Par Raymond Pédoussaut
Date de publication originale : 2024 (The Whistleblower)
Date de publication française : 2024 – Éditions Liana Levi
Traduction (américain) : Emmanuelle et Philippe Aronson
Genres : Thiller, humour
Personnage principal : Justin Sykes, avocat de l’aide juridictionnelle
Justin Sykes est avocat de l’aide juridictionnelle. Avocat commis d’office, il défend des petits délinquants, des cambrioleurs, des alcooliques, des drogués, des sans-abri, des exhibitionnistes … Sa défense consiste la plupart du temps à marchander des réductions de peine avec les procureurs. Mais un jour il reçoit une offre pas banale et fort intéressante: il s’agit de donner, une heure par semaine, des conseils juridiques à des stripteaseuses et de passer la nuit dans un motel qui appartient au patron de la boîte de striptease. Tarif : mille dollars pour une heure de conseils et une nuit à ne rien faire dans un motel. La bizarrerie de la proposition n’échappe pas à Justin, mais la rémunération pour le peu de travail qu’elle demande le convainc. Cet argent si facilement gagné l’aidera à payer quelques factures, alors il ne se pose pas trop de questions. Il devrait.
L’intrigue, quelque peu alambiquée, décrit un avocat consciencieux qui fait son maximum pour aider des gens démunis qui ont affaire à la justice et qui a pour une fois à l’occasion de gagner plus en faisant moins. C’est une anomalie, d’autant plus qu’il va constater que les stripteaseuses ne sont pas vraiment demandeuses de ses conseils, il y a probablement anguille sous roche, mais Justin espère que ce travail temporaire lui permettra de ramasser facilement un peu de fric, sans conséquence préjudiciable.
Justin Sykes, même s’il ne défend que des pauvres qui ne peuvent pas le payer, est un avocat brillant : il a été formé dans une école prestigieuse, la Faculté de droit de Columbia, il a travaillé dans un grand cabinet, il gagnait alors 250 000 dollars par an, il a été lanceur d’alerte. Bref, c’est une pointure. Les procureurs, avec qui il négocie des réductions de peine, le savent, ils se méfient de lui. Son chef le sait : il lui refile en supplément les dossiers qu’un autre avocat incompétent n’arrive pas à traiter. Il a en permanence plus de cinquante affaires sur les bras, il y passe même ses week-ends. Il y a un côté chevaleresque chez Justin : il défend ardemment de pauvres bougres, ce qui ne l’empêche pas d’être lucide et désenchanté sur le fonctionnement du système juridique.
Plus que l’intrigue et les personnages, ce qui distingue les romans d’Iain Levison, c’est l’ironie et la façon sarcastique de décrire la société américaine. Ici, c’est la justice qui en prend pour son grade : un système avant tout incohérent et chaotique favorisant les ego démesurés. Il y a de savoureux passages concernant les négociations de marchands de tapis entre procureur et avocat de la défense, les sentences qui dépendent essentiellement de la personnalité du juge et les lois qui sont différentes d’un côté à l’autre de la rivière qui traverse la ville. L’incompétence n’empêchant pas l’ambition, l’auteur montre aussi les magouilles d’un procureur adjoint médiocre propulsé par son papa vers le poste de procureur général.
Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques est grinçant, irrévérencieux, mais jubilatoire. Du Iain Levison pur jus !
Extrait :
D’où l’importance de connaître le juge.
Et je connais tous ceux à qui j’ai affaire. J’alterne entre cinq. Le juge Weaver est trop âgé pour être encore en activité. Il aurait dû partir à la retraite il y a dix ans, et c’est un vieux vicieux qui condamne à des peines incroyablement légères les jolies femmes. La juge Theresa Kelly est chaleureuse et bienveillante. L’atmosphère dans sa salle d’audience est toujours très détendue ; elle parle d’une voix apaisante et je pense qu’elle tamiserait les lumières du tribunal pour allumer des bougies si cela n’enfreignait pas une quelconque loi municipale. En règle générale c’est elle qui prononce les sentences les plus clémentes. La juge Jennifer Bales se montre d’ordinaire juste, mais parfois elle semble haïr certains clients, surtout les jeunes hommes qui ne lui témoignent pas assez de respect. Si vous rampez devant elle comme si elle était une reine médiévale, elle est douce et maternante. Le juge Anthony Caesari est un connard arrogant qui se croit meilleur que tout le monde, mais il est intelligent, rapide et équitable la plupart du temps. Le juge Chester Wiley déteste l’humanité parce que sa femme s’est tirée avec un avocat de la défense ; par conséquent il prend un malin plaisir à détruire la vie des gens.
Niveau de satisfaction :
(4,3 / 5)