Et toujours les Forêts – Sandrine Collette

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2020 –
Éditions de l’Épée
Genres : Science-Fiction, Post apocalypse
Personnage principal : Corentin, enfant abandonné et survivant d’un cataclysme mondial

Une vie qui commençait comme ça ne pouvait donner rien de bon. C’est ainsi qu’est perçue l’existence de Corentin, avant même qu’il vienne au monde. Sa mère, Marie, avait été enfermée six mois dans une chambre aux volets clos dès qu’on avait appris qu’elle était enceinte. Les vieilles l’avaient ensuite chassée de la maison, en pleine nuit noire au milieu de la forêt. Le petit était né mais sa mère le détestait et cherchait à s’en débarrasser. Ce qu’elle fit en l’envoyant, comme un vulgaire paquet, chez son arrière-grand-mère, Augustine. La vieille femme élève alors le garçon dans l’affection. Il suit des études, se fait des amis qu’il rejoint souvent dans des catacombes pour des nuits festives avec filles, alcool, drogues, tout en refaisant le monde dans des discussions exaltées. Cette période d’insouciance dure jusqu’à ce que survienne la fin du monde. On ne sait pas comment c’est arrivé, mais la réalité est là : tout a été détruit, dévasté, brûlé. Il y a de rares survivants. Corentin se retrouve seul au milieu du chaos. N’ayant personne d’autre vers qui aller, il décide de faire à pied le long voyage qui mène aux Forêts pour éventuellement rejoindre Augustine, en espérant qu’elle vive encore. Une nouvelle vie, ou plutôt une survie, commence dans un monde totalement ravagé.

L’intrigue commence à se dérouler comme la chronique d’un enfant malheureux, non désiré, mal né, mal aimé, pour brusquement basculer dans le genre post apocalyptique. Dans les deux parties, il y a une constante : la lutte pour la survie de Corentin. Le monde était dur pour lui avant la catastrophe : une mère qui ne l’aimait pas, les placements en foyers d’accueil, la solitude mais il l’est encore plus quand tout s’est écroulé, que toute civilisation a disparu et qu’il est seul au milieu de la désolation. L’avenir envisageable se limite aux quelques heures qui suivent. Le danger est permanent. Les moments de découragement et d’espoir se succèdent, mais la vie continue vaille que vaille.

Les romans post apocalyptique sont légion en cette période tourmentée mais celui-ci n’a pas pour objet de nous montrer comment et pourquoi nous en sommes arrivés au désastre. C’est seulement un cadre qui permet de mettre en évidence des personnages symboles de la résilience humaine. D’ailleurs l’auteure appelle le cataclysme la chose, sans s’attarder davantage sur sa nature et sa cause.

C’est quand tout a été détruit, qu’il ne subsiste que peu de traces de l’ancien monde, qu’il faut tout recommencer à zéro dans des conditions terribles, que la valeur de la vie est décuplée. C’est quand on peut la perdre à tout moment, qu’elle prend toute sa valeur. L’instinct de survie, le courage, la persévérance sont des qualités humaines qui sont d’autant mieux mises en évidence qu’autour le monde est dangereux et hostile. Ce roman post apocalyptique est finalement un hymne à la vie.

Avec une écriture sobre et percutante, l’auteure alterne avec bonheur les passages âpres et noirs et ceux qui sont poétiques et chargés d’optimisme.

Sandrine Collette réussit la performance de nous montrer la permanence et la beauté de la vie dans un monde détruit devenu sombre et dangereux. C’est un recentrage sur les éléments essentiels de la vie humaine. Un roman magnifique.

Extrait :
Il serait celui qui tient les autres, et que personne ne tient jamais. Celui qui donne la main – pas celui qui la prend. Celui qui enveloppe, qui rassure, qui fait face, alors même qu’il crève de peur, de froid et de fatigue, celui sur lequel on compte et qui compte les heures qui le séparent du soir et les jours qui le séparent de la mort, là où l’on s’arrête, où l’on se repose enfin, oubliant qu’il faut mentir et être fort, et grand, et increvable.
Il serait tout cela – il fallait juste s’y habituer, se faire à l’idée.
Il le serait, il était revenu pour ça.
Il allait retrouver l’élan.
Il allait dompter la conviction qu’aucune raison, aucune urgence ne pouvait surmonter cette faiblesse inouïe qui l’avait pris en étau.

Il marcha jusqu’à la nuit. De loin, il avait reconnu la silhouette d’une aire d’autoroute.

Niveau de satisfaction :
4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

 

 

 

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