Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2019 (Muerte en San Jeronimo)
Date de publication française : 2023 (Les Presses de la Cité)
Traduction (espagnol, Mexique) : Vanessa Canavesi
Genres : Enquête, historique
Personnage principal : Sœur Juana
De Muriel est né au Mexique. Ce roman est le premier volume de la série des Mystères de sœur Juana. L’action se déroule en Nouvelle-Espagne, c’est-à-dire au Mexique, au XVIIe siècle. L’auteur s’efforce de coller à la réalité historique (par exemple, sœur Juana a vraiment existé et, en 1689, elle avait déjà passé vingt ans dans le cloître). Elle était reconnue comme femme de lettres. De Muriel s’intéresse aussi de près aux recettes de cuisine populaires à cette époque. C’est certain que l’intérêt historique de ce roman est une valeur ajoutée.
L’intrigue à propos du meurtre de sœur Felipa n’est pas négligée pour autant; on retrouve son cadavre charcuté une nuit où plusieurs religieuses ont été bouleversées par des cauchemars horribles, pour ne pas dire démoniaques. Felipa semble avoir été victime de rituels païens. Son cœur avait été extrait de son corps et déposé dans un bol en bois sculpté. Du sang est répandu un peu partout. Sœur Juana, la novice Alina et sa domestique indienne Matea, s’allient pour retrouver l’assassin avant que n’intervienne l’Inquisition qui a tendance à torturer et à condamner n’importe qui, surtout les esclaves indiennes et africaines. Pas facile de s’orienter dans ce Couvent; heureusement, l’auteur nous offre un plan. Lancée à la recherche de la coupable, Alina y perd presque la vie avant qu’on vienne à son secours.
Le milieu dans lequel l’action principale se passe est un peu dépaysant, même si on connaît assez bien la situation religieuse à cette époque, les violences de l’Inquisition, le mépris dont sont victimes les femmes de la part des religieux, le racisme impitoyable qui permet aux classes sociales de se développer sans concession. Vaux mieux être Espagnol ou descendant direct de ce peuple conquérant qui nomme le Mexique la Nouvelle Espagne. Cet aspect est bien reproduit par l’auteur. Son excès de zèle, cependant, nous présente la plupart des prêtres avec outrance : ils sont laids, plutôt idiots, et ils puent. Et la plupart des religieuses sont naïves et peu cultivées. Ce côté caricatural nous empêche un peu d’être saisis par cette histoire. D’autant plus que nous fréquentons une quinzaine de religieuses, ce qui est peut-être indispensable dans le premier tome d’une série, mais qui rend difficile de s’y attacher.
Faudra attendre le deuxième volume pour se faire une meilleure idée.
Extrait :
─ Dis-moi, Elena [1], as-tu emporté avec toi ce livre de Kepler dont tu parles ?
─ Non, je l’ai laissé chez ma grand-mère. Mais je peux écrire à mon frère pour qu’il nous le fasse parvenir.
─ Fantastique ! Pourquoi ne pas…
─ Pé-ni-ten-ce !
Le cri de sœur Encarnacion fit l’effet d’une onde de choc. Aussitôt, les religieuses retournèrent à leurs besognes ─ non sans observer la scène du coin de l’œil.
Juana sourit.
─ Combien de jours lui avez-vous donnés
─ Trois, et elle n’en a effectué qu’un seul. Mais au rythme où nous allons, ce sera peut-être six …
─ Eh bien, envoyons-la dépoussiérer la bibliothèque et tout le monde sera content.
Là-dessus, Juana s’empara du balai et le planta dans les mains de sœur Encarnacion.
Les yeux de la vieille religieuse n’étaient plus que rage.
─ Me prenez-vous pour une imbécile, ma sœur ?
─ Des efforts au quotidien, vous devriez faire … pour nous démontrer le contraire …
L’autre manqua de tomber à la renverse.
─ Impie ! Vous vous repentirez de ces mots.
─ Je m’en repens déjà, ma sœur. Ces deux vers étaient atroces.
[1] . Alina a été renommée Elena en entrant au couvent.
Niveau de satisfaction :
(3,8 / 5)