Octobre – Søren Sveistrup

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2018 (Kastanjemanden)
Date de publication française : 2019 (Albin Michel)
Traduction : Caroline Berg
Genres : Thriller, enquête
Personnages principaux : Naia Thulin (police de Copenhague) et Mark Hess (Europol)

Au Danemark, Sveistrup est surtout connu comme scénariste de séries télévisées, des thrillers, comme celle qui a été traduite en anglais et en français, The Killing (titre français et anglais de la série américaine, adaptée de la série danoise Forbrydelsen). Octobre est son premier roman et, je l’espère, pas son dernier.

Ça commence raide : 31 octobre 1989, une famille est massacrée à la hache et au fusil, y compris le policier qui les découvre, peut-être par un petit garçon de 10 ou 11 ans. Le lecteur craint s’être aventuré dans une roman gore mais, à part quelques mains et un pied coupés, ça n’a rien à voir. Tout tourne, au contraire, autour de la jeune inspectrice de la brigade criminelle de Copenhague, Naia Thulin, et de l’inspecteur d’Europol Mark Hess qu’on a expédié dans la capitale danoise pour s’en débarrasser. Ce qui ne fait l’affaire de personne. Surtout pas de Naia, habituée à travailler seule et qui est chargée de le tenir en laisse.

Un étrange meurtre survient qui monopolisera leur attention : une jeune femme de 37 ans, Laura Kjaer, est sauvagement assassinée à l’extérieur de chez elle; la main droite a été coupée. Le légiste et spécialiste en scène de crime, Simon Genz, guide Hess et Thulin et leur montre le seul indice qu’on a découvert à côté du cadavre : un petit bonhomme fait de marrons et d’allumettes est accroché par une ficelle à la solive de la véranda. L’enquête suit son cours, on interroge le conjoint de Laura, Hans Henrik Hauge, qui sera longtemps suspecté. Puis, éclate un coup de tonnerre : sur un des deux marrons, on découvre l’empreinte digitale de Kristine Hartung, la fille de la ministre des Affaires sociales, qui a été enlevée et supposément tuée il y a un an, par Linus Bekker, un récidiviste (viol), schizophrène paranoïde, qui a avoué le meurtre et chez qui on a retrouvé une machette maculée du sang de Kristine.

Rosa Hartung est persuadée que sa fille est morte et ne voit aucune explication à son empreinte sur le petit bonhomme. On s’efforce de comprendre cette étrange situation, mais Thulin et Hess sont soudain confrontés à un nouveau meurtre, celui d’Anne Sejer-Lassen, suspendue à une haie, amputée des deux mains, un petit bonhomme en marrons planté dans l’épaule gauche, et qui porte aussi l’empreinte de Kristine.

Des lettres anonymes avaient dénoncé le mauvais traitement que Laura et Anne auraient infligé à leurs enfants. La ministre Rosa Hartung est aussi harcelée. Quel lien y aurait-il entre ces trois affaires ? Et entre ces affaires et le carnage commis il y a 30 ans ? Hess, qui veut rouvrir l’enquête sur la mort de Kristine, passe pour un fou et le patron de Thulin, Nylander, qui subit des pressions de partout, menace de la suspendre, et elle sent bien que son passage au NC3 (National Cyber Crime Centre) risque d’être bloqué. Bref, ça va mal. Et ça sera encore pire quand la ministre se retrouvera en mauvaise posture sur une table d’opération, Naia prisonnière dans le coffre d’une voiture et Mark ligoté dans une maison en flammes.

C’est une brique de 640 pages qui se lit en 3 jours de confinement, si on prend le temps de manger et de dormir. Je n’aime pas l’expression page-turner; disons donc que c’est un roman haletant, captivant, fascinant. Des chapitres de 4 à 6 pages qui rythment un récit qui, de lieux en lieux, de personnages en personnages, se déroule à fond de train. Les inspecteurs ne sont ni héroïques ni super intelligents, mais ils sont coriaces; mal assortis au départ, ils finissent par constituer un duo redoutable. Le tueur (ou la tueuse) a toujours un pas d’avance sur eux, mais on espère que l’intelligence (démoniaque, bien sûr) de l’un(e) sera mise en échec par le courage des deux autres. La dimension politique est présente en arrière-fond et l’aspect familial des agents et des victimes contribue au réalisme de l’enquête. C’est parce qu’on y croit qu’on ne peut plus interrompre la fuite en avant de l’histoire. Et qu’on fonce, tête la première, dans les pièges si habilement conçus par l’auteur.

Extrait :
Thulin balance les faisceaux de sa lampe torche sur les arbres mouillés, les souches et les branches. Elle appelle la femme dans le noir. Loin devant elle, sur la gauche, elle entend Hess qui fait la même chose et elle aperçoit la lumière mouvante de sa lampe qui progresse rapidement. Ils ont couru longtemps, plusieurs kilomètres, et Thulin veut appeler de nouveau, mais au même instant, une douleur fulgurante à un pied la projette au sol. L’obscurité se referme sur elle. Elle cherche, fébrile, sa lampe de poche qui a dû s’éteindre. Elle se met à genoux, fouille les tas de feuilles humides. Soudain, elle a l’impression d’apercevoir une silhouette et elle se fige. L’individu est immobile et il la regarde depuis l’autre côté d’une petite clairière. Il est à peine à 20 mètres et se confond avec l’obscurité.
« Hess ! »
Son cri résonne dans la forêt, elle sort son pistolet de son holster, tandis que Hess court vers elle, sa torche allumée. Quand il la rejoint, elle tient son arme braquée vers la silhouette et Hess, essoufflé, éclaire la nuit dans la même direction.
Anne Sejer-Lassen est accrochée à une haie. Deux branches passent sous ses aisselles et maintiennent debout son corps martyrisé. Ses pieds nus se balancent au-dessus du sol, elle a la tête affaissée sur la poitrine et ses longs cheveux lui recouvrent le visage. Quelque chose lui semble bizarre. En s’approchant, Thulin comprend ce qui la trouble. Les bras d’Anne Sejer-Lassen sont trop courts. Ses deux mains ont disparu. Et c’est alors qu’elle remarque le petit bonhomme en marrons planté dans l’épaule gauche d’Anne Sejer-Lassen. Thulin a l’impression qu’il sourit.

Châtaignier

Niveau de satisfaction :
4.7 out of 5 stars (4,7 / 5)
Coup de cœur

 

 

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2 réponses à Octobre – Søren Sveistrup

  1. michel dufour dit :

    Pas très fort sur les séries moi non plus, mais je fais une exception pour les séries danoises: une écrivaine danoise expliquait que, comme leur budget ne leur permettait pas de faire de grands films, les réalisateurs se spécialisent dans les séries télévisées, et j’en ai vu plusieurs très bien faites. Leurs romans sont aussi souvent très bons, mais peu traduits, et pas très bien distribués, en tout cas au Québec. Avec Octobre, vous ne devriez pas vous ennuyer.
    Michel

  2. Ingannmic dit :

    Je ne connais pas The killing, étant allergique aux séries, mais il me faut ce titre, en revanche !
    (c’était ma minute « commentaires indigents »…)

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