Châtiment – Percival Everett

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2021 (The Trees)
Date de publication française :
2024 – Actes Sud
Traduction (américain) :
Anne-Laure Tissut
Genres : Roman noir sociétal, historique, enquête policière
Personnages principaux :
Ed Morgan et Jim Davis, agents spéciaux du MBI (Mississippi Bureau of Investigation) – Herberta Hind, agent spécial du FBI

À Money dans le Mississipi, les adjoints du shérif sont appelés sur une scène de crime sidérante : un homme blanc baigne dans son sang, un long fil de fer barbelé rouillé fait plusieurs fois le tour de son cou, son pantalon est baissé et ses testicules arrachés, à trois mètres de ce corps gît un homme noir de petite taille, le visage défoncé avec dans une main les testicules de l’homme blanc. La suite de cette découverte est encore plus effarante : à la morgue où les deux cadavres ont été amenés, celui du noir a disparu. Plus étonnant encore, on retrouve la même scène de crime avec à chaque fois le mort noir qui disparaît. Ed Morgan et Jim Davis, agents spéciaux du MBI (Mississippi Bureau of Investigation) sont chargés de mener cette enquête extraordinaire. Devant la multiplication des assassinats dans tout le pays répétant la même mise en scène, ils reçoivent le renfort du FBI en la personne de l’agent spécial Herberta Hind. Tous les agents spéciaux (Ed, Jim et Herberta) sont noirs.

D’entrée, l’auteur place l’intrigue dans le domaine de l’étrange et du fantastique avec des morts qui disparaissent pour ressurgir sur une autre scène de crime. L’auteur joue sur des situations grotesques qui laissent les autorités désemparées. En fait, les meurtres et l’enquête sont un prétexte pour dénoncer une autre sorte de crimes : les lynchages dont ont été victimes aux États-Unis les noirs entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Pour un noir, à l’époque, il en fallait peu pour être lynché : un regard, une parole que l’homme blanc jugeait provocant suffisait, ou même un prétexte purement inventé comme celui de Carolyn Bryant accusant le jeune noir Emmett Till de lui avoir fait des avances, suite à quoi Till a été enlevé et torturé avant d’être assassiné par R. Bryant et J.W Milam. Tous les deux ont ensuite été acquittés par un jury, composé de douze hommes blancs[i]. C’est donc en se basant sur des faits et des personnages historiques que Percival Everett a construit une œuvre de fiction dans laquelle des morts-vivants viennent demander des comptes aux descendants des assassins de l’époque. On ressent dans ce roman toute la rage qu’a dû éprouver l’auteur devant la haine raciale et l’injustice qui ont frappé la population noire.

Les personnages sont de deux sortes : les personnages historiques qui apparaissent sous leurs vrais noms (Till, Bryant, Milam …), on y trouve même une caricature du Président Donald Trump. Les personnages fictifs sont les policiers Morgan, Davis et Hind. Pour contrebalancer l’horreur historique, l’auteur a créé des policiers qui ont le sens de l’humour, qui sont cools, caustiques et adeptes des blagues et des réflexions au second degré.

En mêlant l’histoire et la fiction, Percival Everett a créé un roman édifiant sur la haine raciale et les exécutions sans jugement dont a été victime la population noire des États-Unis les siècles précédents.

[i] Voir l’article de Wikipédia sur Emmett Till

Extrait :
Les journaux et les réseaux sociaux essayaient de relier les incidents violents survenus à travers le pays. Fox News parlait de “guerre raciale, pure et simple”. On en était à vingt-cinq morts blancs. Le score était de vingt-cinq contre cinq. À l’évidence, il s’agissait d’une conspiration noire et asiatique, au fonctionnement secret, com­plexe et bien organisé. Il y avait des espions partout. On ne pouvait se fier à personne. Comment cet homme noir avait-il pu s’introduire dans la Maison-Blanche pour tuer Razorback Reynolds ? Il avait forcément des complices à l’intérieur. Les personnels de ménage et de cuisine de la Maison-Blanche étaient retenus en garde à vue dans un camp de fortune improvisé dans l’enceinte de la Maison-Blanche, au milieu de l’Ellipse.

Niveau de satisfaction :
4.2 out of 5 stars (4,2 / 5)

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