Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2021 (Alire)
Genre : Thriller
Personnage principal : Florence, 8 ans
Drummondville, 15 mars 2020 : la covid a pris d’assaut le Québec. Le gouvernement procède à un début de confinement. Josée Janelle n’a pas de nouvelle de sa sœur depuis un certain temps. Elle se rend chez elle. C’est comme si la maison avait été lessivée par un ouragan : tout est sale et désordonné; le dépanneur, qui communique avec la maison, est fermé; Sébastien et Maryline, les parents, sont disparus. Une petite fille de huit ans, Florence, est assise dans le divan, silencieuse et boudeuse. Josée appelle la police. Le patrouilleur Légaré ne parvient pas à faire parler Florence. Survient l’intervenant de la DPJ, qui demande en douceur à Florence où sont ses parents. Florence monte dans sa chambre et se met au lit pour lire.
En juillet, Florence a commencé à écrire son Journal, un cadeau de son oncle pour lui permettre de mieux se comprendre. Persuadée qu’on ne peut pas le lire puisque c’est un journal intime, elle y rédige tout ce qui se passe dans sa vie, à l’école comme chez elle, ses plaisirs et ses frustrations, ses loisirs avec ses parents, ses jeux avec ses amis, sa façon de les comprendre et de se comporter avec eux.
Le lecteur passe donc de la rédaction des événements aux effets de ces événements. Par exemple, les policiers découvrent l’état de délabrement dans lequel l’appartement a été laissé tandis que nous, lecteurs, suivons les actes qui ont abouti à cette situation. Les policiers finiront par trouver quelques cadavres et nous comprendrons comment on en est arrivé là. Il ne faudrait pas croire pour autant que l’histoire s’arrête là. Même quand Florence va cesser d’écrire, quitter la maison et se retrouver au Centre Jeunesse de la Mauricie, et que la police va devoir l’interroger sans ménagement, l’aventure de Florence sera loin d’être terminée.
Comme c’est un roman de Senécal, on s’attend à ce qu’il y ait plusieurs cadavres, et c’est un fait. Et la mise à mort de ces victimes est, pour le moins, scabreuse. C’est certain que bien des lecteurs interrompront leur lecture. Mais, dans plusieurs autres cas, il devient au contraire difficile de lâcher le roman. Grâce à une habileté démoniaque, Senécal parvient à nous faire voir et sentir la réalité par les yeux de son personnage principal, dépourvu sans doute d’empathie et de sentiment de culpabilité, mais aussi dénué de sadisme et de réelle méchanceté, de sorte que nous assumons cette tragédie macabre avec sérénité. Un réel coup de force de l’écrivain !
Les fidèles de Senécal retrouveront plusieurs procédés habituels de l’écrivain, dont l’usage de personnages récurrents, par exemple, dans ce cas-ci, le personnage de Michelle Beaulieu, fille dangereuse du tueur en série Jacques Beaulieu[1].
[1] Cf. 5150, rue des Ormes; Aliss, Hells.com, Faims…
Extrait :
On est mardi. Aujourd’hui, grand-maman Laura est morte et on est allés à l’hôpital. Moi, ça ne me tentait pas tellement parce que j’étais super fatiguée parce que je m’étais couchée tard hier, mais maman voulait que je vienne avec eux autres. J’ai vu grand-maman morte dans son lit, mais je ne voyais pas de différence de quand elle était en vie. Elle était couchée avec les yeux fermés et la bouche ouverte comme d’habitude. Mais elle ne faisait plus de bruit. C’est parce qu’elle ne respirait plus. Quand on est mort, on arrête de respirer, c’est comme ça. Maman pleurait parce qu’elle était triste. Papa aussi était triste même si ce n’est pas sa maman à lui. Là, j’ai pensé que grand-maman ne me donnerait plus de bonbons-tire-Sainte-Catherine et qu’elle était la seule personne qui m’en donnait, alors j’ai commencé à pleurer. Papa a dit ça te fait de la peine de perdre ta grand-maman, hein ? J’ai dit que c’est parce que je n’aurais plus de bonbons-tire et qu’elle n’était vraiment pas fine d’être morte. Maman a ri un petit peu, mais c’était un rire bizarre, comme si elle ne riait pas pour vrai. Elle a toujours l’air un peu folle quand elle rit comme ça.
Niveau de satisfaction :
(4,4 / 5)