La baignoire de Staline – Renaud S. Lyautey

Par Michel Dufour

Date de publication originale : 2022 (Seuil)
Genres : Enquête, historique
Personnage principal :
René Turpin, diplomate

Lyautey est mort prématurément dans la jeune cinquantaine. Il était d’abord un diplomate et son travail en Géorgie de 2012 à 2016 lui a inspiré deux romans policiers : Les saisons inversées (2018, au Seuil) et La baignoire de Staline dont il est question aujourd’hui. C’est « un modeste hommage au peuple indocile et bagarreur de Géorgie », confie-t-il, mais la trame policière n’est pas à dédaigner, même si elle sert surtout à exposer la relation ambigüe entre la Russie et la Géorgie.

Un ressortissant français, Sébastien Rouvre, vingt-six ans, qui se livrait à des recherches universitaires sur la période de la guerre froide en Russie, est retrouvé mort à l’hôtel Marriott de Tbilissi, la capitale de la Géorgie. Suicide ou meurtre sexuel ? Les circonstances ne sont pas claires. L’ambassade de France, pour prévenir un éventuel scandale, délègue le diplomate René Turpin pour assister les inspecteurs locaux, Nougo Shenguelia et Lacha Bregvadze. La légiste Lika Batiachvili confirme qu’il s’agit d’un meurtre par strangulation. Et, même si la victime était nue, rien n’indique un crime sexuel. Par ailleurs, son ordinateur et son cellulaire sont disparus.

Quelques interrogatoires ne mènent nulle part. L’enquête prend une nouvelle tournure quand un ancien chef du KGB de Géorgie (1967-1972), Levan Rapava, est retrouvé dans son garage asphyxié par les gaz d’échappement de sa Mercedes. Comme dans le cas de Rouvre, on a tenté de faire croire à un suicide mais la légiste n’a pratiquement trouvé aucune trace de monoxyde de carbone dans les poumons; de plus, elle a encore détecté des marques de strangulation. L’appartement de Rapava n’a cependant pas été fouillé, contrairement à celui de Rouvre. Turpin ne voit vraiment pas le rapport entre le sort d’un étudiant français de vingt-six ans et celui d’un tchékiste octogénaire.

Pour compliquer encore la situation, la traductrice-interprète Natela Grigorichvili est assassinée à son tour, apparemment de la même façon que Rouvre et Rapava. Turpin peine à s’en remettre et, ce qui l’achève, un message de ses amis Kartadze lui annonce qu’ils partent à Gorki pour un certain temps. Or, Nina Sergueïvna est l’amie de Natela, et son conjoint Irakli initie régulièrement son jeune ami Turpin aux joies de la gastronomie géorgienne. Serait-ce possible qu’ils craignent pour leur vie ? Quel est le lien entre Rouvre, Rapava, Natela et Nina ? Leur nom n’apparaît-il pas dans la banque du cellulaire de Rouvre ? Et que vient faire dans cette galère le personnage de Kim Philby, cet espion britannique devenu agent double et, peut-être, triple ?

C’est certain que cette histoire peut paraître un peu tarabiscotée. Et Turpin joue plus le rôle d’un témoin des drames qui l’entourent que d’un grand enquêteur qui va éclairer et régler les problèmes. Mais l’intrigue est intéressante et la gastronomie géorgienne séduisante. L’hommage aux Géorgiens est réussi. On serait tenté de visiter Tbilissi, si la Russie n’était pas si près.

Extrait :
Quand les Russes ont entamé la conquête des nations du Caucase aux dépens des Persans, au début du XIXe siècle, ils ont, en quelque sorte, découvert le Sud… Oui. C’était ça. Le Midi. Des pays ensoleillés, où poussaient la vigne et les arbres fruitiers. Des contrées aux coutumes ancestrales, où l’on cachait les jeunes filles, la nuit, de peur qu’elles ne soient enlevées par des guerriers à cheval. Des forteresses crénelées. Des terres habitées par des brigands. On retrouve des traces de ces récits folkloriques dans toute la littérature russe, au siècle de Pouchkine et de Tolstoï. Les artistes de Saint-Pétersbourg venaient ici pour s’initier à la lumière du Sud, comme vos peintres célèbres, qui allaient en Provence, en Algérie, ou en Toscane… Dans l’imaginaire collectif des Russes, la Géorgie, c’est un peu tout cela à la fois. À l’époque soviétique, ce fut une destination de vacances. La mer Noire. Les plages d’Abkhazie, de Batoumi. Les sources d’eau chaude…

Tbilissi

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

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