Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2018 (The Gods of Howl Mountain)
Date de publication française : 2019 – Albin Michel
Traduction : Laurent Boscq
Genre : Roman noir
Personnages principaux : Rory Docherty, trafiquant d’alcool – Maybelline (Ma) Docherty, sa grand-mère, guérisseuse
1952 dans Howl Mountain, Caroline du Nord.
Rory Docherty est un ancien combattant de la guerre de Corée. Il en est revenu avec une jambe en moins. Il vit chez sa grand-mère, Maybelline (dite Ma), depuis que sa mère a été internée en hôpital psychiatrique après avoir a été agressée par trois hommes cagoulés. Son amant a été tué, elle n’a plus prononcé le moindre mot à partir de ce moment.
Au pied de Howl Mountain, se trouve la nouvelle vallée avec son usine de textile. L’ancienne vallée avait été inondée vingt ans plus tôt pour produire de l’électricité. Ceux qui ne travaillent pas à l’usine, restent dans la montagne et n’ont qu’une ressource : le trafic du bourbon. Ce n’est pas de tout repos : les agents fédéraux veillent, les shérifs ont un rôle trouble et la concurrence est âpre. Rory, et bien d’autres, gagnent leur vie en livrant l’alcool clandestin au volant de voitures au moteur gonflé pour mieux échapper aux poursuivants.
L’auteur nous restitue une belle ambiance de ce coin de la Caroline du Nord. Il y a à la fois:
– de la poésie dans la description de la nature à la fois rude et luxuriante; dans la recherche des plantes médicinales dont se sert Ma pour soigner toutes sortes de maux; dans le grand châtaignier solitaire dont les bouteilles multicolores attachées par des ficelles à ses branches emprisonnent les démons et protègent les humains
– de la sauvagerie lors des courses de voitures illégales où des hommes mettent en jeu leur vie dans des bolides aux moteurs surpuissants
– de la folie dans les célébrations d’offices religieux où les participants entrent en transe et où les pasteurs manipulent à main nues des crotales au venin mortel.
L’écriture, ample et lyrique, sert parfaitement bien la création de cette ambiance particulière.
Les personnages ne sont pas en reste. Rory est revenu de guerre estropié mais il se débrouille parfaitement bien avec sa prothèse de jambe, surtout quand il est au volant de la Maybelline, un coupé Ford repeint en noir, auquel on a donné le nom de la grand-mère, son moteur a été modifié pour accroître sa puissance. Un vrai boulet de canon ! Les agents fédéraux peuvent s’accrocher ! Mais Rory a d’autres problèmes : c’est d’abord sa mère : elle dessine merveilleusement bien, surtout des oiseaux mais elle est devenue complètement muette suite à son agression au cours de laquelle elle a réussi à éborgner un de ses agresseurs. Rory garde l’espoir qu’elle retrouve la parole et qu’elle raconte. Il y a aussi la troublante Christine, la fille du pasteur, aux yeux verts émeraude. Rory en est follement amoureux. Ma, la grand-mère, est une femme imposante. C’est une sorcière qui a des remèdes pour tout. Tout le monde vient la consulter, plus ou moins ouvertement. Ma a beaucoup d’expérience et de connaissances, elle ne refuse jamais son assistance mais il ne faut pas trahir sa confiance. Sinon c’est très risqué !
Une ambiance superbement restituée, des personnages forts et attachants, une écriture remarquable, sont les composants de cet excellent roman noir.
Extrait :
Ils creusèrent ensemble, sans rien dire. La buée qui s’échappait de leurs lèvres matérialisait les rayons de lumière oblique qui transperçaient les arbres. Rory avait dû laisser sa béquille de côté et prenait appui sur le bord de la fosse pour garder l’équilibre. Ma était au fond, avec ses hautes bottes d’homme, les bras couverts de boue. Ils descendirent le linceul en silence et sans cérémonie, puis le firent disparaître sous des pelletées de terre noire. Howl Mountain ferait le reste pour l’un des siens. Elle le reprendrait, et les racines des grands arbres enfonceraient ses ossements de plus en plus profondément dans l’humus, l’attirant vers son cœur de pierre.
Niveau de satisfaction :
(4,2 / 5)