Panorama – Lilia Hassaine

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2023 – Gallimard
Genres :
Science-fiction, dystopie
Personnage principal :
Hélène Dubern, gardienne de protection

France 2029.
Suite à plusieurs cas d’impunité de parents maltraitants, de prêtres pédophiles, de flics abusifs et de « pourris » de toute sorte, la justice est accusée de lenteur et d’inefficacité. L’hashtag «Revenge Week» – semaine de la vengeance – devient viral. Un climat insurrectionnel s’installe en France. Les victimes s’en prennent à leurs bourreaux. Une avocate lance le mouvement Transparence citoyenne. Les lois et les décisions de justice seront désormais discutées et votées par le peuple sur Internet. Mais il faut aller plus loin encore : ce sont les murs qui permettent, à l’abri des regards, que soient commises toutes les violences. Les murs sont dangereux. Un nouvel urbanisme voit le jour : les constructions modernes seront transparentes. Qu’avons-nous à cacher ? Si nous n’avons rien à nous reprocher, pourquoi ne pas tout montrer ?
France 2049.
C’est dans ce contexte où chacun veille sur les autres qu’une famille entière disparaît, sans que personne n’ait rien vu. Cela paraît impossible, mais c’est pourtant bien arrivé. Hélène Dubern, gardienne de protection (anciennement appelée policière) doit enquêter sur ce mystère.

L’intrigue, bien construite, est pleine de trouvailles. Dans ce monde où plus rien n’est caché, la délinquance a chuté et le métier de policier a perdu tout intérêt : les atteintes aux personnes ont grandement diminué, la criminalité s’était effondrée. Le travail d’Hélène consistait à enfourcher son vélo, pour s’assurer que tout se passait bien chez les uns, chez les autres, à faire de la prévention, à intervenir si besoin pour constater une infraction. D’ailleurs elle ne s’appelle plus policière, terme jugé péjoratif, mais gardienne de protection. Mais aujourd’hui fini la routine, son chef lui a confié l’enquête sur la disparition parce qu’elle est la plus ancienne et que les autres sont des brêles.

Dans les maisons-vivariums, chacun vit sous le regard de ses voisins, mais le nouvel urbanisme n’a pas effacé les différences de classes. Dans le quartier chic, les architectes ont rivalisé d’imagination en créant toutes formes de maisons : des maisons-glaçons côtoient des maisons-boules, des maisons-aquariums … Dans les classes moyennes, les maisons sont plus sobres et se ressemblent. Il y a un quartier qui a refusé le nouvel urbanisme. Les habitants vivent dans des barres d’immeubles surpeuplées ou dans des pavillons aux murs et aux cloisons en béton. Ceux qui vivent là sont ceux qui manquent de moyens ou ceux qui ont refusé la Transparence. Ils doivent signer une décharge stipulant qu’ils renoncent à la sécurité et à la protection. C’est dans cet endroit que subsiste la vraie vie, bien plus que dans le quartier aseptisé des gens riches.

Pourtant c’est dans le quartier le plus huppé, celui où la protection est maximale, où tout est luxe, calme et sécurité que s’est produit l’impensable : la disparition de toute une famille : la mère, le père et le jeune fils de huit ans. L’enquête confiée à Hélène est délicate parce qu’elle doit être menée dans un milieu de gens riches et influents.

Mais l’enquête n’est pas ce qui semble intéresser le plus l’autrice, ce n’est qu’un prétexte pour montrer qu’un système de totale transparence n’empêche ni le crime ni le silence de témoins plus motivés à protéger leurs privilèges qu’à établir la vérité. Elle montre aussi que la vie sous surveillance, soi-disant bienveillante, n’aboutit qu’à l’affadissement des sentiments, des envies et des forces vitales. Elle engendre une société déshumanisée. La Transparence est plus destructrice que protectrice.

Panorama est une dystopie pleine d’imagination. L’écriture est limpide et sans fioritures. Ce roman suscite aussi la réflexion sur cette nouvelle société basée sur la Transparence.

Extrait :
L’architecte scelle ce jour-là, en accord avec les citoyens, les normes d’un nouvel urbanisme. Le baron Haussmann avait transformé Paris au XIXe siècle pour plus de salubrité et de sécurité. Les grands travaux de Viktor Jouanet viseront à un « assainissement moral » et à une « sécurité optimale ». Les constructions modernes seront transparentes. On rénovera les lieux de culte et monuments du patrimoine qui peuvent l’être : les murs de pierre seront remplacés par des vitres. On détruira les logements, les écoles, les prisons, les hôpitaux, les commerces pour construire des maisons-vivariums, où chacun sera garant de la sécurité et du bonheur de ses voisins.

« Au fond, qu’avons-nous à cacher ? Si nous n’avons rien à nous reprocher, pourquoi ne pas accepter de tout montrer ? »
L’assemblée applaudit et entonne La Marseillaise.

Lilia Hassaine présente Panorama

Niveau de satisfaction :
4.2 out of 5 stars (4,2 / 5)

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