Sarasqueta – Chaïm Helka

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale :
2021– La Manufacture de livres
Genre : Roman noir
Personnages principaux :
Alfonso Gutiérrez Carrasco, cultivateur et chasseur – Un mystérieux homme en noir

Espagne, été 1936.
Alfonso Gutiérrez Carrasco, fusil sur les genoux, gibecière en bandoulière, assis sur un rocher familier, contemple ses terres avec ses oliviers et amandiers. Une présence inhabituelle le sort de sa rêverie : un homme vêtu de noir de pied en cap, armé d’un fusil de chasse, se tient à côté de son mulet. L’homme en noir lui fit un signe amical, un salut du bras puis abat successivement son mulet et son chien. C’est ensuite Alfonso qui devient la cible. Commence alors une course poursuite interminable. L’homme en noir continue de le saluer et de tirer vers lui des coups de fusil. Dans sa fuite éperdue, Alfonso se sent complètement impuissant. Plutôt que le tuer, son poursuivant semble vouloir l’amener à un endroit précis. Un long calvaire commence pour Alfonso.

Ce roman décrit une traque impitoyable. Alors qu’Alfonso souffre de la faim, de la soif, de ses blessures et de la chaleur, rien ne semble atteindre son poursuivant. La fuite tourne à la torture et l’homme en noir la fait durer. Il y a quelque chose de mystérieux et d’inexorable dans cette chasse à l’homme. Quand Alfonso, blessé et épuisé renonce, prêt à accueillir la mort comme une libération, le démon noir lui procure les ressources en nourriture et en eau pour continuer son supplice. Alfonso aura le temps de se souvenir des épisodes marquants de sa vie : l’Amérique, sa femme Jacinta, son fils Quico, les bonheurs, les lâchetés et turpitudes aussi. Ce n’est qu’en arrivant au terme de sa longue course qu’il comprendra pourquoi il est arrivé là où l’homme en noir l’a voulu. Et nous, lecteurs, aussi ! Difficile d’en dire plus sans spoiler l’intrigue basée justement sur l’énigme et le mystère. Une réserve toutefois : j’ai peu apprécié la pirouette finale qui donne l’explication. C’est le genre de conclusion passe-partout qui peut être utilisée pour parachever sans se casser la tête toute histoire bizarre. Malgré cela, cette fin laisse le choix entre plusieurs interprétations possibles.

Ce qui est remarquable, outre l’étrangeté de l’histoire, c’est l’écriture sophistiquée empreinte de poésie et de noirceur. Les phrases sont ciselées.

Sarasqueta (nom d’un fusil de chasse espagnol de 1909), est un court roman (160 pages) étrange et déroutant. L’écriture envoutante contribue à installer une belle ambiance sombre et étouffante. C’est un roman hors des sentiers battus malgré le procédé final utilisé pour dénouer l’intrigue.

Extrait :
Le soleil, fidèle frère ennemi, étalait toute sa grandissime et brutale puissance. Le sol, entre les roches, se craquelait au point de pouvoir y glisser par endroits un index entier.
Alfonso Gutiérrez Carrasco marchait et l’homme en noir le saluait.
Deux cartouches engagées, trois dans la gibecière, cinq tirs, son canif, du tabac, des feuilles à rouler, une boîte d’allumettes, le reste de pantalon, et « rien d’autre », marmonna-t-il, comme si par miracle cela aurait pu changer la donne.
Claudiquant et tenant son fusil d’une main, il ôta sa chemise de l’autre, tirant sur la guenille pour ne pas enlever sa gibecière mise en bandoulière. Repassant la courroie de l’arme autour de son torse nu, il put se confectionner un turban avec son vêtement et protéger ainsi son crâne du soleil. Ce faisant, il ne voulait sous aucun prétexte s’arrêter et montrer son abattement.

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

 

 

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