La griffe du chien – Don Winslow

Par Raymond Pédoussaut

lagriffeduchienDate de publication originale : 2005 (The Power of the Dog)winslow-don
Date de publication française : 2007 chez Fayard – 2008 chez Points
Genres : Thriller, mafia, géopolitique
Personnages principaux :  Art Keller agent de la DEA – Les narcotrafiquants : la famille Barrera, l’oncle Tío Miguel Ángel, les neveux Adán et Raúl

Art Keller est l’agent spécial de la DEA (Drug Enforcement Administration) chargé de la lutte contre les cartels de la drogue sur la frontière mexicaine. L’opération Condor, menée conjointement avec le Mexique, a pour but de liquider le réseau de Don Pedro, grand chef des narcotrafiquants dans l’état du Sinaloa. Côté mexicain, c’est Miguel Ángel Barrera qui dirige l’intervention. C’est un policier décidé et efficace qui ne lésine pas sur les moyens employés. Mais au Mexique la frontière entre flic et narcotrafiquant est mince. Ainsi Barrera, après avoir éliminé le parrain local, s’empare du contrôle des réseaux de drogue et les réorganise.

Badge de la DEA

Badge de la DEA

Après lui, ses neveux Adán et Raúl, prennent la relève et font passer leur commerce à une dimension encore supérieure, il s’étend dorénavant  jusqu’en Amérique du Nord et en Amérique Centrale. La famille Barrera est immensément riche et incontournable au Mexique où elle fait la pluie et le beau temps. Art Keller, lui, s’est senti trahi et manipulé. Il s’est juré de faire tomber les Barrera, d’autant plus que ces derniers ont torturé puis abattu son adjoint. Entre Art Keller et les Barrera c’est une lutte sans merci où tous les coups sont permis. Elle va durer 25 ans.

L’intrigue est complexe, elle se développe sur presque trente ans (de 1975 à 2004). Les personnages sont nombreux et les lieux multiples. Ce livre est instructif et édifiant sur la façon dont les pays, les États-Unis en particulier, mènent la lutte contre les trafics de drogue. Ainsi l’auteur nous apprend qu’une branche des Services Secrets (CIA) utilise, plutôt qu’elle ne combat, le commerce des stupéfiants pour mener sa propre guerre contre son ennemi obsessionnel : les gauchistes, les rouges. L’argent de la drogue sert à financer les Contras au Nicaragua ou à soutenir des tueurs d’extrême droite qui essaient de discréditer l’action des FARCS en Colombie. Des opérations occultes aux noms mystérieux : Cerbère, Red Mist, ont pour but d’empêcher l’arrivée au pouvoir de gouvernements dits gauchistes, en utilisant l’argent de la drogue. Les barbouzes ont leur propre conception de la démocratie : « Les gens doivent connaître la démocratie, simplement il ne leur en faut pas trop. Ils ont l’absolue liberté de choisir ce que nous voulons qu’ils choisissent. » L’église catholique n’est pas épargnée. À côté d’un évêque au grand cœur, vénéré par la population, il y a l’Opus Dei qui travaille en connivence avec les milices d’extrême droite et les cartels pour protéger les intérêts de quelques puissants personnages. Quant à l’ALENA (traité de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique) il rend encore plus facile la circulation de la drogue et des armes. Les affaires sont les affaires !

Les personnages sont nombreux et tous très intéressants. Outre Art Keller et la famille Barrera, il y a toute une galerie des personnages très variés que j’ai du mal à qualifier de secondaires tant ils ont de l’importance. Il y a notamment : – une call girl d’une grande beauté (Nora) – un tueur irlandais (Callan) – un évêque populaire (Parada) – un chef de station de la CIA pour toute l’Amérique centrale (Hobbs) – un barbouze des forces spéciales (Scachi) et quelques autres.

Il y a beaucoup de violence et de morts, c’est un livre dur. Le Mexique, où la corruption est partout, est un pays inquiétant mais les États-Unis ne sont guère plus rassurants avec leurs mercenaires obnubilés par le danger que représenterait les rouges. Mais il y a beaucoup d’amour aussi. Il y a même quelques scènes érotiques.

Ce livre est volumineux (827 pages dans cette édition), foisonnant et ambitieux. Ce n’est pas banal de trouver dans un même ouvrage un thriller haletant, un documentaire sur le trafic de drogue et un traité de géopolitique. C’est ce que réussit de façon magistrale Don Winslow dans La griffe du chien. Ce roman qui est devenu une référence et un livre culte.

Cette année est paru Cartel, la suite de La griffe du chien. Sa chronique suivra celle-ci.

Extrait :
Des milliards de dollars sous le couvert d’aides économiques, des milliards de dollars en argent de la dope.
Au Salvador, les brigades de la mort d’extrême droite assassinent les hommes politiques de gauche et les organisateurs syndicalistes. En 1989, sur le campus de l’université de Centre-Amérique à San Salvador, des officiers de l’armée salvadorienne ont abattu, au fusil à lunette, six prêtres jésuites, une bonne et sa petite fille. La même année, le gouvernement des États-Unis fournissait une aide se montant à un demi-milliard de dollars au gouvernement salvadorien. À la fin des années quatre-vingt, environ soixante-quinze mille personnes avaient été tuées.
Le Guatemala a doublé ce nombre.
Dans la longue guerre contre les rebelles marxistes, plus de cent cinquante mille personnes furent tuées et quarante mille portées disparues. On a abattu les gamins sans abri. Un hôtelier américain a été décapité. Une femme professeur d’université, poignardée dans le couloir du bâtiment où elle donnait ses cours. Une nonne américaine violée, assassinée et jetée sur les cadavres de ses compagnes. Tout ce temps, c’étaient des soldats américains qui assuraient l’entraînement, fournissaient conseils et matériel, y compris les hélicoptères destinés à conduire les tueurs sur les lieux de leurs tueries. À la fin des années quatre-vingt, le président américain George Bush fut tellement dégoûté par le carnage qu’il coupa les fonds et les livraisons d’armes aux militaires guatémaltèques.
Partout en Amérique centrale c’est la même chose – une longue guerre dans l’ombre entre possédants et non-possédants, entre extrême droite et marxistes, avec les libéraux pris entre deux feux comme des gibiers surpris par les phares.

Ma note : 4.8 out of 5 stars (4,8 / 5) lagriffeduchien-amb

 

 

 

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