Les fils de Shifty – Chris Offutt

Par Raymond Pédoussaut

Date de publication originale : 2022 (Shifty’s Boys)
Date de publication française :
2024 – Gallmeister
Traduction (américain) :
Anatole Pons-Reumaux
Genres : Roman noir, grands espaces
Personnage principal :
Mick Hardin, militaire en congés de convalescence

Mick Hardin, militaire, se remet d’une blessure de guerre contractée en Afghanistan. Il s’est installé chez sa sœur Linda, à Rocksalt dans le Kentucky. Linda est shérif du comté, elle est en pleine campagne électorale pour sa réélection. Lorsque le cadavre d’un jeune, connu pour être un dealer, est identifié, la police n’est pas particulièrement motivée pour découvrir le coupable. C’est pour cela que Shifty Kissick, la mère du jeune qui a été tué, demande à Mick, qu’elle connaît depuis longtemps, de retrouver celui qui a assassiné son fils. Contrairement aux déductions de la police, Mick s’aperçoit que ce meurtre n’est pas lié au trafic de drogue, comme on a voulu le laisser croire. Quand un deuxième fils de Shifty est lui aussi abattu, Mick est convaincu qu’une affaire bien plus importante que le trafic local de stupéfiant est en jeu. Quelque chose de bien plus dangereux aussi.

Dans ce roman il y a des meurtres et une enquête, mais il y a aussi de belles descriptions des collines du Kentucky et des gens qui y vivent. Les collines sont magnifiques en toutes saisons. Les gens, eux, sont austères, rudes, parlent peu : la culture des collines ne prévoit pas de bavardages cordiaux, un signe de tête, une poignée de main vaut pour un accord entériné. Rocksalt est une petite ville où tout le monde se connaît. Les trafiquants de drogue font partie du paysage, tout le monde sait qui ils sont, personne n’entrave leurs affaires à part les concurrents.

Côté personnages, Mick est un militaire, c’est aussi un policier, un agent spécial de la Division des enquêtes criminelles de l’armée. Sa jambe a été amochée par une bombe en Afghanistan. Il est en convalescence dans la maison familiale dont a hérité sa sœur, fille un peu revêche et préoccupée par sa réélection au poste de shérif. Mick va s’avérer être un combattant efficace, bien aidé par Raymond, un troisième fils de Shifty, lui-même militaire et expert dans le maniement des armes et la reconnaissance. D’autres personnages pittoresques apparaissent : – Albin, un chauffeur de taxi qui se rêvait pilote de course – Oncle Merle a planté un érable pour abriter les nids des merles et pouvoir les observer à sa guise – Un faux preneur d’otages essaie désespérément de trouver l’argent pour payer un collier à sa copine. Il y a aussi de vrais méchants qui ne respectent ni la nature ni la vie, ceux-là ne font pas partie de la communauté de Rocksalt, ils viennent d’ailleurs, ils sont différents, ce sont de vrais prédateurs.

Dans ce beau roman Chris Offut décrit avec tendresse et nostalgie les collines du Kentucky, une région belle et sauvage, avec ses habitants taiseux et rigides. Les trafics font partie de l’économie d’une région déshéritée. C’est encore le vieux monde, mais c’est par le nouveau monde que le véritable péril va arriver, il vient de l’extérieur.

Extrait :
Elle opina, et il comprit qu’elle savait déjà tout ça. Elle était sans doute aussi au courant pour sa femme et le bébé. Il se demanda si elle savait pour le percocet. Il resta assis en silence, attendant la suite. La culture des collines ne prévoyait pas de bavardages cordiaux. Elle l’avait fait venir. Il était là. C’était à elle de parler, et il patienterait jusqu’à ce qu’elle lui donne la raison de cette convocation.

— J’ai besoin d’aide, dit-elle.
Il la considéra d’un air surpris. Elle avait perdu un garçon, mais Mick n’allait pas combler le vide dans le trafic de drogue laissé par la mort de Fuckin’ Barney. Il jeta un regard à Mason, le benjamin, un homme qui avait besoin d’instructions précises. Peut-être voulait-elle qu’il fasse des travaux sur son terrain. Ça lui ferait de l’exercice, et Mason pourrait lui servir de chauffeur.
— Quel genre d’aide, madame Kissick ?
— Trouver qui a tué Barney.
— Il faut parler aux municipaux.
— Je leur ai parlé, dit-elle. Autant pisser dans un violon. Ils se sont déjà fait leur idée.
Ses pupilles s’étaient contractées de rage. Son œil droit s’était concentré sur l’œil droit de Mick, un signe d’agressivité. Mick étudia sa tasse de café.
— Qu’est-ce que vous a dit la police ? demanda-t-il.
— D’arrêter de les harceler.

Niveau de satisfaction :
4.2 out of 5 stars (4,2 / 5)

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