Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2016 (Fool me once)
Date de publication française : 2016 (Belfond)
Genres : Enquête, Thriller
Personnage principal : Maya Burkett, ex-militaire américaine
J’ai lu plusieurs Coben : de très bons et de très moyens. Entre autre, sur Sang d’Encre Polars, j’ai rendu compte de Faute de preuves et de Tu me manques. On a parfois l’impression qu’il y a plusieurs Coben.
Double piège commence laborieusement : Coben profite des funérailles de Joe, l’époux de Maya, pour nous présenter la douzaine de membres de la famille Burkett. Puis, il entreprend de nous intriguer : d’abord, avec un problème qui nous agacera jusqu’à la fin: qu’est-ce qui s’est passé à la frontière syro-irakienne, alors que Maya volait au secours de deux compatriotes sur le point d’être tués, et pourquoi a-t-elle été invitée, peu après, à quitter l’armée? Puis, en créant des situations mystérieuses sous forme de problèmes incompréhensibles : quel renseignement possède l’inspecteur Kierce, qui justifie son acharnement sur Maya ? Qui a intérêt à suivre Maya dans une Buick Verano rouge ? Si Joe est vraiment mort, comment se fait-il que sa sœur Caroline l’aurait vu et que Maya elle-même semble l’avoir aperçu sur une bande filmée par une caméra-espion dans son salon ?
Ces questions continuent de hanter Maya, alors qu’elle enquête sur les motifs qui ont mené à la torture et à l’assassinat de sa sœur Claire, il y a deux ans. Le récit prend alors l’allure d’un cold case, d’autant plus qu’il mène à s’interroger sur la mort louche du frère de Joe il y a dix-sept ans. C’est parfois un peu fastidieux, mais Coben tire les ficelles avec subtilité, machiavéliquement. On ne sait plus qui ment et qui dit la vérité. Pas facile pour le lecteur d’élaborer l’hypothèse gagnante. Qui plus est, nous sommes probablement manipulés depuis le début, même si les règles du genre ont été respectées.
Malgré quelques longueurs, probablement voulues par l’auteur pour provoquer l’impatience du lecteur, donc son besoin exacerbé d’en savoir davantage, et malgré un fragment de solution plutôt sophistiqué, ça demeure un bon Coben. Pour remonter le moral des lecteurs démoralisés par une conclusion assez sombre, Coben rajoute un épilogue plutôt rose, qui se passe vingt-cinq ans plus tard. On a déjà fait la même chose avec le Don Giovanni de Mozart, afin qu’il soit plus digeste pour les amateurs du XIXe siècle. La finale sans épilogue aurait eu plus de punch, mais Coben se soucie des humeurs de son lecteur moyen.
Extrait :
− Tu t’es disputée avec Isabella, n’est-ce pas ? Elle nous l’a dit. D’après elle, tu prétendais avoir vu Joe. Pourquoi ? Qu’entendais-tu par là ?
− Caroline, écoute-moi. Joe est mort.
− Comment peux-tu en être aussi sûre ?
− J’y étais.
− Mais tu ne l’as pas vu mourir. Il faisait sombre. Et tu t’es enfuie avant le troisième coup de feu.
− Caroline, voyons, la police est venue. Il y a eu une enquête. Il ne s’est pas relevé après les deux premiers coups de feu. Les flics ont même arrêté deux suspects. Comment tu expliques ça ?
Caroline secoua la tête.
− Tu ne me croiras pas.
− Dis toujours.
− Le policier chargé de l’investigation. Son nom est Roger Kierce.
− Exact.
Il y eut un silence.
− Caroline, de quoi s’agit-il ?
− Je sais que ça va te paraître fou…
Maya eut envie de la secouer pour lui faire cracher le morceau.
− On a un compte dans une banque privée. Je te passe les détails. C’est sans importance. Disons qu’il est impossible de remonter jusqu’au détenteur. Tu vois ce que je veux dire ? (…)
J’ai jeté un œil sur les opérations en cours de ces dernières semaines.
Maya hocha la tête d’un air qui se voulait encourageant.
− La plupart des transferts ont été effectués sur divers comptes numérotés : c’est de l’argent qui se balade un peu partout de façon à ce qu’on ne puisse pas le repérer. Encore une fois, je te passe les détails. Mais il y avait un bénéficiaire aussi. Plusieurs versements au profit d’un certain Roger Kierce.
Maya encaissa le coup dans ciller.
Ma note : (4 / 5)