Le silence des carpes – Jérôme Bonnetto

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2021 – Éditions Inculte
Genres :
Enquête, géographique
Personnage principal :
Paul Solveig, 32 ans, programmeur informatique

Deux événements fâcheux frappent le même jour Paul Solveig : le robinet de la cuisine fuit et sa femme le quitte. Pour la fuite, il appelle un plombier, pour sa femme, il ne fait rien. Le plombier, un exilé tchèque, a laissé tomber une photo lors de son intervention. Elle représente sa mère disparue en 1977 sans laisser la moindre trace alors qu’elle était à Blednice, une petite bourgade de Moravie. Le régime communiste l’aurait éliminée parce qu’elle était réfractaire à la politique d’alors. Maintenant que le robinet est réparé et que sa femme s’est barrée, Paul, qui en a marre à la fois de la vie parisienne et de son boulot, voit là l’occasion de faire un changement d’horizon salutaire : il part en Moravie à la recherche de la mère du plombier tchèque.

Il y a dans ce roman toute une panoplie de personnages hauts en couleurs, comme le truculent monsieur Veselý, un sculpteur qui a entassé dans une cour toutes ses œuvres dont il ne sait que faire.  Il y a aussi Míla, une jeune femme qui aime la liberté au-delà de tout, elle multiplie les conquêtes masculines mais ne se laisse jamais emprisonner. Quant à Antonín c’est un réalisateur de films expérimentaux et un critique perçant, spécialiste du cinéma tchèque. Des gens sympathiques mais un peu marginaux voire totalement farfelus. Ce sont les nouveaux amis de Paul Solveig. Le méchant, car il y en a quand même un, est un ancien sous-fifre de la police politique du régime communiste qui, à l’époque, a dénoncé des gens réputés rebelles. L’homme est maintenant vieux, méprisé, seul dans une maison sale et vétuste. Il incarne parfaitement le poème Seuls et vaincus[1] (bien que Christiane Taubira s’adresse aux racistes et non aux ex-communistes).

On a connu plus consistant comme intrigue que celle d’un bon petit gars qui, suite à une déception, part sur un coup de tête dans un bled étranger pour se refaire la cerise. Alors certes, c’est raconté avec humour et fantaisie, mais pour donner du corps au roman, l’auteur est obligé de broder sur ce scénario ultraléger. Nous avons alors droit à une multitude de digressions qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’intrigue principale. L’objectif principal de Jérôme Bonnetto était semble-t-il de rendre hommage au pays dans lequel il a choisi de vivre (il habite Prague) plutôt que de bâtir une intrigue bien ficelée. Alors l’auteur a inventé un prétexte pour que son personnage principal déambule au cœur d’une Tchéquie qu’il peut ainsi décrire avec tendresse et affection. Il nous parle de son cinéma, sa littérature, ses fêtes populaires, ses bars et même de son football et de la façon de tirer des penalties : la fameuse Panenka[2] (les connaisseurs du football comprendront).

Ce livre donne une image positive de la Tchéquie et de ses habitants. C’est un roman à lire si vous avez un intérêt pour ce pays ou si vous envisagez de le visiter mais si vous cherchez une histoire forte, ce n’est pas ce que vous trouverez ici. Il y a peu d’action et c’est souvent trop verbeux, contrairement au livre précédent du même auteur : l’excellent La certitude des pierres. Le silence des carpes se lit facilement, il provoque souvent le sourire et il est empreint de légèreté et de nostalgie. C’est une gentille histoire, loin d’être inoubliable.

[1] Poème de Christiane Taubira chanté par Gaël Faye et Melissa LaVeaux :
https://www.youtube.com/watch?v=1kEyS4xIGZ8

[2] https://www.youtube.com/watch?v=VxXWIZULgyw

Extrait :
De retour dans la capitale, je m’octroyai encore quelques jours pour solder ma vie parisienne. Je confiai mon appartement à une agence, fis une croix sur mon allocation-chômage devant les premières difficultés des démarches à entreprendre et je réunis le nécessaire. Je savais que je partais pour longtemps, résolu à me consacrer aux choses essentielles, et j’avais pour cela un projet à ma mesure : retrouver dans un pays à la langue inconnue, la mère d’un faux plombier exilé qui figurait sur une vieille photo floue.
J’ai acheté un peu de littérature tchèque, quelques DVD, une grande valise et je me suis envolé.

Niveau de satisfaction :
3.5 out of 5 stars (3,5 / 5)

 

 

Ce contenu a été publié dans Enquête, Français, Moyen. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.