Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2011 (Gjenferd)
Date de publication française : 2013 (Gallimard)
Genres : Enquête, thriller
Personnage principal : Harry Hole, ex-flic
« Même l’avenir le plus lumineux ne peut jamais faire oublier qu’il n’existe pas de chemin pour revenir en arrière. L’innocence de l’enfance. Le premier amour. Le parfum de juillet… »
Jo Nesbo ( Courrier International, 14 mai 2013)
Une méchante brique de 550 pages, le neuvième de la série, qui pourrait apparaître comme le testament philosophique de Harry Hole. Un pavé dans la mare, où se mirent les naïfs qui rêvent encore à la joie de vivre promise par les pays scandinaves. La mare au diable!
Depuis trois ans, Harry se terre à Hong Kong où il travaille comme collecteur. Il a cessé les drogues et l’alcool, s’est remis physiquement en forme : on a l’impression de rencontrer un Harry tout net, mais pas tout neuf. Une ancienne collègue l’a averti que son fils adoptif Oleg a été accusé de meurtre et que sa défense est perdue d’avance. Harry revient donc à Oslo et entreprend de démontrer qu’Oleg a été victime d’une mise en scène.
Tout cela semble bien simple. Sauf que : pour savoir qui a compromis Oleg, il doit savoir qui a tué Gusto. Comme Gusto a volé le caïd de la drogue d’Oslo, Dubaï, qu’il a trahi sa sœur Irène, qu’il menace de dénoncer le ripoux Burnsten, les pistes ne manquent pas. De plus, qui a payé un truand pour essayer de tuer Oleg en prison? Et dans quel but? Et que vient faire là-dedans le pilote d’avion qui a tenté d’exporter en Orient de la fioline (drogue plus puissante que l’héroïne, moins dispendieuse à produire et moins dangereuse physiquement, mais qui crée une plus forte dépendance)? Et quels sont les services, autres que sexuels, que s’échangent l’ambitieuse et sexy Isabelle Skoyen et le supérieur de Burnsten, Mikael Bellman, qui vise à devenir directeur de la police d’Oslo? Comme d’habitude, Harry Hole doit se battre seul contre ses anciens démons (l’alcool et la drogue) et contre ses nouveaux adversaires : en fait, il semble bien que tout le monde veut le tuer. A un ami qui lui reproche d’être un peu paranoïaque, Hole répond que la paranoïa sauve des vies.
Pour moi, la grande force de Nesbo a toujours été que les enchevêtrements embrouillés dans lesquels il espère nous égarer finissent toujours par se simplifier et se résoudre, même si ce n’est pas nécessairement par la mort des méchants et le bonheur des bons. Dans ce cas-ci, pour plusieurs personnages, la vie continuera même si elle ne pourra plus être comme avant. Et ça s’applique aussi à sa relation avec Oleg et sa mère Rakel, dont il est toujours éperdument amoureux. Mais peut-on imaginer un Harry Hole marié? On croyait retrouver un Harry transformé, plus léger, aussi ferme et acharné mais, au plus profond de son âme, la culpabilité le ronge. On a dit que l’univers des bas-fonds d’Oslo, la mentalité des drogués dont la déchéance irrésistible est décrite avec beaucoup de force, la corruption inévitable qui affecte politiciens, policiers, fonctionnaires, _ on a dit que tous ces facteurs faisaient du Fantôme un des romans les plus noirs de Nesbo. Sans doute que ça y contribue. Le facteur décisif reste, toutefois, la sensibilité tourmentée de Harry qui lui permet de vaincre bien des obstacles dans lesquels il fonce à corps perdu, mais risque aussi de le conduire à sa perte. Dans des situations extrêmes où les solutions habituelles ne suffisent plus, la fuite est la seule issue.
Déjà au tiers du roman, je ne répondais plus au téléphone et je ne regardais plus mon courrier. C’est toujours signe que le roman me possède et qu’il faut donc que je m’en sorte avant tout. Moins à cause de la personnalité de l’ex-inspecteur, que je ne trouve pas très attachante, que par la multiplicité des interrogations dont il nous mitraille et dont on souhaite l’élucidation. Doté d’un sens psychologique qu’on n’apprend pas dans les manuels et d’un regard sociologique critique qu’on ne sent pas parce qu’il est parfaitement intégré au récit, Nesbo crée ainsi des personnages crédibles, nuancés parce qu’ambigus, attachants et répugnants, qui nous marquent. Ce Fantôme atteint un sommet, parce que Harry y apprend que la réalité était encore plus noire que ce qu’il croyait.
Extrait :
« Tu as meilleure mine, constata Hagen.
– Ta ville aussi, répliqua Harry en faisant tressauter une cigarette non allumée entre ses lèvres.
– Tu trouves?
– Bel Opéra. Un peu moins de junkies dans les rues. »
Hagen se leva et gagna la fenêtre. Du cinquième étage de l’hôtel de police, il voyait le nouveau quartier d’Oslo, Bjorvika, baigné de soleil. La rénovation était en cours. Les démolitions terminées.
« Sur les douze dernier mois, le nombre de décès par overdose a baissé de manière significative. Les prix ont grimpé, la consommation a baissé. Le conseil de ville a obtenu ce qu’il réclamait à cor et à cri. Oslo n’est plus en tête des overdoses en Europe (…)
« Tu ne m’as pas dit ce qui te ramenait à Oslo, Harry (…)
– Mon boulot, c’est le meurtre. »
Sex Pistols - My Way
Je viens de terminer Police. De l’histoire, je ne vous dirai rien. Ce 10ème opus de Jo Nesbo est de la même veine que les précédents : brillantissime. Je me suis fait manipuler et balader dans tous les sens. Je suis tombé dans prèsque toutes les fausses pistes si brillament amenées. Et que dire des 30 dernières pages!!! Chez Nesbo, depuis le début avec « les cafards » il n’y a jamais de coup de mou. La série est pleine, compacte, d’un très haut niveau. Je ne dirai rien sur Harry puisqu’on l’a laissé avec 2 balles dans la poitrine et une dans la tête à la fin du précédent livre « Fantome ».
Comme le dit si bien Slim, Jo Nesbo est un auteur exceptionnel et certainement le plus talentueux des auteurs de polars et thrillers nordiques.
Qu’on se le dise!!!!!!!
Et bien, Slim et Sergio, je vous ai compris, j’ai acheté Police, je l’ai mis en équilibre instable sur ma pile de livres à lire, et vous en entendrez parler d’ici peu (probablement octobre). J’apprécie que des lecteurs avisés me fassent des recommandations, surtout quand on partage les mêmes goûts.
Merci, les gars.
Jo Nesbo n’a jamais failli jusqu’à présent. Une imagination débordante, jamais tentée par la facilité. Un auteur exceptionnel
C’est bien vrai.
Décidément, il va falloir que je me mettre dans Police.
Merci de me stimuler, Slim.
Je viens de terminer le 9ème opus de Jo Nesbo, Fantome, et j’ai relu votre billet. Votre analyse sur le bouquin et sur la série Harry Hole est totalement pertinente et je la partage pleinement. Quel bouquin!!!! Depuis le début de la série on voit la métamorphose de Harry, un vrai flic comme on les aime avec ses problèmes, ses félures. On sait depuis le début qu’Harry ne pourra que flirter avec le bohneur. Peut-on imaginer un Harry marié? Bien sur que non!
Encore une fois, Jo Nesbo nous a manipulé et nous a conduit là où on ne voulait surtout pas aller. Et que dire du final qui m’a personnellement laissé groggy. Je sais ce n’est qu’un thriller mais il y a certains personnages qui sont de la famille et Harry en fait indubitablement partie. See you later Harry!!!!
Merci de ce commentaire, Sergio.
On aime aussi Harry parce qu’il a le courage qu’on n’a pas, mais c’est un courage dont on ne voudrait probablement pas, parce qu’il contient une bonne dose de folie. Cyrano ou kamikaze?
Au prochain.
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D’abord chapeau d’avoir avalé ce pavé !! Je t’avoue que pour ma part, je le caresse, mais je n’ai pas le courage (pour le moment) de m’y jeter dedans d’autant que je dois lire le Leopard avant ! L’histoire quant à elle m’a l’air bien tortueuse ! c’est bien le talent de Nesbo que d’emmener son lecteur dans ce genre d’aventures sans jamais le perdre dans les nombreux méandres de son histoire ! amitiés
C’est vrai que Nesbo a le talent d’un chef d’orchestre.
Ici, après 40 pages, on est embarqué. Mais, en effet, faut lire d’abord Le Léopard. Pas dans la même semaine!
Merci de ta vigilance, Souris.
Très chouette billet : que dire de plus ?
Ce qui, personnellement, me bluffe, c’est la capacité de Nesbo à maintenir notre intérêt sur du si long terme.
C’est bien la seule « série » policière que je suis fidèlement !!
Peut-être parce que les situations dans lesquelles Harry est mêlée sont si inextricables qu’on est curieux de voir comment il va s’en sortir; quoique, cette fois-ci…