Le couloir des ténèbres – Anne Perry

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2015 (Corridors of the night)
Date de publication française : 2015 (10/18)
Genres : Enquête, thriller et procès
Personnages principaux : William Monk, commandant de la brigade fluviale – Oliver Rathbone, avocat

Anne Perry continue de me faire plaisir, que ce soit avec les enquêtes du commissaire Pitt ou avec, comme ici, les aventures de William Monk et les plaidoiries de Rathbone. Les crimes commis sont toujours affreux, les enquêtes toujours palpitantes, les solutions toujours satisfaisantes. La psychologie des personnages, pertinente et importante, ne prend quand même pas toute la place. La composition du récit comprend, en général, deux parties distinctes, l’enquête et la cour, et procède selon l’art raffiné du suspense. Comme j’ai lu toute son œuvre, il m’est un peu difficile d’imaginer comment un nouveau lecteur peut apprécier un de ses romans.

Le couloir des ténèbres nous accroche dès le départ : Londres 1870, une fillette en chemise de nuit semble perdue dans une annexe de l’hôpital naval de Greenwich. C’est la nuit, l’hôpital semble désert, règne un silence inquiétant. La fillette tombe sur Hester, épouse de Monk et infirmière expérimentée. La nuit sera longue : Hester s’occupera de trois enfants, plus ou moins dissimulés dans un racoin de l’hôpital, et apparemment voués à la mort.

De son côté, Monk et ses hommes livrent un combat à des trafiquants d’armes, dont les conséquences laisseront des marques.

Puis, Hester et les enfants disparaissent. Comme les policiers de la brigade fluviale sont passablement occupés, Monk acceptera l’aide du louche Squeaky Robinson, de Scuff (son fils adoptif), du petit Worm, et du policier convalescent Hooper. Un seul indice : le fait que le riche Radnor que soignait Hamilton Rand, et sa fille Adrienne, sont également disparus. Le lecteur sait qu’il s’agit d’une course contre la montre, puisque Hester est vouée à la mort, que Radnor survive ou pas.

Deux procès s’en suivront, à l’issue douteuse. Des rebondissements bien ménagés nous tiendront en haleine. Il ne suffit pas de se douter de l’identité du coupable, mais il importe surtout de savoir comment la justice en viendra à bout.

Rien de trop compliqué, mais c’est arrangé avec un grand talent. L’occasion est belle de développer un peu les personnages de Scuff, de Squeaky, de Worm et des policiers Hooper et Laker. On suit aussi avec sympathie la reprise en main professionnelle et personnelle d’Oliver Rathbone, qui revient de loin. Perry observe les gens avec subtilité et la dimension philosophique du problème dominant est bien exploitée : pour faire progresser la médecine, les expérimentations sur les humains peuvent aller jusqu’où ? Plus crûment : pour sauver des centaines d’êtres humains, on peut en sacrifier combien ?

Anne Perry réussit, une fois de plus, un très bel équilibre entre les facettes sociologiques, psychologiques et philosophiques du récit, sans jamais sacrifier l’intrigue proprement policière.

Extrait :
− Mr. Radnor ! dit-elle d’un ton sec. Appuyez-vous sur moi et laissez Adrienne ouvrir la porte.
Il pivota à demi vers elle, furibond. Il avait plus de force qu’elle ne s’y attendait.
− Vous imaginez-vous que vous allez entrer et me regarder me soulager ?
− Quelqu’un doit tenir votre chemise de nuit, rétorqua-t-elle. Si vous essayez, vous allez tomber. Vous risquez même de passer la nuit par terre, ou pire encore, de vous fracturer la hanche. Ou les deux.
Adrienne étouffa un sanglot, décochant à Hester un regard où l’aversion se mêlait au désespoir.
− Je vais vous aider, chuchota-t-elle à son père, avant de s’adresser à Hester : Allez-vous en. Vous ne lui laissez aucune dignité. Comment pouvez-vous être aussi … cruelle ?
Hester perdit patience, exaspérée par l’étrange relation faite d’amour, de haine et de dépendance qui semblait être la leur.
− Il n’y a pas de honte à être humain, rétorqua-t-elle d’un ton sec. Nous naissons tous nus et hurlants. Nous fonctionnons tous plus ou moins de la même manière. Nous avons tous besoin les uns des autres de temps en temps. Personne ne vous prend votre dignité. Soit vous la conservez, soit vous y renoncez en vous comportant comme un sot.
Elle se tourna vers Radnor.
− Vous n’êtes pas différent d’un autre. Pour l’amour du Ciel, cessez de faire toute cette comédie pour un simple besoin naturel. Personne ne s’en soucie !

Ma note : 4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

 

 

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