Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2024 (This Great Hemisphere)
Date de publication française : 2025 – Buchet/Chastel
Traduction (américain) : Anne Sylvie Homassel
Genre : Science-fiction
Personnage principal : Sweetmint, jeune femme invisible
2529, la terre est divisée en quatre hémisphères indépendants : Nordouest, Nordest, Sudest et Sudouest. Dans la région des forêts de l’hémisphère Nordouest, une partie de la population est devenue invisible, au sens propre du terme : on ne la voit pas, elle est transparente. Ses membres sont appelés les invisibles. L’autre partie de la population est normale, c’est à dire visible, c’est la Population Dominante : les PoDo. Cette société est profondément inégalitaire, les PoDo, jouissent de tous les privilèges et considèrent les invisibles comme des esclaves. Pour que les PoDo puissent situer les invisibles, ils leur imposent le port d’un collier. Dans ce contexte, une jeune invisible appelée Sweetmint s’est particulièrement distinguée dans ses études, elle a été sélectionnée pour suivre un apprentissage prestigieux auprès du Directeur du progrès qui est le grand architecte de tout le système qui régit l’hémisphère Nordouest. Après un début d’initiation prometteur, sa formation est perturbée par l’assassinat du Chef de l’exécutif, d’autant plus que c’est son frère qui est soupçonné d’être le meurtrier. Alors elle se lance à la recherche de son frère, espérant le trouver avant les autorités qui ont démarré la traque. C’est ainsi que l’ingénue Sweetmint va s’immerger dans un monde inconnu d’elle.
Ce roman nous plonge dans un univers à la fois étrange par l’évolution physiologique de la population, mais aussi familier par les turpitudes dont sont capables ces humains du futur, les mêmes que celles que nous connaissons aujourd’hui. En effet, la partie pauvre de la population est devenue invisible, pas au sens qu’on ne la remarque pas, comme ce fut le cas dans le sentiment de déclassement à l’origine du mouvement des Gilets jaunes en France. Non, ici les gens sont devenus totalement et physiquement invisibles. Entre eux, ils arrivent parfaitement à se localiser grâce à leur persodeur, leur odeur personnelle, et à leur rumoya, leur sixième sens qui leur permet de connaître instantanément l’état d’âme de leurs congénères. Mais les PoDo, eux, ont besoin de repères matériels pour percevoir un Invisible : un collier, comme pour les chiens, ou des peintures corporelles.
500 ans après notre époque, on ne peut dire que l’humain a beaucoup changé mentalement. Une ségrégation sociale s’est installée : les invisibles ne fréquentent les PoDo que pour les servir. Les classes dominantes, ici les PoDo, sont toujours en proie à l’orgueil et à la vanité. L’hypocrisie, le mensonge, la manipulation et la trahison sont monnaie courante. La vie humaine a peu de prix, surtout celle des gens modestes, face à l’ambition et la soif de pouvoir.
On peut saluer l’imagination de l’auteur, surtout en ce qui concerne les invisibles, il invente un monde nouveau avec des mots nouveaux : Sawukhoob, mambonga, Chunjani, herbol, rumoya, persodeur … dont la définition n’est pas donnée, mais dont on devine le sens.
Tous les invisibles est un étonnant roman de science-fiction dans lequel Mateo Askaripour dénonce à sa façon les inégalités sociales. Il imagine un monde où la classe dominante, quasiment identique à celle d’aujourd’hui, surtout dans ses travers, opprime une population qui a beaucoup évolué physiquement, mais qui, finalement, est restée bien plus humaine dans sa conception de la vie.
Extrait :
J’ai appris que si j’étais coupable d’une chose, c’était de croire qu’en me conduisant comme il le fallait, en suivant les règles écrites par les hommes qui siègent ici, j’aurais la vie sauve. Mais la sécurité n’est qu’une illusion dans ce monde. Et la liberté ne se gagne qu’au prix du risque. Les vrais coupables, ici, dit-elle d’une voix soudain plus forte, c’est vous. Vous, qui êtes convaincus que le monde n’existe que pour satisfaire vos désirs. Vous qui croyez détenir le pouvoir. Vous et vos petites affaires derrière les portes, que vous croyez cacher à tout le monde, bien que vos transgressions s’affichent sur vos visages, qu’elles soient inscrites dans la façon dont vous marchez, la façon dont vous parlez, dont vous riez, dont vous pleurez, dont vous mentez, encore et toujours, mentez, mentez.
Niveau de satisfaction :
(4,1 / 5)