Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2019 – Livresque éditions
Genres : Enquête, Thriller
Personnages principaux : Agathe Leroy, caissière de supermarché, gagnante d’un séjour au White Mountain Resort Hotel
Ils sont sept à se retrouver au White Mountain Resort Hotel & Spa. Ils ne se connaissent pas. Ils sont venus pour des raisons différentes : parce qu’elle a gagné un séjour, un autre pour se ressourcer, un autre pour un séminaire, ou encore pour travailler. Le lieu est paradisiaque, en pleine montagne des Alpes à 2500 mètres d’altitude : un endroit où la technologie et le confort sont au service de la nature. Un lieu unique au profit d’un panorama à couper le souffle, affirment ses promoteurs. Mais arrivés sur place les invités ne trouvent qu’un hôtel vide, silencieux et angoissant. La vue panoramique se réduit à un brouillard dense, il n’y a pas de réseau téléphonique, les portes sont verrouillées et les clients commencent à mourir de mort violente les uns après les autres. Agathe Leroy, dernière survivante, se réveille, sans transition, dans une chambre d’hôpital, ne comprenant pas comment elle est arrivée là.
L’intrigue démarre comme une reprise du scénario des Dix petits nègres d’Agatha Christie avant de bifurquer, dans une deuxième partie, vers une direction complètement différente qui permet à Jean-Sébastien Pouchard d’aborder un thème qui lui tient à cœur me semble-t-il : celui des E.M.I, les Expériences de Mort Imminente, dans lesquelles les personnes se trouvent en état de mort clinique alors que leur cerveau enregistre une intense activité, avant finalement de se réveiller. Dans la dernière partie, l’auteur aborde encore un troisième thème : Le R.E.S.E.T , un concept qui fusionne les techniques des jeux vidéos et la lecture sur liseuse électronique. Il permettrait au lecteur de visionner les images, que lui-même crée dans son cerveau, dans des lunettes de réalité virtuelle. Ce n’est pas évident de bâtir une intrigue solide en rassemblant des thèmes aussi différents que le huis-clos, les E.M.I et le R.E.S.E.T. La difficulté apparaît bien dans ce roman. Peut être valait-il mieux se concentrer sur une seule idée et la traiter à fond plutôt que de survoler des sujets, certes intéressants, mais qui n’ont pas assez de zones de recouvrement pour élaborer une histoire cohérente.
Du coup les personnages ne sont que grossièrement définis. Ils manquent de crédibilité, particulièrement celui d’Agathe. Comment admettre sans broncher que la petite caissière de supermarché se transforme instantanément en enquêtrice convaincante et tenace. Qu’elle tienne la dragée haute à deux vieux loups de l’édition et du journalisme. Qu’elle arrive facilement à les persuader de l’aider dans son enquête, qu’elle les bouscule, qu’elle impose ses conditions, suscitant même leur l’admiration. On a du mal a y croire, d’autant plus que son seul argument est se mettre en rogne quand ces vieux briscards ne lui donnent pas satisfaction.
On sent que l’auteur a essayé de partager des sujets qui le passionnent mais sans réussir totalement à créer une œuvre homogène. Ce R.E.S.E.T donnera satisfaction à tout lecteur qui cherche un bon divertissement. Il laissera probablement sur sa fin le lecteur exigeant qui s’attache à la complexité et la crédibilité de personnages évoluant dans une intrigue bien élaborée.
Extrait :
— Je vois. Le coup du complot, répondit l’éditeur en mimant des guillemets. Même si votre coup de fil m’a fortement intrigué, vous avez intérêt à mettre le paquet pour que je reste ici, Mademoiselle Leroy. Sachez que j’ai chamboulé mon agenda pour venir et croyez-moi, me rencontrer n’est pas chose si aisée.
— Agathe, s’il vous plaît !
Marc Gautier devint pressant.
— Au téléphone vous avez dit que Sylvain avait été assassiné. Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que cet accident n’en est pas un ?
Le cafetier déposa la tasse d’arabica et l’éditeur baissa d’un ton devant le serveur intrigué. Inutile de colporter de fausses rumeurs durant les discussions de comptoir.
— Croyez-moi ! Tout ceci n’est que poudre aux yeux, un spectacle monté de toutes pièces pour des spectateurs très peu regardants, reprit Agathe.
— C’est peut-être parce qu’il n’y a rien à regarder justement. Vous avez chuté de soixante mètres et vous êtes vivante. Vous êtes sous le coup d’un violent trauma et vous culpabilisez d’être encore en vie. Alors vous refusez d’admettre ce qui pourtant est une évidence.
— Ne jouez pas les putain de psys avec moi ! Je ne sais pas pourquoi j’ai cru que vous pourriez m’aider. Qu’est-ce que je peux être conne.
Agathe se leva subitement pour abandonner l’incrédule éditeur. Dans son élan, son plâtre se cogna sur le pied de la table et elle échappa un cri aigu de douleur.
— Rasseyez-vous ! Je viens de m’infuser sept heures de train alors vous n’allez pas me laisser en carafe maintenant, répondit sèchement Marc Gautier en retenant le bras d’Agathe contre sa volonté. Je vous promets de vous écouter jusqu’au bout, d’accord ?
Niveau de satisfaction :
(3,5 / 5)