Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2019 (Down to the Woods)
Date de publication française : 2021 – Les Escales Éditions
Traduction de l’anglais : Séverine Quelet
Genre : Enquête policière
Personnage principal : Helen Grace, commandante de la brigade criminelle de Southampton
On a signalé à la brigade criminelle de Southampton, une scène de crime saisissante : au milieu de la forêt, dans une clairière, un jeune homme est pendu à un chêne, nu, tête en bas, les bras ballants tendus vers le sol. Son corps est percé de trois carreaux d’arbalète. C’est à la commandante Helen Grace qu’est confiée une enquête qui va se compliquer quand une deuxième victime va être découverte, avec la même mise en scène macabre. Chose étrange avant d’être exécutées les victimes campaient paisiblement dans le parc national de New Forest et leur compagnon qui dormait à leur côté, dans la même tente, n’ont rien vu ni entendu. Helen Grace et son équipe vont s’investir à fond dans une enquête complexe avec au départ aucune piste évidente.
Il y a dans ce roman policier un grand classicisme qui devient assez rare par les temps qui courent. Nous retrouvons en effet les composantes classiques du roman policier : – des crimes avec une étrange mise en scène – des victimes que rien ne semble relier au départ – un coupable qui a un solide mobile qui n’apparaîtra qu’à la fin – et enfin une équipe d’enquêteurs motivée et compétente. C’est donc un roman policier classique, certes, mais moderne et bien fait, sans l’aspect poussiéreux des grands classiques de la littérature policière.
L’auteur réussit à installer une belle ambiance sombre et pesante. La présence de la forêt y contribue, luxuriante et profonde, elle est à la fois refuge pour certains et le lieu de tous les dangers pour d’autres. L’étrange rituel suivi par le meurtrier et ses mises en scènes sanglantes, mais aussi artistiques, ajoutent un effet gothique accentué par la silhouette sans visage du tueur, captée par des caméras.
Arlidge met aussi en place une galerie de personnages crédibles et intéressants. La Brigade criminelle de Southampton, dirigée par la commandante Helen Grace, jouit d’un certain prestige et d’une grande popularité. C’est pour ça que le capitaine Joseph Hudson a postulé pour l’intégrer. C’est le petit nouveau, seul homme gradé au milieu des femmes. Car les postes de commandement y sont tenus par des femmes : outre Helen, il y a Charlie Brooks, bras droit et amie d’Helen. Leur supérieur hiérarchique est aussi une femme : la commissaire Simmons. C’est aussi l’amie et la protectrice d’Helen. Son autorité s’exerce de façon maternelle, elle aide et protège, n’exerce aucune pression inutile. Les liens au sein de cette brigade ne sont pas que professionnels, ils sont aussi et surtout amicaux. Tout cela m’a laissé penser que M.J. Arlidge, que je ne connaissais pas, était une femme. Mais non ! C’est bien un homme. Un homme qui met les femmes en avant dans ses romans. La bonne entente au sein de la brigade n’empêche pas de travailler dur, bien au contraire. Chacun(e) s’investit à fond dans l’enquête. Tant est si bien que ça crée quelques problèmes personnels hors du boulot. Helen souffre de solitude, elle a parfois besoin d’un exutoire. Charlie a des soucis avec sa petite fille et son mari. Hudson est aussi un solitaire, il a eu un divorce difficile et le travail est son échappatoire. La journaliste Emilia Garanita ne recule devant rien pour obtenir des informations inédites. Elle est ambitieuse et sans scrupule. Même l’assassin a des raisons qu’on peut comprendre, faute de les approuver : il est poussé par la douleur, la haine, l’injustice.
En définitive Loup y es-tu est un bon roman policier classique. Il bénéficie d’une belle ambiance et de personnages réalistes et attachants.
Ce livre est le huitième de la série Helen Grace. Je n’ai lu aucun des précédents, ce qui ne m’a pas empêché de comprendre et d’apprécier ce dernier volume. Chaque roman est suffisamment autonome pour qu’on ne soit pas obligé de se coltiner l’intégrale de ces séries à rallonges qui finissent par donner l’impression que l’auteur tourne en rond autour des mêmes personnages.
Extrait :
S’il avait rencontré Caleb Morgan dans la vie de tous les jours, aurait-il eu le courage de frapper ? Et Campbell ? Et Scott ? La journée, pris au piège des aléas du quotidien, il se sentait frustré, hésitant, impuissant. Dans les bois, c’était différent. Ici, il pouvait se débarrasser de ses instincts miséricordieux et s’abandonner à la colère et à la haine. Tuer les poneys lui avait coûté, mais c’était nécessaire ; une étape importante dans son voyage, visant à aiguiser ses talents et à embrasser sa nouvelle identité. Endosser le rôle du chasseur lui donnait le sentiment d’être plus grand, plus fort, intouchable, mais pas seulement. La nature même du temps semblait se modifier sous la canopée des branches centenaires. Ici, le temps était de son côté.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)