Était-ce lui ? – Stephan Zweig (1881-1942)

Par Michel Dufour

Date de publication originale :
Non déterminée
Date de publication française : Romans, nouvelles et récits II (Gallimard, La Pléiade, 2016; Poche 2021)
Traduction (allemand) :
Laure Bernard
Genre :
Noir
Personnage principal :
Betsy, une épouse bien tranquille

Strictement parlant, il ne s’agit pas exactement d’une nouvelle policière. Bien sûr, il y a meurtre et enquête. Et j’étais heureux de constater que ce grand écrivain s’était intéressé à un genre voisin du polar. En réalité, les nouvelles de Zweig ont  presque toutes un petit côté suspense, la plupart du temps sous la forme d’une situation problématique dont on ne voit pas très bien l’issue. Zweig aime jouer avec le lecteur, mais sa force est surtout sa sensibilité qui lui permet de décrire subtilement des relations humaines complexes aux avenirs intrigants.

Zweig me semble plutôt oublié aujourd’hui, alors que c’est un écrivain majeur qui a marqué la première moitié du XXe siècle avec des essais littéraires (Nietzsche, Dostoievski, Freud …) et des études historiques (Fouché, Érasme, Marie-Antoinette, Magellan …) qu’on aurait intérêt à relire aujourd’hui. Grand humaniste, ami de Romain Rolland, les nazis le déchoient de sa nationalité; Zweig s’exile alors au Brésil, compose des œuvres marquantes (Le Monde  d’hier, biographie nostalgique) et, pratiquement convaincu du triomphe de Hitler, se suicide avec sa femme en 1942.

Dans un bourg calme et verdoyant de la campagne anglaise, un couple d’âge mûr s’est installé dans un coin tranquille près de Bath pour se consacrer aux fleurs et aux livres. Puis, un jeune couple se construit une maison non loin de chez eux. La jeune femme est charmante; le colosse de mari, rempli d’énergie, ne cesse de parler et de bouger :  « Il se rendait presque insupportable par cette façon sonore, bruyante qu’il avait d’être perpétuellement heureux ».

La sérénité du couple de retraités est fortement troublée jusqu’à ce le voisin achète un chien, puis que son épouse accouche d’une petite fille. L’enthousiasme débordant du mari se concentre alors sur le chien, puis sur le bébé.

Coup de tonnerre dans un ciel serein : un drame éclate. Un commissaire de police intervient et se livre à quelques expériences avant de conclure qu’il ne s’agit pas d’un accident. Pourtant, bien des témoins affirment n’avoir vu personne traîner dans les environs. Betsy, la dame retraitée, est certaine de connaître l’assassin, mais elle ne peut faire connaître publiquement son opinion parce qu’il lui manque la preuve ultime.

Extrait :
Personnellement, je suis quasiment certaine que c’est lui l’assassin. « Betsy, me dit toujours mon mari, tu es une femme intelligente, tu es prompte et pénétrante dans tes observations, mais tu te laisses emporter par ton tempérament entier, et tu es souvent trop hâtive dans tes jugements ». Il me faut donc me faire violence, parce que cette preuve ultime me fait défaut, et faire taire mes soupçons auprès de tous les autres. Mais chaque fois que je le rencontre et qu’il s’avance vers moi de son air bonhomme et amène, mon cœur se fige. Et une voix intérieure me dit  « C’est lui, et lui seul, l’assassin ».

La campagne anglaise près de Bath

Niveau de satisfaction :
4 out of 5 stars (4 / 5)

 

 

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