Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2023 – Albin Michel
Genre : Roman noir
Personnages principaux : Les familles Polara et Wasner
Dans un village tranquille de la France profonde, les habitants découvrent au petit matin une ligne blanche qui traverse la commune. Après la stupeur, les questions : Pourquoi ? Quelle signification ? Qui l’a tracée? Peu de temps après arrive un étranger qui prend pension dans le seul bar de la ville. C’est un représentant de l’État dépêché sur place pour observer la bonne application de la ligne. Car la ligne est le résultat d’un décret national et le fruit d’une décision démocratique, explique-t-il. C’est une partition divisant en deux la commune. Dans un premier temps les habitants refusent son application, décident de ne rien changer à leurs habitudes en continuant à vivre en paix les uns avec les autres. Mais la présence de la ligne occupe les esprits, surtout quand se produisent les premiers incidents : la disparition d’un vieux bonhomme solitaire et l’agression sexuelle d’une fillette. De chaque côté de la séparation, on rejette la responsabilité sur le côté opposé. Ce simple trait blanc tracé au sol devient la ligne de la discorde.
C’est au travers des membres de deux familles que l’auteur nous décrit la vie dans un petit village paisible avant l’apparition de la ligne. Les Wasner, aussi loin que remontent les souvenirs, ont toujours fait partie de la commune, alors que les Polara, bien qu’intégrés depuis plusieurs générations, sont arrivés plus tard, ce sont en quelque sorte des étrangers. C’est cette différence, quasiment disparue au fil du temps, que va raviver la présence de la ligne. Les gens, qui il y a peu de temps vivaient ensemble bien tranquillement, vont décider de ne plus accepter parmi eux la présence de ceux qu’ils estiment différents. Chacun restera de son côté de la ligne, une séparation qu’une majorité des habitants va même finir par trouver bien insuffisante, un mur serait plus adapté. Il y aura des opposants, mais ils resteront minoritaires.
L’auteur raconte les évènements du point de vue de chaque membre des familles Polara et Wasner et comme ils sont relativement nombreux, il est préférable de se créer un mini arbre généalogique pour s’y retrouver afin de pouvoir apprécier les interactions qui ont existé entre ces deux groupes. D’ailleurs, il aurait été judicieux que l’auteur pense à l’intégrer en annexe pour faciliter la lecture. Ainsi on constate qu’il y a eu, et qu’il continue à y avoir, des rapprochements croustillants entre ces deux familles maintenant devenues ennemies. L’auteur nous brosse des portraits savoureux et finement observés des éléments de ces deux clans.
Finalement une simple ligne blanche tracée sur le sol est le révélateur de jalousies, rancœurs, de frustrations et de haines jusqu’ici étouffées. La xénophobie ramenée au niveau d’un village est encore plus absurde. Un gouvernement bien inquiétant apparaît en arrière-plan, alors qu’il devrait rassembler, il discrimine.
La ligne est un bon roman noir, pessimiste sur la nature humaine, il est aussi un peu effrayant.
Extrait :
Philippe vérifie l’heure sur son téléphone, rêve qu’ils en finissent au plus vite. Il parcourt l’assistance du regard, tente de deviner où passera la ligne de fracture. Le spectacle de cette assemblée à l’hostilité latente le révulse. Bientôt, deux camps se formeront, qui trouveront une raison de s’opposer à l’autre. Fabriquer un ennemi, un bouc émissaire ou un simple responsable au malheur qui les touche. De quoi poursuivre sur la voie de la dignité tout en faisant porter à d’autres la responsabilité de ce qui se produit. Philippe a d’autant plus la conviction que cela va arriver, qu’il sait son frère en embuscade. Jacques écoute, laisse chacun épuiser ses arguments. L’occasion est trop belle pour qu’il la laisse passer.
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)
J’avais beaucoup aimé « Les mal aimés », et j’ai son second titre sur ma pile… celui-ci a l’air différent de ce qu’il a fait précédemment, non ?
Je ne sais pas si ce dernier roman est différent des précédents, c’est le premier que je lis de Jean-Christophe Tixier. Il est suffisamment intéressant pour me donner envie de lire le suivant.