Par Michel Dufour
Date de publication originale :
2022 (Fides)
Genre : Enquête
Personnages principaux : Bonneau et Lamouche
Il n’y a pas longtemps, j’ai rendu compte du Silence des pélicans, le premier roman de Blanchard. Vient de paraître son deuxième, Les os de la méduse. Même genre de roman détendu avec les policiers Bonneau et Lamouche. Un Bonneau toujours gaffeur et malappris mais moins surréaliste et un Lamouche omniprésent et toujours intelligent. L’intrigue me semble aussi plus resserrée, même si elle n’était pas secondaire dans le roman précédent. Bref, toujours aussi plaisant mais un peu plus exigeant si le lecteur s’efforce de tenir tous les bouts de la chaîne.
Au centre de l’intrigue, un luxueux manoir sur Redpath Crescent, résidence cossue du comte de Clairvaux sur le flanc du Mont-Royal. Manoir luxueux richement meublé et parfaitement entretenu, sauf pour ce qui est de ce cadavre décharné assis au fond d’un placard. Pas facile de grimper un cadavre à l’étage ! Le manoir ne compte que quatre habitués, y compris le comte : Berthe, la domestique et cuisinière, qui s’occupe du comte depuis qu’il est jeune, Henri le majordome, et Ludovic Calvez le secrétaire du comte, qui était en voyage quand le cadavre a été installé dans le placard de son bureau. Seule autre piste assez vague : une silhouette fantomatique saisie par une caméra de surveillance.
En visitant/fouillant la maison, Lamouche a été particulièrement frappé par un énorme tableau qui occupait tout un mur : Le radeau de la Méduse. Pourquoi un tel tableau plutôt macabre au centre d’une salle aménagée spécialement pour le recevoir ? Le tableau disparaîtra au cours de l’enquête pour être restauré, selon le comte. Lamouche apprendra que ce tableau, reproduction de Delacroix à partir de l’œuvre de Géricault (exposée au Louvre), représente la déchéance et la mort d’un grand nombre de combattants (guerre de Vendée et guerre des Chouans) qui souhaitaient rétablir la monarchie en France. Abandonnés par Deroy Chaumareys, soupçonné de s’être emparé d’un trésor envoyé par les Anglais pour soutenir les troupes. Y aurait-il un lien entre l’or et le tableau ?
Par ailleurs, qui s’amuse à cacher des mains dans des boîtes à lettres et des cages à oiseaux? Œuvre d’une infirmière, croit-on. Rapport entre cette pseudo-infirmière et celle qui est disparue il y a plusieurs années ?
Enfin, Jean-Charles Labrecque de la Galerie Labrecque est-il vraiment disparu ? Quel est son intérêt pour Béatrice Morel, organisatrice de plusieurs expositions pour le Cercle ? Que connaissent également le comte et son secrétaire. Et qui était vraisemblablement enceinte.
Toutes ces questions recevront évidemment des réponses cohérentes. L’intrigue est complexe et animée par un bon nombre de personnages. Peut-être pour détendre l’atmosphère, le personnage de Lamouche gagne en profondeur : on le suit chez lui, puis chez son ami Guy au resto de la rue St-Denis; toujours réticent à fréquenter des groupes et insatisfait dans ses relations plus intimes avec Carmina. Habile dans sa fréquentation de Bonneau qu’il sait flatter dans le sens du poil, ce qui lui permet de faire ce qu’il veut. Son côté sympathique vient aussi de sa valorisation de l’amitié : il n’hésite pas à partager avec son ami des tripes de Pont-l’Abbé, du pâté de foie du Périgord, de superbes fromages, accompagnés de Montrachet, de Pétrus et du Château d’Yquem, don du Président de la France à Bonneau, qui a échangé ça à Lamouche contre une bonne pizza Spéciale Bonneau !
Bref, Blanchard s’est taillé une place bien à lui dans la production des polars québécois.
Et la maison Fides semble commencer solidement une agréable série de romans policiers.
Extrait :
– Dites-moi, monsieur de Clairvaux : ce tableau occupe un emplacement privilégié dans la maison… Pourquoi a-t-il une telle importance pour vous ?
– C’est mon grand-père qui a fait construire cette maison et demandé à l’architecte d’aménager une alcôve pour mettre en valeur le tableau. Il y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Il aimait dire qu’il s’agissait du véritable joyau de la famille (…) Ce tableau fait partie du patrimoine de la famille, et de son histoire… Certains pensent qu’il cacherait les secrets d’un trésor, mais je n’en crois rien. Sa véritable valeur réside dans la symbolique du sujet… On ne peut s’empêcher d’admirer l’instinct de survie et l’espoir qui habite ces hommes à moitié morts. Voyez-vous, ma famille a toujours soutenu la monarchie. Elle l’a fait pendant la Révolution française, et n’a jamais baissé les bras depuis! Avec le chaos qui régnait en France à la fin de la Deuxième Guerre, plusieurs d’entre nous espéraient remettre un Bourbon sur le trône, mais ce diable de général de Gaulle est venu contrecarrer nos plans !
Niveau de satisfaction :
(4,1 / 5)