date de publication française : 2015 (Éditions du Masque)
Genres : Enquête, polar géographique
Personnage principal : Claire DeWitt, détective privée
L’intrigue de La ville des morts n’a rien d’original : une recherche de disparu. On n’a pas retrouvé le substitut du procureur après l’ouragan qui s’est abattue sur la Nouvelle-Orléans. A-t-il péri noyé ? Son neveu fait appel à la détective Claire DeWitt pour tenter d’en savoir un peu plus sur cette disparition.
Le cadre donne toute l’ambiance au roman : la Nouvelle-Orléans sinistrée, inondée après l’ouragan Katrina. L’auteur nous décrit une ville qui, en plus des dégâts météorologiques, souffre de corruption et de malversations en tous genres. La police et la justice sont toutes les deux défaillantes : la Nouvelle-Orléans a la plus forte criminalité du pays tout en affichant l’un des taux de condamnation les plus faibles. Dans ce décor ravagé les trafiquants se réjouissent, notamment des bandes de jeunes qui se font de l’argent en vendant de la drogue ou des armes sans craindre la répression des autorités. C’est seulement des autres bandes rivales qu’ils doivent se méfier.
Côté personnage, nous avons affaire à une détective border line. Claire est jeune, 35 ans, elle a vécu tant d’événements marquants qu’elle a l’expérience d’un briscard. Une de ses amies d’enfance a disparu, une autre la déteste depuis cette disparition. Il y a des années, elles étaient trois amies inséparables. Elle a commencé sa carrière de détective sous l’aile de son mentor, Constance, qui est morte maintenant. Son livre de chevet est Détection écrit par un obscur mais grand détective, Jacques Silette, dont Constance était disciple. Claire y fait souvent référence. De son passé elle garde des mauvaises pratiques : elle se défonce en fumant des tas de saloperies que l’on trouve sur le marché de la drogue et en plus elle picole. Elle a un côté mystique : elle a fait un stage auprès d’un lama, en cas de nécessité elle récite les mantras qui vont bien. Autre arme dans sa panoplie le yi-jing qu’elle tire pour avoir un augure qui indique le futur. Elle sait aussi observer les gens et en déduire leur personnalité, s’ils disent la vérité ou s’ils mentent, le tout en quelques minutes. Un talent bien utile pour une détective ! Bref, Claire DeWitt est un curieux personnage : elle est aussi dure qu’un détective hard boiled, comme Philip Marlowe et aussi déjantée qu’une Imogène McCarthy.
Le roman retrace autant la vie et la jeunesse de Claire DeWitt qu’il rend compte de l’enquête sur la disparition d’un notable de la Nouvelle-Orléans. Le personnage de la détective est plus important que l’enquête elle-même dont on devine assez facilement l’aboutissement. À noter aussi qu’on pleure beaucoup dans cette histoire. Durs en dehors mais tendres en dedans, les protagonistes de ce polar !
C’est un roman agréable à lire si l’on accepte une héroïne qui se défonce à la drogue et l’alcool, à la fois tonique, énergique et blessée, qui avance dans la découverte de la vérité par intuitions et par sensations, plus aidée par des flashes et des techniques de divination que par la réflexion et l’analyse. Ce personnage est destiné à poursuivre ses aventures dans d’autres aventures qui formeront une série.
Extrait :
Leon m’avait virée. Quelqu’un avait voulu me tuer et il devait y en avoir d’autres sur les rangs. Mick ne me faisait déjà pas trop confiance à la base, et encore moins maintenant. Personne ne me payait et personne ne semblait tellement m’apprécier à La Nouvelle-Orléans. Ni ailleurs, du reste.
Autrement dit, l’affaire typique.
Je me suis assise et j’ai repris mon dossier sur l’Affaire du Perroquet vert. J’ai tout réétudié depuis le début, depuis les renseignements préliminaires que je m’étais procurés sur Vic : tous les témoignages, tous les faits, tous les chiffres, tous les augures, tous les signes. Ce que je n’avais pas noir sur blanc, je l’ai passé en revue dans ma tête.
Quand j’ai commencé à piquer du nez à 5 heures, je n’avais qu’une seule certitude.
La Nouvelle-Orléans n’était pas faite pour les happy ends.