Presidio – Randy Kennedy

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2018
(titre original : Presidio)

Date de publication française : 2019 – Delcourt
Traduction : Éric Moreau
Genres : Aventure, road movie, grands espaces
Personnages principaux : Troy Alan Falconer, voleur professionnel – Harlan, frère de Troy, honnête et naïf – Martha jeune mennonite de onze ans

Troy Alan Falconer a une façon de vivre spéciale : elle consiste à s’affranchir totalement de la propriété privée. Comment arrive-t-il à cette performance ? C’est simple : il vole. Il a ainsi la jouissance des choses sans en avoir la propriété. Et quand il a l’impression de s’approprier les biens volés, il s’en débarrasse et en dérobe d’autres. C’est tout un art de vivre qui exige une grande vigilance. Après avoir dérobé une nouvelle voiture il revient vers le village de son enfance pour aider son frère Harlan à retrouver son épouse qui s’est fait la malle en emportant tout ce qu’il possédait. Sur le chemin de la traque, Troy pique une nouvelle voiture et c’est des heures et des kilomètres après que les deux frères s’aperçoivent qu’une gamine de onze ans, Martha, était planquée dans la voiture. Celle-ci ne veut pas du tout revenir chez elle, elle veut rejoindre son père à El Paso. Et la fillette est têtue.

Le road movie des deux frères et de leur passagère clandestine alterne avec les notes manuscrites de Troy, une sorte de journal qu’il l’écrit à l’attention de la police ou quiconque trouvera ces pages et souhaitera les lire. Il répond probablement au besoin d’un solitaire de laisser un témoignage de son passage terrestre. Il explique quels sont ses plaisirs dans la vie, il raconte ses souvenirs et ses expériences. Parallèlement se déroule le périple du trio à travers le Texas. Bien que les deux frères soient recherchés par la police, non seulement pour vol mais aussi pour enlèvement d’enfant depuis qu’ils ont embarqué, bien involontairement, la petite Martha, l’ambiance n’est pas celle d’une cavale effrénée c’est plutôt celle d’une excursion presque paisible à travers des régions rurales peu peuplées où la police est absente.

Le Texas montré n’est pas celui des grandes villes et des industries lourdes de pétrole et de gaz, c’est le sud-ouest du Texas, région austère, avec des déserts, des petits bleds agricoles, des routes défoncées et des motels miteux. L’auteur arrive à dégager une sorte de poésie dans ce voyage à travers des paysages pourtant bien mornes et monotones.

Au niveau des personnages, Troy est un homme sur le qui-vive permanent, tant il redoute l’apparition de la police mais il fait aussi preuve d’une certain détachement et d’une philosophie toute personnelle concernant la possession. Harlan, contrairement à son frère est profondément honnête et même un peu naïf. Il s’est fait rouler dans la farine par sa femme qui a réussi à le dépouiller complètement de ses biens. Martha n’a que onze ans mais elle est déterminée, elle ne lâche jamais son objectif de retrouver son père. On découvre aussi la communauté des mennonites dont fait partie la jeune Martha.

Ce roman se distingue par l’ambiance parfaitement restituée d’une Amérique profonde, celle du Texas rural près de la frontière mexicaine, dans les années 1970 et par ses personnages de marginaux qui se battent et se débattent dans les difficultés de leur vie. Tout cela est raconté dans un style personnel tout à fait remarquable.

Extrait :
Je sais que vous aimeriez comprendre comment on peut atteindre cet extrême – ne plus supporter le moindre sentiment de propriété, qu’il s’agisse d’un simple vêtement ou, à plus forte raison, d’un téléviseur, d’une voiture ou, horreur suprême, d’une maison –, au point où l’idée même de posséder quoi que ce soit de plus conséquent qu’un gobelet à café en carton vous emplit d’une sorte d’effroi.
Je suis incapable de vous expliquer ce qui s’est produit. Je sais juste qu’un matin, à mon réveil, le monde n’était plus le même, et que je n’ai pas retrouvé le chemin de celui que j’avais quitté. Je crois qu’il existe une porte de ce genre en chacun de nous, et que si on la laisse ne serait-ce que s’entrouvrir, il est très difficile de la refermer.

Paysage du sud-ouest du Texas

Niveau de satisfaction :
4.1 out of 5 stars (4,1 / 5)

 

 

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