Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2016 (Il Maestro delle Ombre)
Date de publication française : 2017 (Calmann-Lévy)
Genre : Thriller
Personnages principaux : Markus, pénitencier – Sandra, policière
L’auteur italien Donato Carrisi poursuit sur une poussée qui a commencé avec son premier roman, Le Chuchoteur en 2010. La fille dans le brouillard en 2016 fut adaptée au cinéma avec Jean Reno. Tenebra Roma est son dernier-né.
Après plusieurs jours de pluies et de vents intenses, une des quatre centrales électriques de la ville de Rome est détruite. Pour empêcher la situation de se détériorer davantage, les autorités décrètent un black-out de 24 heures, le temps de procéder à des réparations majeures.
D’un côté, la police est sur les dents, parce qu’on sait bien que bon nombre de détraqués n’attendent qu’un moment comme celui-là pour se défouler.
D’un autre côté, la cardinal Erriaga a confié au pénitencier1 Markus la tâche de retrouver un enfant disparu neuf ans plus tôt, Tobia Frai. Puis, il le charge de faire le ménage dans l’appartement de l’évêque Garda, un saint homme sauvagement assassiné, qui a des secrets qui doivent le rester. La policière Sandra se joint à l’enquête de Markus. Bientôt, une série de tortures et de meurtres est mise à jour : un fabricant de jouets ambigus, un Alchimiste redoutable, un commissaire de police pourtant bien sympathique, et un pauvre hère qui s’avère être le kidnappeur de Tobia. Derrière ces cadavres se profile le Maître des Ombres, meneur de jeu impitoyable.
La situation est aggravée du fait que le Tibre déborde, envahissant la ville et ses souterrains. Ce qui n’empêche pas une partie de la ville de flamber. Le lecteur subit ce méli-mélo grâce au style de composition de Carrisi, qui nous bouscule dans l’espace et dans le temps. Et multiplie les rebondissements. Et puis, nous ne pouvons pas rester insensibles devant la destruction d’une partie de cette ville-musée magnifique. Il semble bien que la tâche de Sandra et de Markus soit une mission impossible.
Les personnages sont intrigants plus que sympathiques : Markus a un petit côté mystique dépaysant; Sandra est une femme à la sexualité originale et au tempérament imprévisible; Vitali est un beau salaud efficace. Ce n’est pas cet aspect du roman qui nous y attache. Plutôt l’ensemble des problèmes rencontrés qui exigent des réponses pour que notre esprit puisse enfin se reposer.
C’est ici que le défi est énorme. Carrisi multiplie les problèmes, mais aussi les dimensions : l’enlèvement de Tobias, les tortures terribles et mystérieuses, les victimes exécutées selon un rite plus ou moins religieux, les objectifs cachés de Vitali, l’amnésie de Markus, le double-jeu de Crespi, le destin de Matilde, et que vient faire Van Buren là-dedans, ce tueur en série sadique, gardé par les religieuses depuis une vingtaine d’années ? Et qui est donc le Maître des Ombres ?
Tous ces problèmes m’ont intrigué, mais je ne suis pas certain que Carrisi les ait solutionnés rigoureusement. Markus et Sandra ont souvent des intuitions surprenantes et ils se tirent de situations inextricables, sinon par magie, du moins avec beaucoup de chance. Vitali a un sens de l’orientation surprenant : on dirait qu’il a implanté des puces dans nos deux enquêteurs pour pouvoir les suivre. L’histoire de l’Alchimiste est plutôt bizarre. Quant à la solution des meurtres et du rôle de Van Buren, il faut beaucoup de bonne volonté pour les accepter.
C’est pourquoi je suis resté un peu sur ma faim. Mais peut-être que le puzzle était un peu trop fort pour moi.
1 Un pénitencier est un prêtre qui fait partie de la garde rapprochée du Saint-Siège et qui se spécialise dans des missions périlleuses dans le but de sauvegarder, par tous les moyens, la réputation et la sécurité de l’Église.
Extrait :
Battista Erriaga se tenait debout devant la grande baie vitrée de son luxueux appartement du dernier étage avec vue sur les Forums Impériaux (…)
Sa journée avait commencé très tôt, de la pire des façons.
Et dire que la veille au soir, après avoir écouté les prévisions météo, il avait prévu de profiter de la tempête bien au chaud chez lui, calé dans son fauteuil préféré en compagnie de Mozart, d’une boîte de Montecristo No 2 et d’une bouteille de Glenfiddich Rare Collection 1937 (…L’Avocat du diable du Tribunal des âmes possédait un pouvoir énorme.
Le « premier confesseur » de Rome connaissait les péchés les plus secrets des hommes, et il s’en servait pour conclure des pactes et calmer ses ennemis, au sein ou hors de l’Église. On aurait pu appeler « chantage » ses banals avertissements, mais Erriaga aimait se voir comme un bon père de famille, parfois appelé à remettre ses enfants dans le droit chemin.
Niveau de satisfaction :
(3,8 / 5)