Les Prix Arthur-Ellis-3 – Peter Sellers

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2011-2021
Date de publication française : 2023 (Alire)
Traduction (anglais) :
Luc Baranger, Patrick Dusoulier et Pascal Raud
Genre :
Nouvelles policières, noires
Personnages principaux :
Henri Karubje, Michael Grandy …

En réunissant ces onze nouvelles policières, récemment traduites, qui ont mérité le prix Arthur-Ellis de 2011 à 2021, Peter Sellers nous offre une belle occasion de connaître quelques écrivain(e)s du Canada anglais : Catherine Astolfo (Ontario), Margaret Atwood (Ontario), Susan Daly (Ontario), Marcelle Dubé (Alberta), Scott Mackay (Ontario), Mary Jane Maffini (Nouvelle Écosse et Ontario), Twist Phelan (Américaine), Linda L. Richards (Colombie- Britannique et Arizona), Peter Sellers (Ontario), Yasuko Thanh (Colombie-Britannique).[1]

Ce sont des nouvelles de 20 à 30 pages, dont les genres diffèrent grandement : enquête, thriller, noir … Les écrits sont de qualité : chacun s’est mérité le Prix Arthur-Ellis de la meilleure nouvelle, même si, comme dans le domaine des vins, les millésimes ne sont pas équivalents. J’ai noté de 3 à 4.3, et je dirai un mot des nouvelles qui ont obtenu 4 et plus.

D’abord, Margaret Atwood qui est la seule, je crois, qu’on connaît bien au Québec francophone comme en France. Mon collègue et moi avons déjà commenté certaines de ses œuvres. Son Matelas de pierre décrit une excursion dans l’Arctique qui donnera lieu à une vengeance. Son personnage principal est une femme mûre particulièrement lucide qui rencontre dans les glaces, par hasard, un homme aujourd’hui galant, autrefois brutal, qui l’avait violée. Il la courtise sans la reconnaître. Elle joue le jeu le temps de trouver le moment favorable pour lui rafraîchir la mémoire et l’abandonner, agonisant, sur un stromatolithe, c’est-à-dire un matelas de pierre.

L’Anomalie de Catherine Astolfo raconte une partie de la vie d’un ancien tueur en série, qui aura bientôt 90 ans, et qui vit isolé dans un petit village de Terre-Neuve appelé Back Side Harbour, « le trou du cul d’une étroite bande de terre qui se jette dans l’Atlantique ». Il évite le plus de contacts humains possible, et ne tolère que la fréquentation de sa vieille chatte tigrée, Miss Kitty, et de son cochon Marvin. Mais un jeune homme, journaliste en herbe, parvient à entrer chez lui par effraction. Le vieil homme le menotte et lui sert du thé et des biscuits, le temps d’apprendre qui il est, ce qu’il vient faire chez lui et surtout comment il est parvenu à le trouver. Dans une conversation apparemment amicale, le jeune garçon lui indique avec quelle habileté il a obtenu ses informations auprès d’un ancien détenu maintenant installé à St. John’s. Pour sa sécurité personnelle, comme en légitime défense, le vieux doit se débarrasser du jeune et de son ex-compagnon de cellule.

Marcelle Dubé situe son récit (Vague de froid) au Yukon : une skieuse, Olivia, doit rejoindre ses amis dans une cabane. Il fait -25⁰ et le soleil commence à décliner. En arrivant à la cabane, elle s’aperçoit qu’un inconnu tient ses amis en joue et que deux d’entre eux ont été ligotés. Son pire ennemi, à elle, pour le moment, c’est le froid. Difficile d’appeler le 911, parce que le signal ne se rend pas. Elle gagne alors le sommet de la butte, signale difficilement le 911 parce que ses doigts gèlent, et arrive une motoneige qui arrête au chalet : un complice ! Situation pratiquement inextricable. Dont Olivia ne se sortira pas aisément.

L’histoire (Tellement de choses en commun) que raconte Mary Jane Maffini est bien agréable. Deux escrocs tentent d’extorquer de l’argent, assez subtilement, à une dame âgée, Willa Bennington. Le sergent détective Joe Kelly essaie depuis longtemps de neutraliser les Carson, mais ils sont habiles et ont même réussi à obtenir un acquittement après avoir poussé des personnes âgées à la misère et même à la mort. On observe d’ailleurs les ruses qu’ils déploient pour persuader Willa de leur prêter quelques milliers de dollars pour une journée. Kelly met en garde madame Bennington. Elle ne paraît pas se méfier et invite même les Carson à dîner. La transaction est sur le point de se réaliser, mais un certain accident se produit. Et le sergent Kelly et madame Bennington trouvent qu’ils ont bien des choses en commun.

Linda L. Richards concocte un suspense (Terminal City) de façon froide et implacable. L’affrontement entre une tueuse à gages d’expérience et un bel homme riche et aimable nous captive fortement. Une tueuse ne doit pas trouver trop sympathique sa prochaine victime et une victime ne doit pas trop favoriser la mission de son exécuteur. Et pourtant…

[1]  11 nouvelles et 10 auteurs, parce que Catherine Astolfo en a écrit 2 ! Et non, il ne s’agit pas du Peter Sellers qui nous a fait rire pendant des années.

Extrait :
Au départ, Verna n’avait pas l’intention de tuer qui que ce soit. Elle avait simplement en tête de prendre des vacances, rien de plus. Faire une pause, procéder à une petite comptabilité interne, se débarrasser des peaux mortes. L’Arctique lui convient : il y a quelque chose d’intrinsèquement apaisant dans les vastes étendues de glace et de roche, de mer et de ciel, que ne viennent troubler ni les villes ni les autoroutes, ni les arbres et autres distractions qui encombrent les paysages du sud.
(Margaret Atwood, Matelas de pierre).

L’Arctique

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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