Par Régine Da Silva
Date de publication originale : 2011 (Ubezhishe 3/9)
Date de publication française : 2016 chez Agullo éditions
Genre : merveilleux à tendance thriller
Personnages principaux : le « petit », appelé tantôt Yacha tantôt Ivan ; Marie, photographe amnésique ; Joseph, magicien escroc
Refuge 3/9 est le troisième livre d’Anna Starobinets que je lis, après Je suis la reine et Le Vivant. Cette fois, l’écrivain russe est publiée chez Agullo éditions, et si les deux premiers livres parus en français m’avaient beaucoup plu, celui-ci est un vrai coup de cœur. Pourtant, le résumer et même en parler relève de la gageure, si l’on ne veut ni en dévoiler trop de l’intrigue ni priver le lecteur potentiel du plaisir jouissif de découvrir les réponses aux questions qu’il se pose et d’effectuer divers recoupements, au gré des indices semés par l’auteur (ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’image des petits cailloux semés Hansel et Gretel pour se repérer dans la sombre forêt où ils errent revient à plusieurs reprises dans le livre…).
Tentons cependant l’exercice. Un petit garçon (le « petit ») tombe du wagonnet d’un train fantôme et se trouve emporté dans un univers étrange peuplé de créatures sorties des contes russes. Marie, une jeune femme partiellement amnésique, se trouve à Paris pour un salon du livre. Perturbée, elle se sent appelée, sans qu’elle comprenne trop pourquoi, à rentrer en Russie. Mais elle ne pourra le faire qu’en se métamorphosant, en blessant, en tuant, en mourant elle-même. Joseph, un magicien escroc, échoué dans une prison italienne après avoir été ensorcelé par une certaine Lucifa, brûle soudain lui aussi du désir de rentrer en Russie, et lui aussi n’y parviendra qu’au prix d’une métamorphose… Qu’est-ce qui réunit ces trois histoires ? Pourquoi ces personnages doivent-ils à tout prix se retrouver en Russie ? Quel est ce pays qu’on entrevoit à travers le merveilleux ?
Autant de questions auxquelles le lecteur se trouve confronté et qui trouveront des réponses tout sauf univoques, susceptibles d’interprétations multiples et formidablement riches. Si Anna Starobinets ne s’est pas départie de son habituel cynisme et du regard sans illusion qu’elle jette sur les relations humaines, on sent bien entendu dans Refuge 3/9 l’influence d’auteurs anglo-saxons comme Stephen King, avec l’utilisation des images récurrentes de l’univers fantastique – fête foraine, magie, amnésie, annonce de la fin du monde, créature maléfique, pouvoir ensorcelant d’Internet ou de la télévision… –, mais la volonté des principaux personnages du roman de rentrer coûte que coûte en Russie l’indique clairement : Anna Starobinets a cherché à donner une voie nouvelle, une voie originale, une voie typiquement russe au fantastique moderne, et son Refuge 3/9 en est un accomplissement magnifique. Vivement qu’elle récidive !
Extrait :
Je passai les deux journées suivantes à flâner dans Paris, sans le moindre but. Sans penser à rien. Et sans m’étonner outre mesure, je découvris non seulement que je comprenais dorénavant leur langue mais que je la parlais aussi couramment, d’une voix rauque qui ne m’appartenait pas.
Et le troisième jour, un objectif se fit jour en moi. Je devinai tout à coup que je devais rentrer à la maison. Qui que je fusse devenue, je devais retourner chez moi.
J’avais dans mon portefeuille encore assez d’argent pour m’acheter un billet direction Cologne. Or là-bas, à Cologne, vivaient des gens qui devaient m’aider.
Qui que je fusse.
Précautionneusement, à tout petits pas, il avança, le bras tendu devant lui. Bientôt, sa main rencontra quelque chose de dur et rugueux. Une palissade. Le Garçon s’approcha et l’examina. Cette enceinte avait été construite dans un matériau qu’il ne connaissait pas. En tout cas, pas en bois, c’était sûr et certain. Mais avec de drôles de bâtons d’un blanc sale, collés entre eux. Ces bâtons étaient de longueur et d’épaisseur variables, depuis des baguettes vraiment très fines et très courtes, pas plus longues que des doigts d’enfant, jusqu’à de gros cylindres bizarrement tordus, comme une jambe au niveau du genou… comme une jambe au niveau du genou, comme… des os !
Ma note : (5 / 5)
Coup de cœur
Bonjour,
En tant qu’amateur de polars, connaissez des romans policiers ayant pour thèmes : les dents, les dentistes, odontologie légale…. En effet, travaillant dans une bibliothèque universitaire d’odontologie, j’aimerai que les futurs dentistes se distraient avec un petit fonds de livres policiers. Il faudrait qu’il y ait un rapport avec le métier.
Merci de votre réponse
Bien cordialement
Je ne connais pas de polar dont le thème principal est les dents. Cependant il est souvent question de dossier dentaire dans les polars car pour la police c’est une façon d’identifier les victimes. Je ne peux pas vous citer des polars où les dents et les dentistes jouent un rôle prépondérant, il en est souvent questions lors des autopsies pour identifier les cadavres. Je peux vous indiquer un excellent polar où le dossier dentaire permet d’établir un lien entre plusieurs victimes, mais ce roman traite de bien autre chose : Le cheptel de Céline Denjean.
Cordialement.