Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2009 (Morte a Firenze)
Date de publication française : 2017
(Ed. Philippe Rey, 10/18)
Traduction : Nathalie Bauer
Genre : Enquête
Personnage principal : Commissaire Bordelli
C’est mon troisième Vichi, plus copieux que les deux premiers, ce qui donne l’occasion à l’auteur de décrire davantage le caractère du commissaire Bordelli et des ses amis : son assistant Piras, le légiste Diotivede, le chef Toto, et Botta, l’Arsène Lupin italien selon ses dires : « J’applique une politique de redistribution de la richesse dans l’attente de lois plus justes ».
Un jeune enfant de 13 ans, Giacomo, est disparu depuis 3 jours, et on le retrouvera quelques jours plus tard, assassiné et violé par au moins trois personnes. Bordelli en fait presqu’une dépression, d’autant plus qu’on trouve très peu d’indices, que les forces de l’ordre se contentent de surveiller au hasard quelques suspects, et surtout que Florence connaît la pire inondation de son existence : les communications sont coupées, la circulation interrompue, les commerces dévastés, le sous-sol où habite Botta est ravagé et Rosa ne peut plus sortir de chez elle.
Comme l’enquête est pratiquement interrompue par la force des choses, Bordelli se contente de faire du bénévolat pour déblayer les rues et nourrir les habitants, et il ressasse de vieux souvenirs de guerre. Ses relations sentimentales ne s’améliorent pas et, en désespoir de cause, il mise un peu sur les prévisions d’une voyante ! Il déteste de plus en plus la majorité de ses compatriotes en qui il voit des disciples de Mussolini et de ses successeurs.
Il y a sans doute beaucoup de choses dans cette brique, qui finit par ne plus tellement ressembler à un roman policier. Reportage très documenté sur l’inondation historique de Florence de 1966 ( https://youtu.be/p8lZYQwLHQ0 ), regard impitoyable sur la société et la bourgeoisie italiennes, et description détaillée d’un commissaire rongé par la solitude qui passe de la nostalgie à une mélancolie qui le rend pénible dans ses relations et inefficace dans son travail. On veut bien que tout policier n’ait pas l’intelligence de Poirot ou les muscles de James Bond mais, pour s’attacher à lui, il faut qu’il sorte un peu de la banalité quotidienne. La critique brutale de la société italienne, celle des années 60 comme celle d’aujourd’hui, est sans doute méritée, mais est exécutée ici sans la finesse d’un Camilleri : certains passages ressemblent plutôt aux imprécations qu’on trouve dans un tract. Ça manque aussi de rythme et de couleurs, contrairement à ce qu’on trouvait dans les deux premières enquêtes de Bordelli. Enfin, à mon sens, la fin est ratée, comme si l’auteur ne savait plus trop comment s’en sortir.
Ce roman a remporté le prix Scerbanenco, « la plus haute récompense du polar italien » (2009), selon la quatrième de couverture. Probablement un mauvais millésime !
Au moins, Rosa n’appelle plus Bordelli « mon gros singe »; elle se contente maintenant de « mon gorille ».
Extrait :
Encore à moitié endormi, il tendit la main à la recherche du corps chaud d’Elvira, puis, au contact du lin rêche, se rappela qu’elle était partie. Il s’allongea sur le dos et se mit à scruter l’obscurité. Une autre femme était entrée dans sa vie et en était sortie à toute allure, tel un projectile qui transperce la chair. Sa femme idéale naîtrait peut-être dans cent ans ou était déjà née, avait déjà vécu et était déjà morte. En tous les cas, il ne la rencontrerait pas.
Chaque fois qu’il retournait à sa solitude, un nouveau monde se présentait à lui. Cela équivalait un peu à renaître, et un sentiment de liberté se répandait sous son mal-être…
Quelle heure pouvait-il bien être ? Pas la moindre lueur ne filtrait à travers les volets. Il était épuisé. Les chances de retrouver le petit Giacomo vivant s’amenuisaient de plus en plus. L’enfant s’était évanoui dans le néant cinq jours plus tôt. Tout juste treize ans, cheveux châtains, yeux marron, un mètre quarante-sept. Un gosse tranquille, appliqué, obéissant.
Niveau de satisfaction :
(3,4 / 5)