Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2013 (Sonatine Éditions)
Genres : Roman noir, Thriller
Personnages principaux : Troy, tueur fanatique – Karen, conseillère d’éducation – Donald, policier
Un séminaire littéraire se tient au fond de l’Utah. Il s’annonçe tranquille et reposant pour des étudiants en écriture quand arrive un motard casqué, tout habillé de noir. Il sort un fusil à pompe d’une sacoche de golf et met à faire un carton sur tout ce qui bouge : étudiants, professeurs, employés. Froidement, méthodiquement, il tire. Garçons, filles, jeunes, vieux, pas de différence : tous tombent sous les balles. C’est un massacre. Qui est ce tueur ? Et pourquoi ce carnage ? Voilà les questions posées d’entrée dans ce livre. La suite, jusqu’à la fin du livre, est une alternance de chapitres consacrés à trois personnages : Troy, Karen et Donald.
Troy c’est le tueur. Un jeune homme d’une vingtaine d’année. Il est très déterminé. Il considère qu’il a une tâche à accomplir, il est Le Messager. Il parle de lui en employant le deuxième personne du singulier : « Tu es le Messager, Troy . Tu es le souffle de ce qui vient. » C’est un fanatique à la fois intelligent et déshumanisé. Karen est la conseillère d’éducation du séminaire. Dans le passé, elle était mystique, membre d’une secte inspirée par les croyances tibétaines. Elle s’appelait alors Nima. Donald est policier, proche de la retraite. Capitaine et chef de police par intérim à Grand Junction, dans le Colorado. Une « tâche » dans son passé de policier a ruiné sa carrière. Depuis il se néglige : il a pris beaucoup de poids et il a tendance à picoler. Ses collègues l’appellent ironiquement Grand Patron. Au début, chacun des trois personnages à une histoire complètement autonome et indépendante des autres. Puis, petit à petit, les éléments du puzzle se mettent en place et nous avons une vision d’ensemble des liens qui les unissent. Karen devine qui est le tueur. Donald a un mauvais pressentiment : ce lieu, ce jour-là, ce n’est pas un hasard. Le passé des trois personnages explique les évènements d’aujourd’hui.
Il n’est pas évident, au début du livre, de s’apercevoir que la secte, appelée ici ironiquement Le Refuge est au centre de cette histoire. Il faut avancer un peu dans la lecture pour le comprendre. Nous découvrons alors, de façon très réaliste, l’humiliation et les mécanismes mis en place pour obtenir la soumission et l’aveuglement. L’auteur ne dénonce pas les méfaits de la secte, il nous montre comment cela fonctionne de l’intérieur à travers les personnages. Il expose comment on fabrique un monstre et comment la créature échappe finalement à ses créateurs et devient totalement incontrôlable. Certains sont rentrés dans la secte à l’âge adulte, ils étaient en recherche de vérité, ceux-là arrivent parfois à en sortir. Mais il y a aussi des enfants qui dès leur naissance ont subi des sévices et une éducation appropriée pour les rendre soumis et dociles. Leur carcan psychologique est si solide qu’ils sont devenus inhumains, incapables d’éprouver le moindre sentiment. Décrire les attentes, les sentiments et les pensées des membres la secte est bien plus fort qu’une dénonciation des méthodes utilisées. C’est avec une précision chirurgicale que l’auteur montre comment les évènements passés aboutissent inexorablement à la tragédie actuelle.
Le style est efficace. Phrases courtes et percutantes. L’écriture est parfois lyrique, elle rend bien la dureté et la noirceur de l’histoire.
Un bon roman noir, crépusculaire et glaçant.
Extrait :
Te voici lancé à l’assaut des canyons et des ravines. Tu vas rouler jusqu’au faîte de cette mesa, tu vas rouler sans te retourner et, de là-haut, tu vas contempler le monde pour la dernière fois. Une pluie d’aigles en flammes criblera la Terre, et le ciel s’ouvrira. Une vague incandescente abrasera la Terre à la vitesse de six cents miles à l’heure. Les villes seront soufflées, les forêts se racorniront, un vent sanglant asséchera les marais et, de sept milliards de gorges, une même clameur s’élèvera. Puis, en un ultime renoncement, le désert s’offrira pour toujours au silence.
nous allons pouvoir bientôt croiser nos regards sur le livre car je devrai le lire très bientôt. Ce sera le premier roman que je lierai de cet auteur. J’étais passé à côté de son premier alors qu’il avait reçu si je me rapelle bien, un accueil assez positif des critiques. Amitiés
Curieux de connaître ton avis sur ce roman assez original par son thème et par sa forme.
Je l’ai déjà noté, mais ce billet conforte mon envie de le lire…
J’ai l’impression que ce Fabrice Colin est assez polyvalent. J’ai lu de lui Or not to be (très très bon) et Blue Jay Way (pas mal du tout), dans des genres complètement différents, il a aussi écrit pas mal de SF, pratique le polar.. Un homme à tout faire, en somme ?
Je découvre Fabrice Colin à travers ce dernier roman, je ne connais pas ses œuvres précédentes mais si tu affirme que c’était très bon et pas mal du tout, c’est une confirmation de son talent.