Par Michel Dufour
Date de publication originale : 2025 (Alire)
Genres : Enquête, fantaisie
Personnage principal : Francis Pagliaro, sergent-détective
Après avoir été ébranlé par le roman japonais d’Uketsu, je trouve le roman de Ste-Marie bien léger. Lui-même ne se voit d’ailleurs pas comme un écrivain traditionnel et compare ses romans, en tout cas celui-ci, à ceux de San Antonio, qui est quand même plus amusant. L’auteur ne se veut pas trop sérieux : il multiplie les notes en bas de page, interrompt une action pour nous refiler ses commentaires, inverse parfois l’ordre des chapitres. On s’y perd un peu mais ce n’est pas grave parce que l’enquête n’a rien de dramatique. Je me voyais un peu comme un petit garçon assis sur les genoux de son mononcle qui prend bien du plaisir à lui raconter une histoire, pas nécessairement pour l’endormir, mais pour le distraire, changer le mal de place, comme on dit.
On confie au policier Pagliaro, qui est à la veille de prendre sa retraite, une enquête sur un meurtre commis 17 ans auparavant : deux balles avaient tué l’ex-policier Maurice « Mo » Charbonneau. Un suspect (Gilbert Drolet) a été trouvé coupable et mis en prison. Drolet, qui a toujours nié son implication, vient d’entamer une grève de la faim. Il s’agit donc de savoir si l’enquête a été menée avec rigueur par les policiers Marcel Banville et Simon Lemoyne.
L’enquête est plutôt déprimante pour le sergent-détective. Pagliaro prend une pause au Bar de la faillite où il retrouve Charles McNicoll, alias Monsieur Hämmerli, tueur à gages converti et recyclé en euthanasiste, qu’il a rencontré l’hiver dernier à une conférence de René Girard au Musée de la civilisation. Le tenancier Roger, son comptable le Gros Luce et Hämmerli s’efforcent de lui remonter le moral. Situation délicate parce que si c’est vrai que ce trio a de quoi renseigner et orienter Pagliaro dans ses recherches, les trois copains ont aussi profité des combines des magouilleurs-assassins.
Ste-Marie insiste sur l’étonnante amitié entre un sergent-détective intègre et le tueur à gages recyclé Hämmerli, épris l’un et l’autre de musique classique. Les nombreuses entrevues permettent aussi de constater la politesse, la ruse et la rigueur de Pagliaro. On sait bien qu’il finira par atteindre son but et que les méchants seront vaincus. Mais là n’est pas l’essentiel. Le plus important pour Ste-Marie, c’est la façon de raconter cette histoire, les références à la culture québécoise par exemple le nom du policier assassiné Maurice « Mo » Charbonneau qui rappelle celui de Maurice « Mom » Boucher (bien connu comme chef des Nomads, groupe de motards criminels), et l’art d’insérer des citations. Ou mieux, comme le dit Hämmerli, qui raconte l’histoire : « Revenons-en plutôt à ce qui me préoccupe et m’enchante : ma propre vie ».
C’est ici que la légèreté de Ste-Marie rejoint un peu celle de San Antonio : on ne lit pas ces auteurs pour se tourmenter, mais plutôt pour se reposer des problèmes de la vie quotidienne, pour se calmer les nerfs, pour se détendre.
Extrait :
Francis sourit à sa belle. Il se lève de sa chaise, éteint la lampe banquier à l’abat-jour jaune, autre cadeau de Lisa, et rejoint sa femme dans l’embrasure de la porte pour l’embrasser. (Pour embrasser Lisa, pas pour embrasser la porte, vous aurez compris. Remarquez, si j’avais écrit … et rejoint Lisa pour l’embrasser dans l’embrasure, vous m’auriez taxé de pornographie).

Le Vieux Port de Québec
Niveau de satisfaction :
(3,3 / 5)