Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2016 (Héliotrope noir)
Genres : Enquête, noir
Personnage principal : Chevalet, retraité, conseiller municipal
Marois a déjà publié plus de trente polars pour jeunes et adultes. Il y a trois ans, j’ai commenté La Fonction, un court roman qui frôlait le récit fantastique. En 2014, j’ai commenté la plaquette attachante 10 ans, pas méchant. Bienvenue à Meurtreville est aussi un court roman, mais un vrai polar, bien que son personnage principal soit un peu excessif.
Mandeville est un petit village de la région de Lanaudière. La pauvreté de ses habitants est illustrée par le garagiste Réjean, à qui la banque refuse un prêt pour le remplacement de son pont hydraulique. Il faudrait que la Ville endosse son emprunt, mais la Municipalité n’est pas une banque, observe le maire Monier. Alors que ce dernier tergiverse, le conseiller Chevalet s’engage à rendre prioritaire le dossier du garagiste. Après la réunion, Monier, Chevalet, l’hôtelier Bouchard et la secrétaire Madame Pesant traversent à l’Orignal, où la bière est bonne. Puis, alors que chacun revient chez lui, Chevalet aperçoit des lueurs chez Paulo et décide de lui faire une petite peur : c’est la saison des ours. Mais c’est aussi la saison des voleurs de plants de pot et le vieux Chevalet tombe sur l’un d’entre eux qui fait main basse sur les plants de Paulo. Coup de pied dans les couilles suivi d’une chute, et le voleur s’égorge sur son sécateur.
Le sergent Mazenc s’est fait muter de Montréal à Mandeville, et le voilà qui enquête sur son premier meurtre. Les curieux abondent au centre-ville, il y a de l’effervescence dans l’air. Chevalet arrête au garage pour prendre des nouvelles; Réjean a l’air joyeux : « Si on pouvait avoir des meurtres chaque matin, ça serait payant! ». L’idée va se faufiler lentement dans la tête de Chevalet. D’autres devront mourir pour que l’économie de la ville reprenne une croissance souhaitable. Les journalistes affluent, les habitants se rassemblent, discutent et boivent. Le sergent tourne en rond.
Partant de ces prémisses simples, Marois compose une jolie histoire de solidarité et de sang. Pas de plongée dans les profondeurs de la psyché, pas d’analyse sociologique structuralo-dialectique, pas de déviance sadomasochiste qui favorise l’insomnie. Marois a une idée et il la développe avec cohérence et une grande force d’attraction; un petit nombre de personnages importants s’y greffent naturellement; puis, on a l’impression que l’histoire se déroule toute seule. À la sortie du livre, nous ne sommes peut-être pas plus savants, mais nous avons passé un sacré bon moment.
Extrait :
La matinée se poursuit avec l’arrivée de l’autobus blanc du commandement mobile.
La flaque de sang qui entoure la tête de Mme Pesant a viré au brun. Les mouches se font insistantes.
Un spécialiste de la SQ compare la blessure avec les clichés des trois autres victimes :
− Si on examine les incisions dans le cou, on dirait qu’on a affaire à trois meurtriers. Le premier, avec le sécateur, est à part. Le deuxième et le troisième forment un autre groupe. Le quatrième aussi.
Steve Mazenc écoute avec attention.
Cette fois, on y est. La découverte du cadavre de Mme Pesant a fait exploser le compteur de notoriété de la commune. Le tueur de Saint-Charles-de-Meurtreville a ouvert les bulletins d’information de Radio-Canada, de TVA, CBC et même TFI en France. Le village de Mandeville est en passe d’éclipser celui de Saint-Élie-de-Caxton1, sans l’aide d’aucune vedette culturelle.
Tous les accès sont envahis. Un agent doit faire la circulation au coin des rues Saint-Charles-Borromée et Desjardins, car on vient de partout pour découvrir ce bout de pays où sévit un assassin fleuriste.
1 Village de la région de Lanaudière rendu célèbre par le conteur Fred Pellerin.
Ma note : (4 / 5)