Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2021 (Hugo Thriller)
Genres : Thriller, enquête
Personnage principal : Inspecteur Donnelli, NYPD
On le connaît aussi sous quelques autres noms, dont Ian Manook et Peter Manoukian. C’est un écrivain intarissable. Son Freeman, en juillet dernier, m’avait subjugué et je lui avais attribué 4.7. Manhattan Sunset prolonge sa série américaine, qui se passe dorénavant à New York.
Au centre de ce thriller, l’Inspecteur Donnelli, expérimenté mais usé et obsédé par la mort de deux de ses partenaires, un il y a quinze ans (Novak), l’autre récemment (Pfiffelmann); dans les deux cas, il a été retardé (la première fois par un coup de téléphone urgent, la deuxième par un accident de la route), de sorte que ses partenaires, laissés à eux-mêmes, se sont fait tuer. Il se sent coupable au point de dialoguer constamment avec Pfiffelmann, qui lui apparaît dans toutes les sortes de situations imaginables.
Officiellement, Donnelli enquête sur le meurtre d’une gamine (Lola) retrouvée affreusement mutilée, abandonnée dans une cour à scrap au milieu des ferrailles, entre deux amas de carrosseries. Cette enquête le mènera à une confrontation avec la pègre lituanienne, elle-même menacée par bien du monde qu’elle veut d’ailleurs éliminer. Puis, il ne peut pas se désintéresser des recherches exercées par ses collègues pour retrouver l’assassin de son ex-femme Martha. L’identification de la gamine permet d’établir un lien avec le pédophile Guttierez sur lequel il enquêtait quand Pfiffelmann a trouvé la mort; peut-être aussi entre la mort de Pfiffelmann et celle de Martha; peut-être aussi avec l’incendie d’un orphelinat en Russie.
Le rapport n’est pas évident avec un sombre individu qui, pour venger son chat torturé, abat ses tortionnaires. Pourtant, on établit que c’est la même arme qui a servi à abattre ces truands, de même que l’ex de Donnelli, son ex-partenaire Pfiffelmann et son ami Georges. Enfin une piste que poursuivent Donnelli et la jolie Mankato (aidée secrètement par l’agent du FBI Escobar). Auxquels donneront un précieux coup de main le spécialiste en informatique, le jeune Lloyd, et la fille de Novak, Wanda. La même arme, fort bien, et le mobile alors ?
J’ai un peu simplifié. Le lecteur doit s’armer de patience et peut-être d’un crayon pour prendre des notes. C’est compliqué mais ça vaut le coût. Des chapitres courts impriment un rythme d’enfer et un débalancement garanti. Le contraste entre les laideurs de Manhattan et sa beauté (chapitre sur le Manhattanhenge[1]), à condition de pouvoir s’arrêter et savoir où regarder, maintient notre attention. Plusieurs personnages forts entourent un inspecteur acharné mais fatigué, dont les hallucinations détendent parfois l’atmosphère mais l’alourdissent souvent, surtout quand l’ectoplasme indique quelques bonnes pistes.
Il y a quelque chose de vraiment captivant dans ce roman, des chapitres audacieux comme le bad trip au LSD de Donnelli, ou le dialogue à sens unique entre Lloyd et Wanda, qui témoignent d’un écrivain qui connaît son métier, mais le lecteur doit s’attendre à trimer dur.
[1] Manhattanhenge est un événement se produisant deux fois dans l’année, pendant lequel le soleil couchant s’aligne avec les principales rues orientées Est-Ouest de Manhattan, à New York. (Wikipedia)
Extrait :
Donnelli entre chez lui sans allumer. Il traverse l’appartement et ouvre les rideaux de la baie vitrée qui donne sur la 42e. Son cœur chavire aussitôt du même bonheur triste. C’est comme ça à chaque fois. Son New York ! La bonne rue, le juste étage. Dix-septième ciel, bien mieux que le septième. Au-dessus du canyon étroit et sombre au fond duquel roule le torrent continu du trafic des gens laborieux. Et juste en dessous des sommets escarpés qui vont chercher, su-delà des terrasses, des soleils lumineux ou des lunes vertes, qui lui filent des vertiges à l’envers.
Au ras des rues, la ville essaye de donner le change. Faire croire à la vie d’une communauté affairée à croître et prospérer, à créer des boutiques, des commerces et des négoces. À brasser ses populations et ses races. À construire des empires. Du business, des richesses, des dollars par milliards. Chacun, dans la cohue, est convaincu de participer à cet engouement frénétique pour l’argent. Celui qui permet de vivre. De survivre. La course de New York bat au rythme de ses pieds impatients. Et, là-haut, c’est l’autre monde. Celui du rêve américain. Éthéré et tangible à la fois. Celui des grands bâtisseurs, des architectes audacieux, des capitaines d’industrie et des entrepreneurs sans peur.
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)