Un ménage rouge – Richard Ste-Marie

Par Michel Dufour

unmenagerougeDate de publication originale : 2013 (Alire) [1] Ste-Marie
Genres : Thriller, enquête
Personnage principal : Vincent Morin, assassin, Francis Pagliaro, sergent-détective à la Sûreté du Québec

Très bon polar : classique, en un sens : quelques bons meurtres, un assassin futé, un détective tenace et subtil, et la rencontre inévitable entre les deux. Original pourtant : le récit, en grande partie, est raconté par l’assassin, qu’on finit donc par connaître bien mieux que le policier. Sans nécessairement l’aimer, on le comprend. Une des forces majeures de ce roman est d’ailleurs la peinture des principaux personnages : même l’épouse de Morin, qui n’a pas échappé à la tuerie, est décrite avec suffisamment de précision pour qu’on reconnaisse ce genre de femmes.

Richard Ste-Marie a été professeur à l’École des arts visuels de l’Université Laval; il est aussi peintre, musicien, animateur de radio et s’adonne de plus en plus à l’écriture. Son roman L’Inaveu avait obtenu le Prix Coup de cœur du Club de lecture de la bibliothèque Mathilde Massé de Saint-Pacôme, après avoir été finaliste pour le Prix Saint-Pacôme 2012. Un ménage rouge est une version revue et corrigée du roman au même titre publié chez Stanké en 2008. On m’a dit que cette version 2013 est passablement renouvelée; un peu mêlant d’avoir gardé le même titre.

Vincent Morin, courtier en valeurs mobilières, homme compétent, plutôt ordinaire, mari fidèle et un peu ennuyant, revient une journée trop tôt d’un voyage d’affaires à New York : il surprend son épouse en train de baiser gaillardement avec deux hommes. Un coup de sang : il les abat tous les trois avec un pied de lampe en bronze qu’il rapportait fièrement des États-Unis. Comment un homme très ordinaire peut-il se sortir d’une situation si extraordinaire? Comment faire disparaître toute trace de son geste? Le sang  a même giclé jusqu’au plafond? Le lecteur suit les manœuvres méticuleuses de Vincent qui va jusqu’à faire disparaître les meubles de sa chambre. Il donnera l’impression que sa femme l’a quitté. Vincent oscille entre l’euphorie d’une mise en scène bien réglée, la culpabilité d’avoir abattu son épouse qu’il aimait bien au fond, et la crainte d’être découvert. Au pire de ses moments d’angoisse, on songe au Cœur révélateur d’Edgar Poe.

En contrepoint, le sergent-détective Pagliaro et ses hommes enquêtent sur la disparition d’un optométriste américain, Samuel Readman, (qui n’est jamais revenu chez lui d’un congrès qui avait lieu à Montréal), en collaboration avec Raymond Mazerolle du Rochester Police Department. Reste à savoir comment les deux bouts de cette chaîne se rencontreront.

C’est un roman qui se lit tout seul, simple et captivant. Les dialogues sont particulièrement réussis, y compris le mélange franco-anglais du policier Mazerolle, né de parents francophones néo-brunswickois. Beaucoup de détails savoureux font aussi du détective Pagliaro, amateur de Darius Milhaud, un personnage étonnant qu’on aura du plaisir à revoir dans d’autres enquêtes. Ste-Marie utilise aussi les flash-back de manière pertinente, plutôt que pour mêler le lecteur en rendant l’histoire d’autant plus mystérieuse qu’elle est mal racontée. La forme du finale est inattendue et pas mal convaincante, dans la mesure où elle a été habilement préparée.

J’avais lu un résumé et le thème m’avait paru peu attirant, plutôt éculé. Mais le traitement sauve la mise avec brio. Le triple meurtre n’est qu’un prétexte pour accompagner Vincent Morin dans sa trajectoire irrégulière jusqu’au dernier tournant, où se dresse devant lui un justicier qu’il n’attendait pas, mais qui le comprend si bien.


[1] – Éditeur : La première mouture de Un ménage rouge est parue en 2008 chez Stanké. La présente édition, qui propose une intrigue et un découpage profondément remaniés, en constitue la version définitive.

Extrait :
Vincent Morin vivait dans l’angoisse permanente. Pourtant, aucune plainte ni aucune accusation n’avaient été portées contre lui. En fait, après avoir répondu à toutes les questions de routine dans les cas de disparition de personnes, Vincent n’avait même pas été interrogé sérieusement par la police. Il n’y avait aucune raison qu’il le fût, l’attitude de l’enquêteur Potvin à son égard le prouvait.
Après quelques semaines de consternation générale, la famille de France finit par s’accommoder, bien qu’à contrecœur, de la thèse la plus plausible de la Régie intermunicipale de la police de Thérèse-De Blainville selon laquelle France avait laissé son mari sans donner d’explications. Du côté de la belle-famille, le dossier restait ouvert. Vincent connaissait fort bien les sentiments des parents de France à son endroit. On ne l’aimait pas beaucoup. La mère de France ne s’était jamais privée de lui faire savoir que sa fille méritait mieux que lui.

Ma note : 4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

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