Le sang ne suffit pas – Alex Taylor

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2019 (Blood Speeds the Traveler)
Date de publication française : 2020 – Gallmeister
Traduction : Anatole Pons-Reumaux
Genres : western, roman noir
Personnages principaux : Reathel, voyageur – Della, prostituée, mère d’un bébé

Hiver 1748 dans les Crazy Jack Mountains – Virginie.
Après trois jours de marche dans les montagnes, Reathel arrive à une cabane où il espère trouver chaleur et nourriture. Mais le maître des lieux n’est pas hospitalier, il lui refuse l’entrée. Les deux hommes s’affrontent et le dogue qui accompagne le voyageur tue l’habitant de la cabane. À l’intérieur se trouve une femme métisse, Della, enceinte, sur le point d’accoucher. Elle donne naissance à une petite fille. Le bébé ne lui appartient déjà plus : il a été promis par les blancs du fort de Bannock au chef indien des Shawnnes comme gage de paix. C’est pour le garder que Della s’est enfuie du fort en compagnie d’un homme. Le commandant de Bannock lance deux frères pisteurs sur les traces de la femme pour récupérer l’enfant et éviter ainsi la guerre avec les indiens. Le danger est partout : une grosse ourse affamée rôde, les loups sont à proximité, les Shawnees sont menaçants, les pisteurs arrivent, un dangereux trafiquant hante les lieux.

C’est un monde terrible que nous dépeint Alex Taylor. Ce roman est une sorte de western mais à mille lieux de l’image édulcorée du western classique. Ici c’est le réalisme le plus crû, le plus brutal qui est exposé. C’est un monde sauvage et violent dans lequel la mort peut frapper à chaque instant. C’est dans le froid, la neige, la glace et la boue que les hommes et les animaux essaient de survivre. La saleté et la maladie s’y ajoutent. La nourriture est rare, la famine s’installe. Sous l’emprise de la faim, les hommes sont capables de manger n’importe quoi. À ce sujet, il y a quelques scènes qui font frémir. En plus de la rudesse du climat, le péril vient des animaux, ours et loups, mais aussi et surtout des autres hommes.

Les hommes ont la rudesse et la dureté indispensables pour survivre dans ce milieu hostile. Il y a chez eux à la fois de la détermination et une sorte de fatalisme et de tranquillité dans les épreuves les plus dures. Ce n’est pas une des rares femmes, Della, que la maternité a transformée, qui dépare dans cette galerie de personnages. La règle générale est l’acceptation de ce monde tel qu’il est. Pas de plainte, pas de protestation. La mort n’effraie pas, elle délivre parfois.

C’est un Roman fort et sombre. Il témoigne de la capacité des hommes à affronter des conditions épouvantables et les changements inexorables qui en résultent. Il secoue par son âpreté et sa cruauté. Il y a des scènes dantesques. Cependant l’auteur a su lui donner une grande dimension tragique et derrière sa violence transparaît une réelle humanité.

Extrait :
Et la femme ajouta alors que s’il existait une meilleure fortune que la peine, elle lui était inconnue, car c’était seulement dans la peine que la vie d’un homme lui appartenait pleinement. Quoi d’autre, sinon des cicatrices, pouvait rendre la mesure d’un homme et de ce que son âme avait enduré ? À quelle autre aune que la souffrance pouvait-on juger une vie ? Celui qui puisait du plaisir dans l’espérance était un homme pauvre, car il ne connaissait rien de la saveur forte et ancienne de la désolation. La bouteille du temps n’était-elle pas emplie de larmes ?
Reathel ne répondit pas, il se contenta d’écouter le murmure de la neige qui dérivait à travers les montagnes. S’il était riche de chagrin, il voyait mal ce qu’une devise si capricieuse pourrait acheter.
Il essaya de balayer cette pensée, mais elle était comme une route où l’attiraient des fantômes, et il demeura dans une moite insomnie jusqu’à ce qu’un gémissement sourd leur parvienne des ténèbres derrière la porte.

… le monde au-delà de la cabane semblait figé dans l’étau de l’hiver.

Niveau de satisfaction :
4.2 out of 5 stars (4,2 / 5)

 

 

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