Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2011 (Fayard noir)
Genres : roman noir – roman sociétal
Personnage principal : Paul Garand, commandant de gendarmerie.
Nogent-les-Chartreux est une ville moyenne de la France profonde. Les notables occupent les habitations coquettes des ruelles historiques du centre ville puis, en cercles concentriques, viennent les immeubles et quartiers pavillonnaires, les tours de la cité du Bas, et enfin les dernières fermes vétustes des paysans rescapés. Du grand classique de l’organisation urbaine ! La tranquillité de la cité va être bouleversée par un premier crime qui sera suivi de quatre autres. Tous ces crimes atroces sont signés d’un mot dont la signification est mystérieuse. À Nogent-les-Chartreux, la méfiance qui régnait entre les groupes sociaux va se transformer en haine. Les habitants se barricadent, s’arment, scrutent les visages, imaginent des coupables. Les autorités essaient de rassurer la population : on fait venir des renforts de police, on décrète un couvre-feu, on organise des patrouilles … Une politique sécuritaire, qui ne fait qu’aggraver la peur et la haine, se met en place. Le commandant de gendarmerie Paul Garand, n’attend plus que la retraite, il se sent dépassé, mais quand il sentira son fils menacé à son tour, il bougera ses 130 kilos pour se lancer plus activement dans la recherche du coupable.
Les personnages sont originaux et sortent vraiment des stéréotypes du genre. Le commandant de gendarmerie Paul Garant, c’est un fin cuisinier, mais il ne cuisine que pour son fils, tandis que lui bouffe n’importe quoi en grosse quantité, ce qui en fait un obèse de 130 kilos. Il est divorcé, il a élevé son fils Grégory, un grand dadais qui aime observer les étoiles. Il téléphone tous les jours à son ex-épouse, Nadine, qui ne supportant plus la vie dans une petite ville de province, s’est échappée avec un médecin, vers Paris où elle visite parcs et musées en téléphonant à son ex.
L’auteur démontre brillamment comment, dans une ville paisible, des évènements inhabituels provoquent la montée de la haine et de la folie. L’intrigue elle-même sert de prétexte à une dénonciation virulente de la politique sécuritaire, basée sur la peur, et le refus de la différence, chère à une certaine vision politique. Bien que l’enquête policière ne soit qu’un prétexte, elle tient quand même la route : le coupable et ses motivations sont tout à fait crédibles.
Ce qui se remarque d’entrée à la lecture c’est le style : délié, écriture facile, mots qui font mouche. Le ton est percutant, critique, ironique, cinglant et acerbe. C’est bien observé, les phrases sonnent juste. L’humour caustique fait aussi partie du registre d’Olivier Bordaçarre. Un style personnel qui ne fait pas dans la dentelle, d’une efficacité redoutable !
La France tranquille (ironie du titre) m’a permis de découvrir un auteur de talent que l’on a envie de continuer de lire. C’est un excellent roman et un coup de cœur pour moi.
Extrait :– D’abord, Nadine, j’suis pas Maigret. Je n’ai pas la science infuse, l’instinct, le feeling et tous ces trucs à la mode. Je dis qu’y a un problème. Un truc qui ne va pas, dans ce pays. Je m’en rends compte de jour en jour, de plus en plus. C’est la peur, Nadine. La peur se lit en gros sur les visages. La peur de tout. Du voisin, du boulot, du chômage, des flics, des terroristes, de la révolution, de l’avenir, du présent, du ciel… de tout ! Et là, coup de bol, y a un tueur, un vrai en chair et en os, qui fait ce qu’il a à faire : tuer. Pour certains, c’est une aubaine ; pour d’autres, c’est l’occasion rêvée de laisser enfin leur peur s’exprimer dans les grandes largeurs ! Parce que là, c’est pas du pipeau, c’est du réel, il existe bel et bien, et on n’arrive pas à le choper. Y a pas si longtemps, j’en étais encore à la peur des communistes ! Je suis vraiment trop ringard ! À force de se préparer à la guerre, elle va finir par nous tomber sur la gueule…
super roman en effet qui donne à réfléchir ! Un auteur que j'ai découvert il y a quelques mois, et qui j'espère concrétisera tout le bien que le pense de lui avec son prochain roman que j'attends. AMitiés
j’espère que je ne vous décevrai pas avec le prochain : « Le dernier désir » chez Fayard en 2014. amicalement. Olivier B.
Ça m’étonnerait ! Attendons avec impatience Le dernier désir.