Sanguine – Jacques Bissonnette

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 1994 (LVB) – 2002 (Alire)
Genres : Procédure policière, thriller
Personnage principal : Julien Stifer, lieutenanr à la SPCUM
Site de l’auteur et résumé : http://www.alire.com/auteurs/bissonnette.html

Nos romans policiers québécois, particulièrement ceux des Éditions Alire, ne sont pas faciles à trouver. J’aimerais bien que ce soit parce que sitôt arrivés sitôt achetés, mais je crains que la réalité ne soit moins encourageante. Je suis loin d’être chauvin et je ne me gêne pas pour mettre des 2.5 à des polars québécois mais force est de constater que, même dans de grandes librairies comme Renaud-Bray ou Olivieri, à côté de dizaines de romans policiers américains ou européens particulièrement médiocres, on  peine à trouver des romans du terroir de qualité supérieure comme ce Sanguine de Jacques Bissonnette.

A partir de la page 87, et alors que je venais de me coucher fatigué, je n’ai pas pu le lâcher jusqu’à la fin, trois heures en ligne! Un véritable turning page, comme dirait Spehner. Un coup de fouet! J’aime bien pourtant les romans historiques plus raffinés comme ceux de Peters, Perry ou Parot quand, sans sacrifier le plaisir du dévoilement d’une intrigue mystérieuse, on profite d’un dépaysement temporel en côtoyant des personnages et des modes de vie qui, mine de rien, enrichissent notre culture et notre connaissance de la condition humaine. Toutefois, j’ai besoin aussi de ressentir l’adrénaline produite par un thriller comme celui de Bissonnette, qui secoue notre carcasse et soumet nos nerfs à rude épreuve.

L’enquête du lieutenant Stifer se déroule à Montréal; il appartient à la SPCUM et pourrait connaître Charlie Salter de la police de Toronto (voir les polars d’Eric Wright). Les deux aiment travailler seuls même s’ils se retrouvent souvent en équipe. Stifer est plus costaud et durement stimulé par la disparition de sa fille de 13 ans deux ans auparavant, et qu’il espère toujours retrouver. Il tourne les coins abruptement et s’attache à sa proie comme un pitbull; dans ce cas-ci une jeune femme de l’âge de sa fille et son petit ami. Bref, on l’aime bien. Et l’univers dans lequel il déplace beaucoup d’air est bien décrit : milieu de la drogue dans Côte-des-Neiges, boutiques et bars pornos, milieu bourgeois de Notre-Dame-de-Grâces et d’Outremont. On reconnaît le Montréal de Bissonnette comme le Québec de Chrystine Brouillet.

C’est la composition de l’ensemble qui nous séduit : atrocité des crimes difficilement explicable, personnages crédibles et intéressants, va-et-vient efficace des révélations et des nouveaux problèmes, montré-caché par excellence, et tout ça à un rythme d’enfer, sans oublier de temps en temps une petite mise au point au cours de laquelle le lecteur profite d’un répit pour se remettre les idées en place.

Bissonnette n’a écrit que 5 romans depuis 1986, les trois derniers avec l’inspecteur Julien Stifer. C’est vraiment dommage parce qu’il jouit d’une qualité rare : celle de savoir se mettre dans la peau de son lecteur. D’où l’efficacité des effets qu’il produit.

Ma note : 5 /5 – Coup de cœur

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7 réponses à Sanguine – Jacques Bissonnette

  1. Ray dit :

    Bonjour,
    Je dois vous rappeler ce que nous avons écrit en préambule de la Notation : "Les notes sont attribuées de façon totalement subjective, elles ne reflètent que le ressenti du rédacteur". Il semblerait que vous ayez un ressenti différent du notre, c'est votre droit et le notre c'est d'avoir celui que nous avons exprimé. Concernant le roman Sanguine, mon collègue québécois Michel, vous précisera, s'il le souhaite son point de vue. Pour ce qui est de Voodoo Land de Nick Stone dont j'ai écrit l'article, tout en reconnaissant que c'est un bon polar, j'ai exprimé des réserves : à savoir cette fâcheuse tendance à tomber dans le roman feuilleton où il faut se farcir l'intégrale des titres pour connaître l'histoire dans son ensemble. Et aussi cette impression d'avoir abandonné la sobriété de Tonton Clarinette pour faire du grand spectacle. J'avais noté Tonton Clarinette 5/5 et seulement 4/5 Voodoo Land pour ces raisons. Pour moi le dernier roman de Stone est plutôt une déception par rapport au premier. C'est mon ressenti !

    • Éric Forbes dit :

      C'est peut-être votre système de notation qui bat de l'aile. Peut-être abusez-vous de la note de 5 ?

      • Ray dit :

        Bon, on va clore ici la polémique. Vous n'êtes pas d'accord avec nous, c'est un fait. Nous ne prétendons pas détenir la vérité absolue, nous donnons simplement notre opinion et nous expliquons pourquoi. Libre à vous de penser différemment. Argumentez sur ce qui vous a fait aimer ou pas aimer un bouquin plutôt que de mettre en cause notre jugement qui est subjectif … tout comme le votre !

  2. Éric Forbes dit :

    Votre système de notation me laisse songeur. 5/5 pour un livre correct, plutôt mal écrit, qui ne révolutionne nullement le genre. Et 4/5 pour un polar foisonnant et original comme celui de Nick Stone ?

    • michel dufour dit :

      Ce n'est pas le système de notation que vous critiquez, c'est notre jugement.
      Je ne pense pas que "à chacun sa vérité". J'ai confiance, cependant, à la valeur des arguments et au droit de modifier nos jugements si un nouvel éclairage nous y conduit. Votre premier argument prétend que c'est plutôt mal écrit: je n'ai pas remarqué. Je suis d'accord avec votre deuxième: ce n'est pas un roman qui révolutionne le genre. Et alors?

      • Éric Forbes dit :

        5/5 c'est la perfection, non ? Je m'attend d'un livre parfait qu'il révolutionne le genre. Comme le Dahlia noir, par exemple. Ou The Long-goodbye. Moisson rouge, aussi. En fait, même ceux-là, même s'ils sont des chefs d'oeuvre, ne sont pas parfaits. Bissonnette dans la même ligue que Hammett, Chandler et Ellroy ?

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