Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri – Valerio Varesi

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2009
(È solo l’inizio)
Date de publication française :
2023 (Éditions Agullo ) – 2024 (Éditions Points)
Traduction (italien) :
Florence Rigollet
Genres : Enquête, noir
Personnage principal :
Commissaire Soneri

J’ai peut-être été injuste avec les deux premiers Varesi que j’ai lus : j’ai inconsciemment évalué le commissaire Soneri en fonction de mon idée du policier, ou du détective, idéal. Or, on ne peut pas reprocher à Maigret de ne pas être James Bond ! Ce qui me semble important pour l’auteur, c’est la ville de Parme, ses atmosphères brumeuses, la pluie presque continue, ses habitants fuyants. Et, plus particulièrement dans celui-ci, la dimension sociale et politique de l’Italie en ce début du XXIe siècle.

Sombre hiver : Parme est inondée de pluie. Un jeune homme semble s’être pendu dans un hôtel abandonné : il est vêtu avec élégance, une valise luxueuse à ses côtés, mais n’a aucun papier d’identité. Puis, un ex-leader du mouvement Soixante-huit parmesan, Elmo Boselli, est assassiné, tailladé de  plusieurs coups de couteau. Soneri traversera souvent les Apennins jusqu’à Cinque Terre pour retrouver des personnes qui connaîtraient le supposé suicidé. Son équipe remontera dans le temps jusque dans les années 60 pour connaître et comprendre le destin des leaders des mouvements étudiants et ouvriers des années 60-70 qui, espérant créer une société plus égalitaire, ont fini par paver le chemin à la droite.

On voit bien que les humeurs de Soneri, déjà assombries par la mort de son enfant mort-né et de sa femme Ada, ne sont pas seulement dues au climat de Parme et aux déboires des enquêtes qu’il mène. Le climat politique (une extrême-droite en plein essor) contribue profondément à sa morosité. Ses repas et ses nuits avec Angela ne le délivrent pas de « ce sentiment de totale inutilité dont il était malheureusement devenu coutumier ».

Ses couraillages sans succès finissent par nous épuiser; le nombre d’individus interrogés et réinterrogés est aussi assez décourageant. L’analyse sociopolitique des 50 dernières années en Italie ne manque pas d’intérêt. Mais on risque  de perdre le fil de l’enquête. Et il est sans doute plus facile pour les habitants de Parme de sympathiser avec un commissaire qui reflète peut-être assez bien leur état d’âme.

Extrait :
Soneri n’avait jamais vu un enterrement aussi lugubre (…)
Franca Pezzani se mit en tête du petit cortège au moment de quitter la chapelle du cimetière. À ses côtés, Gabo et Lalo, puis le reste de l’assistance (…)
Soneri compta les présents et n’alla pas au-delà de trente. Il se demanda une fois encore ce qu’étaient devenus tous ceux qui remplissaient les places. Et une fois encore, un abattement profond l’entraîna loin de sa fonction de policier. La mort, comme seule réponse  aux illusions dans lesquelles chacun se débat pour se maintenir en vie, se manifestait à présent dans le trou noir où l’on introduisait une caisse avec Elmo à l’intérieur. Puis, un rituel le bouleversa : les quelques camarades présents posant sur le cercueil en bois les livres qui les avaient accompagnés : Kerouac, Pavese, Marcuse, Hesse, Camus, Sartre, Ferlinghetti, Ginsberg, Adorno, Benjamin, Gramsci, Korsch, Lukács… et Lalo murmurant que la guitare dormait entre les bras d’Elmo , cordes tendues sous des doigts qui ne bougeraient plus.

Rivière Parma

Niveau de satisfaction :
3.9 out of 5 stars (3,9 / 5)

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